DOSSIER

UN CRÉDIT D’IMPÔT POUR MAINTIEN À DOMICILE
PLUS ÉQUITABLE POUR LES AÎNÉS

La possibilité de demeurer chez soi, dans sa communauté, est au cœur des objectifs poursuivis par le gouvernement dans sa politique sur le vieillissement. C’est aussi la volonté des personnes aînées, qui souhaitent rester dans leur milieu.

Cet objectif est pleinement justifié, non seulement socialement, mais économiquement. Le coût des dépenses associées au maintien à domicile d’une personne aînée est en effet largement inférieur à celui d’un hébergement en CHSLD.

Conséquence inévitable du vieillissement de la population, l’augmentation croissante de la demande pour des services de maintien à domicile révèle néanmoins des iniquités, parfois choquantes, entre les personnes qui ont les moyens d’en assumer le coût et celles pour qui cela s’avère impossible.

Le crédit d’impôt pour maintien à domicile

Introduit le 1er janvier 2000, le crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés (CMD) vise à permettre aux personnes âgées de 70 ans ou plus de vivre le plus longtemps possible dans leur milieu de vie. Ayant fait l’objet de plusieurs ajustements au fil des ans, ce programme demeure l’une des plus importantes mesures fiscales à venir en aide aux contribuables aînés.

En 2016, quelque 326 000 contribuables ont bénéficié du CMD, pour un montant se chiffrant en moyenne à 1 399 $.

La mécanique du programme se résume ainsi : certains types de dépenses sont admissibles, jusqu’à concurrence d’un maximum annuel qui varie selon le degré d’autonomie du contribuable éligible (19 500 $ pour une personne autonome, 25 500 $ pour une personne non autonome). Une fois le calcul des dépenses admises complété, on applique un taux de remboursement uniforme de 35 %.
Exemple : un contribuable à qui l’on reconnaît des dépenses de 3 000 $ bénéficiera d’un crédit d’impôt remboursable de 1 050 $.

Les dépenses admissibles peuvent inclure une partie du coût du loyer (ou des charges de copropriété) et celui des services d’entretien ménager, d’aide à l’habillage et à l’hygiène, de préparation et de livraison des repas, etc. La façon de les calculer diffère selon que la personne habite, ou pas, dans une résidence pour aînés certifiée, auquel cas un pourcentage du coût du loyer total sera admis selon le nombre de services inclus au bail.

Pour un aîné à faible ou modeste revenu, le montant octroyé peut faire la différence entre la possibilité ou l’impossibilité de se loger convenablement et de recevoir les services appropriés à ses besoins. Mais encore faut-il qu’au départ, il puisse se les payer ! Sachant que bon nombre de personnes aînées sont en situation de pauvreté, il y a là un enjeu d’équité certain : tous ne sont pas égaux face aux coûts engendrés par le vieillissement.

Quand le filet mignon est plus payant que
le pâté chinois !

Actuellement, le crédit d’impôt pour maintien à domicile apparaît inéquitable. Le calcul du montant octroyé repose en effet sur la quantité et le coût des services obtenus. Ainsi, même s’il y a un seuil au-delà duquel les dépenses ne sont plus prises en considération, l’aîné qui a les moyens de vivre dans une résidence privée de luxe et de se payer des services plus dispendieux reçoit une aide plus élevée que celui qui habite dans une résidence communautaire – cela, pour le même type et la même quantité de services.

De la même manière, celui qui est capable de s’offrir plus de services voit son crédit d’impôt augmenter d’autant, alors que son voisin à faible revenu n’obtient rien de plus s’il n’a pas la capacité de se les payer, même s’il en a peut-être autant besoin.

Le taux de crédit uniforme (35 %) renforce ces iniquités. Que l’on soit riche ou pauvre, le taux est le même pour tout le monde, ce qui heurte la logique de notre système fiscal, qui prévoit des tranches d’imposition progressives précisément pour atténuer les inégalités.

 

Prenons l’exemple de deux aînés ayant chacun 75 ans :

Madame Tremblay vit dans un OSBL d’habitation où elle paie un loyer mensuel de 1 400 $. Son revenu annuel est de 18 000 $.Monsieur Gendron habite dans une résidence privée haut de gamme, qui lui coûte 3 000 $ par mois. Son revenu annuel est de 44 000 $.
Dans les deux cas, le coût du loyer comprend les services suivants : deux repas quotidiens, entretien ménager hebdomadaire, soins personnels et infirmiers.
Sur la base de dépenses admissibles reconnues se chiffrant à 770 $, madame Tremblay recevra chaque mois un versement de 270 $ (35 % des dépenses admissibles).Sur la base de dépenses admissibles reconnues se chiffrant à 1 350 $, monsieur Gendron recevra chaque mois un versement de 473 $ (35 % des dépenses admissibles).

Dans un rapport publié en 2015, la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise s’étonnait que des personnes dont le revenu familial excède 250 000 $ puissent néanmoins bénéficier de ce crédit d’impôt. Elle a donc proposé de réduire le remboursement accordé aux aînés plus fortunés, mais n’a pas osé recommander que les sommes ainsi dégagées soient redirigées vers les aînés à faible revenu. D’autres, avant elle, ont déjà été plus audacieux.

Dans un avis publié il y a une quinzaine d’années, le défunt Conseil des aînés avait évoqué l’idée de modifier le taux du crédit d’impôt pour maintien à domicile, « en l’augmentant lorsque le revenu est plus bas, un peu à la manière du crédit d’impôt pour les frais de garde d’enfant ». Le taux de ce dernier varie en effet de 75 % à 26 % en fonction du revenu familial du contribuable ; les ménages à faible revenu obtiennent une aide proportionnellement plus élevée, ce qui permet une atteinte optimale des objectifs du programme.

Le programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD), qui accorde une aide aux personnes qui se procurent des services auprès d’une entreprise d’économie sociale en aide à domicile, est un autre exemple d’un programme dont l’aide est modulée selon le revenu de la personne admissible.

D’autres écarts à combler

D’autres situations inéquitables sont parfois créées par la façon dont est calculé le montant du CMD :

Pour les contribuables qui habitent dans une résidence pour aînés certifiée, seuls les services offerts quotidiennement (sept jours par semaine) peuvent être inclus dans les dépenses admissibles. Si, par exemple, les soins infirmiers ne sont offerts que du lundi au vendredi, cette dépense ne sera pas prise en considération dans le calcul du montant alloué.

Les résidents qui bénéficient d’une réduction de loyer en vertu d’un programme de supplément au loyer (PSL) sont traités différemment de ceux à qui l’aide au logement est versée directement, que ce soit par le programme Allocation-logement ou la composante relative au logement du crédit d’impôt pour solidarité. Dans le premier cas (PSL), le montant de crédit d’impôt pour maintien à domicile qui leur est versé est réduit, alors que pour les autres il ne l’est pas.

Diriger l’aide là où elle aura un impact optimal

Le Réseau québécois des OSBL d’habitation propose que le programme de crédit d’impôt pour maintien à domicile soit rééquilibré pour que son impact soit optimisé, en allouant une aide proportionnellement plus importante aux aînés dont la condition financière rend plus difficile l’accès aux services de maintien à domicile. Cela passe par le remplacement du taux de crédit unique par un taux variable dégressif en fonction du revenu.

À titre d’exemple, voyons ce que donnerait cette hypothèse de taux dégressif sur le calcul du crédit d’impôt auquel madame Tremblay et monsieur Gendron auraient droit :

Notre hypothèse
Au lieu d’un taux unique de 35 %, nous appliquons un taux qui décroît de la façon suivante :
Revenu annuelTaux de remboursementRevenu annuelTaux de remboursement
0 – 19 999 $45 %45 000 – 49 999 $35 %
20 000 – 24 999 $43 %50 000 – 59 999 $35 %
25 000 – 29 999 $41 %60 000 – 69 999 $35 %
30 000 – 34 999 $39 %70 000 – 99 999 $35 %
35 000 – 39 999 $37 %100 000 $ ou plus35 %
40 000 – 44 999 $35 %

Au lieu de se voir octroyer un crédit d’impôt de 270 $, madame Tremblay recevrait chaque mois un versement de 331 $ (le taux de remboursement étant dans son cas de 45 % au lieu de 35 %).

Quant à monsieur Gendron, le taux de remboursement qui lui serait applicable serait maintenu à 35%; il continuerait ainsi à recevoir un versement mensuel de 473$.

D’autres hypothèses pourraient bien sûr être envisagées, y compris certaines plus dégressives. Nous soumettons celle-là pour illustrer la pertinence et la possibilité d’un taux de remplacement dégressif. Afin d’estimer le coût de cette hypothèse, le RQOH a réalisé une projection à partir des dernières statistiques fiscales disponibles (2016). L’application de ces taux sur l’année 2019 se serait traduite par une augmentation d’environ 100 millions $ des coûts de programme (583 millions $). L’essentiel de cette augmentation, soit un peu plus de 80 millions $, se serait retrouvé dans les poches des contribuables dont le revenu se situe entre 15000 et 25000 $.

Peu importe l’hypothèse retenue, l’objectif est de mieux cibler l’aide globale octroyée, de sorte que ce programme atteigne vraiment son objectif : permettre aux aînés de demeurer le plus longtemps possible dans leur milieu de vie, peu importe leurs moyens. À terme, c’est toute la société québécoise qui en ressortira gagnante, à tous points de vue.

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L’ENJEU

Permettre aux personnes aînées qui le souhaitent de rester chez elles le plus longtemps possible.

Sachant qu’un bon nombre d’aînés sont en situation de pauvreté et que tous ne sont pas égaux face aux difficultés qui accompagnent inévitablement le vieillissement, on doit porter une attention particulière à la capacité des personnes à faible ou modeste revenu d’obtenir les services dont elles ont besoin.

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LE PROBLÈME

Le crédit d’impôt pour maintien à domicile est calculé en appliquant un taux de remboursement fixe de 35 % des dépenses jugées admissibles. Pour le même type et la même quantité de services, les contribuables dont les revenus leur permettent de se payer des services plus dispendieux reçoivent une aide financière plus élevée.

Conscient de l’importance du programme, le gouvernement a consacré des efforts importants pour le bonifier, faisant passer le taux de remboursement de 30 % en 2012 à 35 % en 2017.

Néanmoins, les iniquités créées par l’application d’un taux de remboursement unique persistent.

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CE QUE NOUS PROPOSONS

Nous proposons que l’aide globale accordée au maintien à domicile des aînés soit mieux ciblée pour qu’elle permette au plus grand nombre de demeurer dans leur milieu de vie. Cela passe par le remplacement du taux de remboursement unique par un taux variable dégressif en fonction du revenu de la personne admissible.

Nous proposons également que tous les services offerts dans les résidences pour aînés soient pris en considération dans le calcul des dépenses admissibles, peu importe à quelle fréquence ils sont dispensés, et qu’aucune réduction des dépenses admissibles ne soit appliquée aux locataires qui bénéficient d’un programme de supplément au loyer.

Enfin, nous demandons à ce que le coût des services admissibles inclus dans le loyer dans les OSBL d’habitation qui ne sont pas des résidences privées pour aînés certifiées (RPA) soit reconnu comme une dépense admissible et que ces organismes soient ainsi reconnus comme prestataires de service, au même titre que les autres organismes qui dispensent ce type de services.

Permettre aux aînés de demeurer le plus longtemps possible dans leur milieu de vie, en dirigeant l’aide là où les besoins sont les plus criants : c’est toute la société qui y gagnera.

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