Amalgamés à tort avec les résidences privées à but lucratif, les OSBL-H pour aînés du Québec font face à un écueil de taille : leur certification. En effet, depuis 2013, ces organismes doivent se soumettre à une série de contrôles et de règles inspirées du « tout sécuritaire », lesquelles ne tiennent pas compte de la spécificité de leur situation. Cela a pour effets d’institutionnaliser les OSBL pour aînés en réduisant leur marge d’autonomie, d’augmenter sensiblement les loyers des locataires et de mettre en péril des milliers de logements construits par les communautés.

Le RQOH n’est pas le seul à s’inquiéter de cette situation. L’attrition de l’offre de logement abordable pour les aînés, une conséquence dramatique mais mon moins prévisible de l’imposition d’un certificat de conformité homogène pour toutes les résidences ne faisant pas partie du parc public, inquiète également  Marco Guerrera, conseiller affaires publiques et relations avec la communauté au Réseau FADOQ, principal organisme représentant les aînés au Québec. M Guerrera vient de terminer la rédaction d’une étude exhaustive intitulée État des lieux des résidences pour aînés au Québec 2015-2016.

Parmi les conclusions de cette étude, on remarque « une concentration de la majorité des unités locatives dans les régions fortement urbanisées : Capitale-Nationale, Montérégie et Montréal détiennent 50 % des unités en RPA ». On note aussi « une présence dominante des résidences à but lucratif en nombre de résidences pour aînés (RPA) et en nombre d’unités : 88 % des RPA et 91 % des unités ».

Interrogé à ce sujet, Marco Guerrera explique : « C’est bien beau la sécurité, et le Réseau FADOQ est le premier à revendiquer une plus grande sécurité pour les aînés, mais l’approche axée uniquement sur la sécurité physique est réductrice. Le bien-être des aînés dépend aussi d’une foule d’autres facteurs, dont celui de pouvoir choisir leur domicile de manière libre et éclairée. Pour cela, il faut qu’il existe différentes possibilités offrant une certaine diversité. »

En imposant une certification unique, le gouvernement procède forcément à une homogénéisation de l’offre de logement pour les aînés, car les OBSL-H risquent fort de se retrouver hors-jeu. Cette perte de diversité dans l’offre se situe également à la convergence de deux phénomènes : 1. le désinvestissement dans l’hébergement public (« nous sommes maintenant à 4000 personnes sur les listes d’attente pour avoir une place en CHSLD », dit Marco Guerrera); et 2. le manque de ressources dans les mesures de maintien à domicile. « On dit aux aînés : allez en résidence pour recevoir du soutien, et l’offre de résidence se concentre de plus en plus  entre les mains de quelques grands groupes privés à but lucratif ». Le portrait est sombre : domination des grosses résidences à but lucratif, possédées par de grandes entreprises, majoritairement situées dans les grandes villes, et exigeant des loyers plus élevés…

Le règlement actuel relatif à la certification, qui fragilise un réseau d’OSBL qui a ses ramifications dans l’ensemble du Québec, est à mettre en parallèle avec un aspect saisissant de l’étude de Marco Guerrera. En effet, celui-ci attire l’attention sur le fait que dans 234 municipalités au Québec, il n’y a qu’une seule résidence pour aînés, et dans 218 autres municipalités, il n’y en a que deux. C’est dire que la disparition de petites résidences (OSBL ou autres) aurait des conséquences dramatiques sur le maintien de la population locale et l’occupation du territoire en plus de diminuer de manière alarmante la capacité des aînés de choisir leur lieu de résidence.

Le Réseau FADOQ est en grande partie à l’origine de la mise en place de mesures garantissant la sécurité des aînés résidents (ce qui passe nécessairement par une forme de certification)[1]. Mais l’approche « sécuritaire » du gouvernement est trop réductrice, et surtout, elle se met en place au détriment d’autres aspects de la qualité de vie : maintien des aînés dans leur communauté, sécurité financière).  L’État des lieux des résidences pour aînés au Québec 2015-2016 demande en effet que soient maintenus et développés « des programmes d’aide financière spécifiques aux OBNL et aux petites et moyennes résidences, notamment AccèsLogis ».

Comme nous en faisions état dans nos pages dans un précédent numéro, un Comité Carré Gris s’est mis sur pied afin de réunir des aînés préoccupés par les menaces que constituent la certification « mur à mur » sur les OSLB-H aînés. Le Comité Carré Gris demande au gouvernement « de reconnaître la diversité de la population aînée, autant dans ses besoins que dans ses aspirations » et rappelle que les aînés sont « capables de faire des choix éclairés ». Le Comité Carré Gris dénonce la certification comme n’étant « rien de moins qu’une infantilisation discriminatoire et une manifestation indécente d’âgisme ! »

Nos précédents textes 

Stéphan Corriveau, « Sécurité : visa le noir, tua le blanc (air connu) », Bulletin Le Réseau, no 46, hiver 2015.

Le Comité Carré Gris, « Nous faire entendre pour nous faire respecter! »,  Bulletin Le Réseau, no 46, hiver 2015.

Les OSBL d’habitation pour aînés : des milieux de vie agréables, favorisant l’autonomie, l’entraide et un espace communautaire dynamique… menacés!, cahier thématique en supplément du Bulletin Le Réseau, no 44, été 2014.

Tous ces documents sont disponibles sur le site www.rqoh.com

[1] Dès la fin des années 1990, avec son programme Rose d’Or, ce qui s’appelait encore à l’époque la Fédération de l’âge d’or du Québec  répertoriait  les résidences en termes de sécurité et de respects des droits des aînés, mais également selon des critères de qualité des soins et des activités de loisir offertes.

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 47