5 mars 2012
Nancy Bilodeau, conseillère Gestion des accidents du travail. Mutuelle de prévention des OSBL d’habitation
L’assignation temporaire est un droit conféré à l’employeur par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Une fois l’assignation autorisée par le médecin traitant d’un employé, celle-ci devient donc une obligation pour l’employé.
L’assignation temporaire peut être perçue de différentes façons par les employés : certains y verront une opportunité pour réduire leur charge de travail habituelle, alors que d’autres s’imagineront qu’il s’agit d’une punition suite à un accident du travail. D’autres encore croiront qu’il ne s’agit que d’une mesure exprimant la volonté de l’employeur de réduire sa facture à la CSST.
Pourtant, l’assignation temporaire demeure, avec la prévention, le moyen le plus efficace de réduire, de façon significative, les coûts reliés aux lésions professionnelles. De plus, elle contribue également à atteindre un autre objectif important que s’est donné la Mutuelle de prévention des OSBL d’habitation, soit le maintien du lien d’emploi lorsque survient une lésion professionnelle.
Que ce soit sous forme d’un retour progressif au travail, d’un travail allégé ou d’une assignation temporaire à d’autres tâches, l’assignation temporaire permet à la fois de réduire la durée d’une invalidité et d’éviter la chronicité d’une lésion chez un membre du personnel, tout en augmentant les chances de retour au travail lors d’accidents occasionnant des lésions plus sévères.
En effet, une importante étude au sujet de l’invalidité a révélé qu’après une absence au travail de six mois, un employé sur deux (50 %) effectuera un retour au travail, alors qu’après un an d’absence, c’est un employé sur cinq (20 %) qui reprendra le travail. Par ailleurs, après une absence de deux ans, seul un employé sur dix (10 %) retournera au travail et au-delà de deux ans d’absence, les probabilités de retour au travail sont presque nulles. Cela démontre l’importance d’un prompt retour au travail lors d’une période d’arrêt et, en ce sens, l’assignation temporaire peut contribuer à réduire de façon significative ces périodes d’arrêt, voire même à éviter un arrêt de travail.
Une question de perception
Contrairement aux idées reçues, l’assignation temporaire comporte plusieurs avantages pour l’employé, et ce, bien au-delà de la diminution du risque de rechute. En effet, celle-ci permettra, notamment, à l’employé de maintenir ou de retrouver graduellement sa capacité de travail. En favorisant la réadaptation physique de l’employé, il s’agira ici d’une mesure comparable à l’ergothérapie.
Qui plus est, cette période favorisera sa réadaptation psychologique en évitant que celui-ci se sente isolé. Il aura, de plus, l’occasion d’expérimenter d’autres tâches et de développer d’autres habiletés, tout en conservant l’intégralité de son salaire.
Faire de l’assignation temporaire un succès
• Avoir une politique claire et affichée concernant l’assignation temporaire.
• Informer les employés relativement à l’application de
l’assignation temporaire.
• Afficher les consignes à suivre par les travailleurs en cas d’accident.
• Laisser en tout temps des formulaires d’assignation
temporaire accessibles aux employés (par exemple dans la salle de pause) et leur rappeler leur obligation de prendre un formulaire d’assignation avant de se rendre à une consultation médicale.
• Engager les employés : pourquoi ne pas les inciter lors
d’une réunion de santé et sécurité à émettre des idées et suggestions sur des tâches pouvant s’effectuer en assignation temporaire ?
Questions fréquemment posées sur l’assignation
Pourquoi payer quelqu’un en surplus pour faire de l’assignation?
Il faut toujours regarder les choses dans une perspective à long terme. Toutes les sommes réclamées à la CSST sont imputées au dossier de l’employeur et des facteurs de chargement sont appliqués à ces montants par la CSST. De plus, chaque dollar imputé au dossier a un impact sur les cotisations de l’employeur pour les quatre années suivantes.
Voici un graphique illustrant la différence de coûts pour une semaine selon deux scénarios : l’employé est en assignation temporaire ou il reçoit des indemnités de la CSST (salaire hebdomadaire de 500 $ utilisé aux fins d’exemple).
A. L’employé est en assignation temporaire : l’employeur doit lui verser le salaire d’un remplaçant et assumer celui de l’employé en assignation.
Total avec assignation : 500 $ + 500 $ = 1000 $
B. L’employé est en arrêt, il reçoit des indemnités de la CSST : l’employeur doit verser le salaire du remplaçant et toutes les indemnités de remplacement de revenu versées par la CSST seront imputées au dossier de l’employeur selon un taux minimum de 150 %.
Total : 500 $ + (500 x 150 %) = 1250 $
Note : ce calcul a été effectué avec le taux de 150 %, mais ce taux peut aller jusqu’à 400 %.
Est-ce qu’un employé en assignation peut prendre des congés ou des vacances ?
Un employé en assignation est considéré comme à son poste régulier. Il conserve donc les mêmes avantages que s’il était présent au travail. Il pourra donc prendre des congés personnels ou des vacances comme s’il occupait son poste régulier. L’employeur ne peut lui imposer de prendre ses vacances au moment de l’assignation temporaire.
L’assignation temporaire est un droit conféré à l’employeur par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Une fois l’assignation autorisée par le médecin traitant d’un employé, celle-ci devient donc une obligation pour l’employé.
Est-ce qu’un employé en arrêt de travail peut prendre des vacances ?
L’employé en arrêt de travail pour cause d’accident peut reporter ses vacances jusqu’à ce qu’il soit consolidé. Si toutefois il désire profiter de ses vacances (par exemple parce qu’un voyage était prévu), il devra y avoir un accord entre l’employeur, le médecin traitant et l’agent de la CSST.
Si un employé en assignation temporaire prend un congé maladie, qui doit assumer les frais pour cette journée ?
Si l’absence maladie est liée à la blessure subie au travail, le travailleur ne devrait pas être désavantagé : aucune journée ne sera prélevée de sa banque de maladie. Par contre, si l’absence n’a rien à voir avec la blessure subie au travail (par exemple une absence à cause d’un rhume) une journée pourra être déduite de sa banque de maladie.
Si un employé en assignation temporaire ne respecte pas les limitations prescrites par son médecin, qu’est-ce que l’employeur peut faire pour les faire respecter ?
La Loi sur la santé et la sécurité au travail édicte les obligations de l’employeur et des travailleurs : en vertu de l’article 49 LSST, le travailleur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ; quant à l’article 51 LSST, il indique que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique du travailleur.
L’employeur et l’employé ont donc tous les deux une responsabilité quant au respect des limitations que le médecin traitant indique puisque celles-ci visent à protéger la santé du travailleur accidenté. Il serait donc justifiable que l’employeur impose des mesures disciplinaires à un employé qui ne suit pas les recommandations de son médecin. Il faudra toutefois respecter la gradation des sanctions comme dans toute autre situation où une mesure disciplinaire s’impose.
En somme, l’assignation temporaire est un facteur très important dans le cadre d’une saine gestion de la santé et de la sécurité des employés. Celle-ci peut être bénéfique pour l’employeur en permettant une réduction des coûts d’indemnisation. Elle peut également être bénéfique pour le travailleur puisque ce dernier est maintenu dans son milieu de travail, et ce, malgré sa lésion professionnelle.