11 août 2016
Le Regroupement des OSBL d’habitation et d’hébergement avec support communautaire en Outaouais (ROHSCO) a joué un rôle clé dans la coordination des demandes des groupes pour l’obtention des fonds alloués dans le cadre de la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI). Ce faisant, le ROHSCO a réussi à faire la preuve qu’en combinant nos efforts, il est possible de mieux financer les activités de ceux qui contribuent à réduire l’itinérance et à améliorer la qualité de vie des personnes qui y sont confrontées. Une petite leçon d’entraide…
L’itinérance est une réalité qui prend différentes formes, mais qui est toujours aussi inadmissible tant en milieu urbain que rural, dans les grandes métropoles comme en région. L’Outaouais ne fait pas exception. L’itinérance y est bien présente et sa réalité se distingue de celle d’autres régions notamment par la proximité transfrontalière avec Ottawa. En effet, de manière beaucoup trop simpliste, on pourrait dire que l’itinérance est plus visible du côté d’Ottawa (mendicité) et plus cachée du côté de Gatineau (familles vivant de l’instabilité résidentielle chronique par exemple). Pour trouver le soutien dont ils ont besoin, certains traversent la rivière des Outaouais : chaque programme, chaque décision politique peut avoir des conséquences sur les déplacements de personnes itinérantes qui n’ont que peu d’attaches. Il est d’autant plus important de coordonner les efforts entrepris dans la lutte à l’itinérance.
Pour que le ROHSCO puisse jouer ce rôle de coordonnateur en Outaouais, il a dû, dans un premier temps, rebâtir sa crédibilité à titre de chef de file et rassembleur dans le milieu. Une tournée de consultation des organismes a été organisée en 2014 pour entendre et colliger l’opinion des groupes membres et non membres du ROHSCO sur ce qu’était, et ce que devrait être, la fédération. Notons que cette dernière avait jusque-là été perçue comme une « boîte de services » à laquelle on faisait appel pour de la sous-traitance, en matière, par exemple, de tenue de livres ou de soutien communautaire. Toutefois, le mandat de représentation politique ou de coordination avait peu été exploité.
Fort d’un premier pas vers ses membres, le ROHSCO a publié en mai 2015 une recherche financée par la SPLI : l’Étude intersectorielle sur la situation de l’itinérance en Outaouais. Ce projet collectif a été rendu possible grâce à la collaboration de chercheurs universitaires (de l’Université d’Ottawa et l’Université du Québec en Outaouais) et de 22 organismes communautaires des quatre coins de l’Outaouais œuvrant à la lutte à l’itinérance. Cet élément aura été crucial, puisqu’il a permis de camper les bases d’une expertise au sein de la fédération et de démontrer la capacité du ROHSCO à coordonner les efforts de l’ensemble des acteurs du secteur.
Par la suite, le rôle du ROHSCO dans la coordination régionale de la lutte à l’itinérance s’est confirmé avec l’imposition de l’approche Logement d’abord (Housing First), qui a été rebaptisée Stabilité résidentielle avec accompagnement (SRA) pour le Québec et qui représente dorénavant 40 % de l‘enveloppe de financement. En effet, le financement 2015-2016 de la SPLI a exigé une collaboration des partenaires pour sécuriser le financement des projets individuels. Puisque les membres du ROHSCO (qui sont des OSBL d’habitation) étaient exclus du financement SRA, le Regroupement a rallié les 13 organismes (aujourd’hui 15) jusque-là financés par la SPLI pour que tous ceux qui pouvaient changer leurs pratiques afin de répondre aux critères SRA le fassent, libérant ainsi des fonds pour assurer le maintien du financement des OSBL d’habitation œuvrant à la lutte à l’itinérance.
Par conséquent, pour cette première année de transition vers l’approche SRA (2015-2016), les 13 groupes impliqués ont accepté de collaborer et de déposer officiellement une demande concertée, et ont sollicité le ROHSCO pour coordonner les efforts de cette initiative novatrice.
Le dépôt de la demande de financement SPLI 2016-2019 a également fait l’objet d’une démarche concertée et coordonnée une nouvelle fois par le ROHSCO, mais cette deuxième mouture est une réussite inédite à travers le Canada. En effet, les 13 organismes partenaires ont déposé des projets individuels qui correspondent à la valeur totale de l’enveloppe SPLI disponible pour la région. Compte tenu des changements d’orientation, pour arriver à un tel résultat, les groupes ont dû faire des choix difficiles : pour sécuriser le financement d’autres partenaires et répondre ainsi aux exigences du bailleur de fonds, ils ont accepté de réduire leur propre financement. En termes clairs, un quart du financement (soit 200 000 $ d’une enveloppe de 800 000 $, non indexée depuis 1999), historiquement utilisé pour des services directs à la population, a dû être redirigé vers des besoins (par exemple, des allocations au logement) qui n’avaient pas été priorisés par les organismes du milieu, mais qui étaient exigés par le bailleur.
Ainsi, les groupes furent en mesure de remettre la main sur l’attribution des subventions, dans les limites des exigences du bailleur de fonds, plutôt que de laisser cette prérogative à ce dernier. Certains groupes en auraient certainement été fragilisés, puisque des services, jugés essentiels par les acteurs du milieu, sont souvent sous-estimés par le bailleur. De plus, un meilleur arrimage des actions a réduit les multiplications des mandats et permis une plus grande clarification des rôles de chacun, favorisant ainsi la « collaboration terrain » entre les groupes (en ce qui a trait au référencement, par exemple).
Finalement, avec l’élection du nouveau gouvernement à Ottawa en octobre 2015, du financement neuf a été rendu disponible. Une nouvelle fois, les 13 organismes partenaires se sont réunis (avec la bénédiction du Centre intégré de santé et de services sociaux) pour s’entendre sur les priorités de financement dans la lutte à l’itinérance, en fonction des besoins exprimés sur le terrain. Au final, les fonctionnaires fédéraux sont restés dubitatifs (c’est le moins que l’on puisse dire) devant des groupes qui se concertent pour partager équitablement le gâteau au lieu de se battre entre eux…
Force est d’admettre que l’Outaouais a réussi un coup de maître en coordonnant ainsi les efforts régionaux et en s’assurant que le financement des groupes œuvrant à la lutte à l’itinérance soit préservé, et ce, nonobstant les changements d’orientation du gouvernement, peu enclin à s’adapter aux besoins du milieu. Tout cela n’aurait pas été possible sans un réel désir de collaboration, une capacité d’abnégation et de solidarité de la part de tous les acteurs impliqués. Ensemble on est plus fort… Il y a plusieurs façons de se tenir debout face aux exigences institutionnelles, mais unis, il n’y a pas grand-chose qu’on ne puisse pas accomplir. En Outaouais, ce sont les plus vulnérables qui en sortent gagnants.