9 mars 2023
Texte publié dans La Presse le 9 mars 2023, par André Castonguay, directeur général du Réseau québécois des OSBL d’habitation.
Dans des propos rapportés la semaine dernière par le chroniqueur Maxime Bergeron, la ministre responsable de l’Habitation, Mme France-Élaine Duranceau, a annoncé la fin du programme AccèsLogis (ACL), remplacé par le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), que l’on sait pourtant inapproprié pour répondre aux besoins des personnes à faible revenu. Qui plus est, ce programme n’est pas adapté aux projets qui visent à répondre aux personnes qui ont des besoins particuliers – personnes handicapées, itinérance, santé mentale, etc. Le PHAQ, en plus d’exiger une plus grande contribution financière des municipalités, permet à des développeurs privés à but lucratif d’utiliser des fonds publics pour construire des logements que l’on dit abordables, mais qui ne le seront pas pour tout le monde, et seulement pour un temps limité qui pourrait n’être que de 10 ans – après quoi ces promoteurs pourront faire ce qu’ils veulent, incluant vendre, faire des rénovictions, etc. Les promoteurs communautaires, coops ou OSBL, s’engagent quant à eux à perpétuité, pour toute la durée de vie de l’immeuble et garantissent des milieux de vie qui favorisent la stabilité résidentielle.
Au cours des 25 dernières années, AccèsLogis a été le principal instrument pour répondre aux besoins des ménages à faible ou modeste revenu. En date du 31 mars 2022, pas moins de 35 826 logements destinés à des familles, des personnes ainées et des personnes ayant des besoins particuliers ont été livrés grâce à ce programme, dont près des deux tiers par des OSBL d’habitation. Son succès tenait entre autres au fait que sa mise en place fut le résultat d’une co-construction entre l’État et les secteurs communautaire et financier.
Certes, le programme est devenu moins performant au fil du temps, mais c’est principalement en raison de son sous-financement chronique et de la non-indexation des coûts maximums admissibles de 2009 à 2019, qui font que la subvention gouvernementale ne couvre plus que 32 % des coûts de réalisation, alors qu’elle est censée atteindre 50 %, un seuil indispensable pour la viabilité de tout projet. Plutôt que de faire un bilan lucide du programme et d’admettre la responsabilité de l’État dans ce fiasco, la ministre a préféré jeter le blâme sur les milieux, les municipalités, les organismes promoteurs, leurs bénévoles et les entreprises d’économie sociale (les groupes de ressources techniques) qui les soutiennent.
L’annonce, qui intervient dans un contexte où le gouvernement n’a pas de politique en habitation, a semé l’inquiétude autant dans les municipalités que dans le secteur communautaire. Comment Québec entend-il structurer le développement des logements sociaux ? Comment augmentera-t-il le pourcentage de ceux-ci dans l’ensemble du parc locatif ? Où sont les objectifs ? Où est la vision qui permettra de régler la crise du logement ? Les organismes ont pourtant des douzaines de projets à soumettre, des milliers de logements qui pourraient être réalisés et mis en chantier avec le soutien du gouvernement. Quel programme répondra aux besoins des personnes à revenu faible ou modeste ? Quels objectifs et quels critères l’État se donne-t-il ?
Certains semblent penser que l’on peut faire du logement social sans l’engagement de l’État. Le secteur du logement communautaire dispose en effet de ressources qui pourraient être mobilisées pour augmenter le parc de logements hors marché. En pratique cependant, le fait de devoir faire appel à diverses sources de financement ou de disperser les investissements issus des fonds publics aura un impact sur nos organismes qui devront faire des montages financiers encore pour complexes pour faire aboutir leurs projets.
Il est encore temps pour la ministre de saisir la main tendue par le milieu pour mettre en œuvre une stratégie concertée de création de logements sociaux et communautaires, de propriété́ collective et sans but lucratif afin d’offrir des logements réellement abordables et pérennes pour les ménages à faible ou modeste revenu, en fonction de leur capacité de payer.
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