> L’enjeu des évaluations foncières
Puisque les OSBL-H offrant du logement permanent ne peuvent bénéficier des exemptions de taxes prévues par la loi, les évaluations foncières pour ceux-ci deviennent centrales au débat.
Les évaluations foncières peuvent être contestées par le biais d’une demande en révision administrative (prévue par la même Loi sur la fiscalité municipale), quoiqu’il faille pour cela satisfaire aux critères d’admissibilité de contestation, dont certains délais, et débourser des frais (les frais administratifs ne sont pas exorbitants, mais les frais encourus pour assembler une contestation peuvent être considérables, tels les frais pour une évaluation agréée, les frais juridiques, etc.).
Certaines précisions sur l’évaluation foncière sont ici pertinentes. D’abord, ce n’est pas sur elle qu’est appliqué le taux de taxation, mais sur la base d’imposition, qui est la valeur foncière étalée (la hausse au rôle est amortie sur le temps entre les évaluations). Ensuite, l’évaluation financière se fait en fonction de catégories d’immeubles déterminées par la Loi sur la fiscalité municipale. Ces catégories appelées également « utilisations » n’offrent aucune case (ou… chaise) pour l’économie sociale ou les activités à but non lucratif, par exemple. Il n’y a aucune catégorie pour la réalité économique des OSBL-H.
Enfin, il y a la question de la méthode d’évaluation foncière. Son principe de base est la substitution, ou coût net de remplacement, et se décline en trois méthodes, dont les différences ont d’importantes conséquences :
- la méthode par comparable, en considérant plusieurs immeubles vendus récemment sur la base de critères tels l’année de construction, l’état de la bâtisse, etc.;
- la méthode de la valeur économique – privilégiée par les banques – où sont pris en compte divers facteurs tels les revenus de l’immeuble, la rareté, la force du marché, etc.;
- la méthode de la valeur de reconstruction, privilégiée par les assureurs. Si la deuxième méthode semble être la plus susceptible de prendre en compte la réalité économique des OSBL-H, ce n’est malheureusement pas celle que prônent les municipalités.
Il est pertinent de rappeler ici qu’en juin 2022 fut adopté le Projet de loi 37, qui vient imposer de sérieuses restrictions à la vente de propriétés d’OSBL-H ayant bénéficié de fonds publics. Cette nouvelle législation a envoyé un message clair aux acheteurs immobiliers potentiels : ces propriétés d’habitation communautaire doivent conserver leur vocation et ne font pas partie du lot « risques et profits » du marché locatif. Tout acheteur potentiel devrait en fait attendre une autorisation du ministre ou de la ministre, après réception de l’avis du RQOH et de la fédération qui dessert le territoire , afin d’acheter l’immeuble et dérouter sa vocation. Nul besoin de beaucoup d’imagination pour comprendre qu’aux yeux de l’acheteur potentiel, la valeur de l’immeuble chute.
Encore ici, la réalité économique des OSBL-H semble échapper aux normes et aux pratiques fiscales des municipalités. La taxation foncière, pour laisser l’habitation communautaire respirer, doit ou bien exempter les OSBL-H, ou alors effectuer une évaluation foncière analysant des éléments (par ailleurs économiques) qui sont probants et/ou propres aux OSBL-H. Une troisième option existe : que la Loi sur la fiscalité municipale autorise les municipalités à appliquer un taux de taxation différencié aux OSBL-H (c’est entre autres l’option privilégiée par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal).
*Remerciements à Alain Rioux, directeur des Toits de Mercier, pour sa contribution à ce texte, notamment quant à la méthode d’évaluation foncière.