Femme avec un porte voix pointé vers l'Assemblée nationale

22 août 2024

Quand la bureaucratie menace l’autonomie

Notre équipe a recensé des cas d’atteinte à l’autonomie d’organismes communautaires œuvrant auprès de personnes fragilisées. Bien que ces derniers ne soient pas membres du RQOH, il nous paraît important d’exposer l’enjeu préoccupant soulevé par ces situations. 

Le premier cas de figure concerne Point de Rue, un organisme de Trois-Rivières et Nicolet-Yamaska qui œuvre auprès des personnes les plus vulnérables.

Dans une entente relative au programme Vers un chez-soi, l’organisme se fait explicitement bâillonner par le CIUSSS MCQ, sous peine de perdre son financement annuel.

L’Observatoire de l’ACA définit l’autonomie comme « le pouvoir de déterminer ses fondements, ses pratiques, son financement, sa gestion, son action politique et ses alliances, en fonction des besoins et des réalités de ses membres et de sa communauté ».  

En effet, dans le contrat transmis par l’établissement de santé, une clause stipule que « l’organisme qui reçoit une telle subvention doit obtenir une autorisation écrite du CIUSSS MCQ avant toutes communications publiques (sic) ».

Michel Byette, président du CA de Point de Rue

C’est épouvantable de nous enlever ce droit de parole. Ça va à l’encontre de tout ce qui touche l’autonomie des organismes communautaires.

Réactions du milieu

Il s’agit d’une situation préoccupante, selon plusieurs responsables d’organismes communautaires sondés par la journaliste du Nouvelliste qui a rendu l’histoire publique.

« Ce n’est pas la première fois que le gouvernement tente de faire taire un organisme d’action communautaire autonome. Pourtant, l’autonomie, y compris l’autonomie politique, est le fondement premier de la Politique de reconnaissance de l’action communautaire, en vigueur depuis 2001, rappelle Caroline Toupin, coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire autonome, le RQ-ACA.  Avec cette Politique, le gouvernement s’est clairement engagé à assurer le respect de l’autonomie des organismes communautaires, défini comme étant la “distance critique qui doit exister entre le mouvement communautaire et l’État” (p.17). C’est notre rôle et notre ADN de dénoncer des situations critiques et de revendiquer le respect des droits. C’est par et pour ça qu’on existe ! »

Des précédents

Déjà, en juin dernier, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le RQ-ACA, le Regroupement des organismes en défense collective des droits (RODCD) et la Ligue des droits et libertés dénonçaient unanimement une tentative de censure et une menace de retrait de financement de la part du ministère de la Justice du Québec.

Le site Web (www.locataire.info), conçu par le RCLALQ grâce à l’appui du Programme d’aide financière pour favoriser l’accès à la justice, contenait une section visant à sensibiliser la population quant aux dysfonctionnements du Tribunal administratif du logement (TAL).

Extrait du communiqué du RCLALQ

[I]l est absolument indécent qu’un ministère fasse pression sur un organisme communautaire autonome en évoquant des conséquences financières si cet organisme émet des critiques auprès du gouvernement ou d’une institution publique.

Cela a valu à l’organisme un appel du cabinet de la ministre responsable de l’Habitation, de même qu’une convocation de la part du ministère de la Justice, qui exigeait le retrait de la page Web.

Chicane nuisible

Une autre histoire a trait au Chic Resto pop, un organisme d’aide alimentaire basé dans le secteur de Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. En plus de répondre au besoin des personnes en situation d’insécurité alimentaire, l’organisme se spécialise en réinsertion socioprofessionnelle.

Dans le cadre de son programme « Bien vieillir chez soi », le gouvernement fédéral consentait 670 000 $ au Chic Resto pop afin d’offrir, durant deux ans, 2000 repas par semaine à des aînés vulnérables.

Or, selon la Loi sur le conseil exécutif, lorsqu’un organisme est financé à plus de 50 % par Québec, celui-ci doit obtenir son autorisation avant de conclure une entente de financement avec Ottawa. Ainsi, le financement fédéral octroyé au Chic Resto pop est bloqué par le provincial, qui revendique son champ de compétence.

Menace frontale

Bref, dans toutes les situations décrites, le financement est menacé par une intervention tatillonne ou illégitime du politique qui fait obstacle à la mission d’un organisme. Des processus administratifs coercitifs s’opèrent au détriment des individus qui bénéficient des services des organismes touchés.

Ainsi, l’imposition de conditions, outre l’obligation de réaliser le mandat organisationnel, menace frontalement l’autonomie des organismes d’action communautaire autonome, qui sont, plus que jamais, essentiels à la société.

 

Sources :

Le Nouvelliste, Financer… et bâillonner Point de Rue?, le 13 août 2024

Site Web de Point de Rue

Ici Grand Montréal, Québec bloque une subvention fédérale destinée à une banque alimentaire, le 15 août 2024

Site Web du Chic Resto pop

RCLALQ, Censure et menace de coupure de financement : le RCLALQ dénonce une ingérence politique du gouvernement de la CAQ (communiqué de presse)

Observatoire de l’ACA, L’autonomie, tout le monde en bénéficie (voir aussi le cahier synthèse sur les dimensions de l’autonomie de l’Observatoire de l’ACA)