> Significations juridiques possibles
Le droit au logement pourrait-il signifier que toute personne peut forcer, par le recours aux tribunaux, l’État à lui fournir un logement suffisant?
Le droit au logement peut-il signifier que des personnes ou groupes peuvent forcer, par le recours aux tribunaux, les gouvernements à prendre des décisions spécifiques, comme les cibles de réalisation et les investissements en logement social?
Ces questions soulèvent l’enjeu de l’opposabilité du droit au logement, c’est-à-dire « que l’on peut faire valoir contre autrui ». La reconnaissance du droit au logement sans aucune opposabilité en ferait une coquille vide. Conférer à une personne un droit sans possibilité de l’exercer, c’est une aliénation perverse. Malheureusement, c’est un peu la situation juridique actuelle au Canada : le droit au maintien dans les lieux contribue à la conservation du logement, et non à son acquisition, et comporte plusieurs exceptions fuyantes; tandis que la Loi sur la stratégie nationale du logement ne fait du droit au logement qu’un objectif politique. La consécration juridique que le droit au logement n’est pas de nature juridique.
La France a adopté une loi similaire à la Loi sur la Stratégie nationale du logement. C’était en 1990. De 2002 à 2006, des rapports gouvernementaux explicitent le besoin d’une obligation de résultat juridiquement opposable, et d’importantes manifestations le réclament. En 2007, le concept fait son entrée dans une loi, mais son impact est fortement restreint : seules les personnes répondant à des critères spécifiques peuvent se prévaloir de l’opposabilité du droit au logement, et la loi identifie l’identité responsable comme étant la collectivité. Aujourd’hui, les personnes qui peuvent se prévaloir de ce droit opposable ont une procédure administrative accessible qui les conduit… sur une liste d’attente.
Au Canada, des acteurs clés tels que la défenseure fédérale du logement, Marie-Josée Houle, et la Commission des droits de la personne du Québec, plaident davantage pour une reconnaissance en droit canadien de l’interdépendance des droits de la personne, lesquels comprennent implicitement le droit au logement. Bref, pour que le droit rame en direction d’une réalisation du droit au logement, on préfère donc le faire émerger depuis les droits existants plutôt que le cristalliser en un droit indépendant qui ne serait qu’un bibelot.