Personne handicapée heureuse dans son logis

17 décembre 2024

Les personnes handicapées victimes d’iniquité en habitation

Les personnes en situation de handicap ou présentant une neurodivergence font partie des groupes d’individus ayant le plus de difficulté à se loger convenablement.

Dans un récent communiqué, la Commission canadienne des droits de la personne et le Bureau du défenseur fédéral du logement ont d’ailleurs jeté un coup de projecteur sur les « troublantes iniquités » vécues par les personnes en situation de handicap en matière de logement.

Le communiqué indique, d’entrée de jeu, que « les personnes en situation de handicap sont aux prises avec des difficultés financières, des logements non sécuritaires et un manque de soutien et de services dans des proportions beaucoup plus élevées que les personnes sans handicap ».

Leur constat expose des difficultés plus marquées pour ces individus, notamment en ce qui a trait aux finances, à la sécurité, au soutien et aux services.

Quelques données

Selon le profil statistique des personnes handicapées, en 2022, 21,0 % des Québécoises et Québécois de plus de 15 ans vivaient avec une incapacité. Cela représente environ 1 422 020 personnes. Les incapacités les plus répandues ont trait à la douleur chronique ou ponctuelle, à la flexibilité et à la mobilité.

Milieux de vie mésadaptés

La plupart (68 %) des personnes recevant des services en déficience intellectuelle et en autisme dans le réseau de la santé et des services sociaux habitent en milieu naturel. Une grande majorité (62 %) habite chez leurs parents. Peu de ces personnes vivent de manière autonome, soit seulement 6 %. Il existe de nombreux milieux de vie de substitution, comme les ressources intermédiaires (RI), les ressource de type familial (RTF), de même que les ressources à assistance continue (RAC), qui sont néanmoins parfois mésadaptées à la réalité des individus et surtout moins permanentes.

Des témoignages probants

Les cris du cœur se multiplient, notamment au sein des organismes de notre réseau.

 

En Outaouais

L’organisme Logement intégré de Hull Inc., un membre de la FOHO, a d’ailleurs exposé la situation et la nécessité de développer des logements intégrés à Ici Radio-Canada Ottawa/Gatineau.

Jean Riopel, un locataire de Logement Intégré de Hull (LIH) atteint de dystrophie musculaire qui jouit d’un logement intégré depuis quatre ans, estime que les logements intégrés gagneraient à être mis de l’avant, en arguant notamment que les places sont limitées dans les CHSLD.

 

Chiffres alarmants

Selon les données recueillies à la fin du mois de novembre, l’Outaouais connaît un déficit de 387 places, et le délai d’attente est d’environ 210 jours.

Anabela Fournier-Ponte, directrice de Logement intégré de Hull, estime pour sa part que le gouvernement devrait prioriser les financements récurrents dans l’offre de soins à domicile.

Jean Riopel, locataire de LIH

Si je n’avais pas intégré les logements intégrés, probablement que je ne serais plus de ce monde.
Anabela Fournier-Ponte, directrice de Logement Intégré de Hull

En Mauricie

Le HAS (Hébergement adapté et supervisé) des Chenaux permet à des adultes autistes, ayant une déficience intellectuelle ou une déficience physique de vivre en logement et de recevoir des services adaptés à leur réalité.

L’organisme a mené 12 ans de travaux et des exercices de sociofinancement qui ont conduit à la rénovation d’une église afin d’y développer 12 logements adaptés. Au fil des rénovations, les gestionnaires ont constaté la possibilité d’y ajouter 6 unités, pour un total de 18 logis adaptés supervisés répondant entièrement aux besoins des locataires. Le projet comprendra également trois salles communes, soit une cuisine et deux espaces détente, sans compter des terrasses extérieures.

La livraison de la bâtisse est prévue à la fin mars 2025. L’organisme prévoit un mois pour décorer et meubler. Les locataires devraient donc pourvoir s’installer au début du mois de mai 2025.

Longue bataille

Il s’agit d’une longue bataille pour les familles vieillissantes qui sont inquiètes de l’avenir de leurs enfants différents. En réponse à ces préoccupations, le HAS des Chenaux fait preuve de proactivité afin de permettre à ces familles proches aidantes de faire face au choc de laisser leurs enfants quitter le foyer familial. La coordonnatrice, Cindy Champagne, présente cette réalité comme une retraite à préparer. La première année, ils prévoient le déménagement et la deuxième, au deuil de la prise en charge de leur enfant.

Mme Champagne déplore les problèmes de communication entre les ministères, de même que la lacune en ce qui a trait au financement à la construction, mais surtout aux sommes manquantes pour mieux répondre aux besoins des futurs locataires. Elle estime qu’il ne sera pas viable de fonctionner sans financement pérenne.

Aussi, en milieu rural, les coûts de construction sont plus élevés et on a souvent besoin du double de ce qui est offert par les bailleurs de fonds. Les campagnes de sociofinancement ne suffisent pas à combler l’ensemble des besoins exprimés.

Sur une note positive, Mme Champagne souligne qu’il existe une belle entraide entre les milieux de vie pour personnes handicapées. D’ailleurs, d’ici l’ouverture, des activités de groupes sont préparées (ex. Inter-hébergement) afin de que des locataires d’immeubles adaptés du secteur puissent répondre aux questions des futurs locataires.

Dans Lanaudière

Défis-logis Lanaudière, un membre de la FOH3L, offre des logements permanents aux personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) ayant des besoins particuliers en matière d’hébergement.

À la base du projet : cinq familles avec un enfant différent qui souhaitaient la désinstituonnalisation de ceux-ci.

Cinq années plus tard, l’organisme comptait 11 appartements pour 12 locataires. La réalisation a été possible grâce à l’appui d’une organisatrice communautaire et d’un groupe de ressources techniques.

 

Projets laborieux

À défaut d’un financement gouvernemental adéquat, la contribution de la communauté s’est avérée essentielle.

Selon les gestionnaires de l’organisme, en logement, le Programme de supplément au loyer est difficile à obtenir et les familles doivent compenser avec leur budget. Il est ardu pour les personnes vivant avec un handicap d’avoir accès à un logement. En effet, les assurances sont plus difficiles à obtenir et les assurances en matière de responsabilité civile sont plus coûteuses, notamment en raison des craintes entourant les incendies.

Dans un logis régulier, il y a parfois de l’abus. À titre d’exemple, les propriétaires confient des tâches aux locataires handicapés alors que le loyer est tout aussi dispendieux.

Les personnes autistes ou vivant avec une DI ont également besoin d’autonomie et d’implication sociale ; ils désirent être des citoyens actifs. Ainsi, le logement adapté permet aux proches aidants de reprendre leur rôle initial de parents, sœurs, frères, etc.

Logo de Défis-logis Lanaudière

Les avantages du modèle communautaire

Ces milieux de vie stimulants, qui s’inscrivent comme une alternative aux milieux de substitution, proposent des formules adaptées à la réalité des individus.

D’ailleurs, la qualité des intervenants, qui possèdent valeurs et compétences est une véritable force de Défis-logis Lanaudière.

Outre l’autonomie, le logement communautaire permet une meilleure posture financière. Cela rend les locataires davantage aptes à contribuer à l’économie locale. Il s’agit d’une suite logique pour développer leur plein potentiel. Ce maintien dans la communauté permet aux individus de contribuer à la vie sociale et économique de leur milieu naturel. Aussi, le pouvoir de l’autodétermination leur assure une meilleure santé.

Dans l’ensemble, le logement communautaire offre un filet de sécurité aux locataires handicapés. Selon la coordonnatrice de l’organisme, Catherine Déry, il importe de remettre les compétences et les pouvoirs aux individus, en tenant compte de leurs capacités.

Cependant, elle estime être en train « d’éteindre les feux » et a un ardent désir de consolider les acquis plutôt que de demeurer dans l’urgence. D’ailleurs, la liste d’attente de Défis-logis Lanaudière totalise 88 noms, alors que seules 15 places seront créées au fil des prochains mois.

Selon Mme Déry, le modèle est une solution, pas nécessairement LA solution. Il faudrait, selon elle, développer davantage de projets qui favorisent la mixité.

 

Pétition à l’Assemblée nationale

Pour donner suite à la campagne « J’ai ma place en habitation », la Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI), en collaboration avec la Fédération québécoise de l’autisme et la Fédération des mouvements personne d’abord du Québec, ont par ailleurs lancé une pétition à l’Assemblée nationale pour exiger que l’habitation pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou les autistes soit priorisée par nos dirigeants. Chaque signature compte pour faire résonner le message !

En définitive, il reste beaucoup de conscientisation sociale à faire concernant la situation résidentielle des personnes en situation de handicap.
L’habitation inclusive est l’affaire de tous et il faut faciliter l’accès à des services assurant une équité et une meilleure qualité de vie à tous les ménages de la province.

Extrait de l’infolettre de la FOHO

Miser sur les logements intégrés, c’est investir dans une solution humaine, inclusive et durable pour une meilleure qualité de vie des personnes en situation de handicap […]