Illustration de trois personnes en situation d'itinérance

21 janvier 2025

Refuges d’urgence : des fermetures lourdes de conséquences

Selon les données du dénombrement de 2022, on estimait, au bas mot, à 10 000 le nombre de personnes sans domicile fixe au Québec. Des 13 régions participantes, la métropole est aux prises avec le pire scénario. Elle comptait alors près de la moitié des personnes dénombrées (4 690) le soir du 11 octobre 2022.

L’exercice réalisé a par ailleurs démontré que le phénomène prend de l’ampleur partout en province.
Aussi, les ressources en place n’arrivent pas à tenir le coup. De nombreuses fermetures de refuges d’urgence sont survenues ces dernières années. Manque d’effectifs, épuisement, violence, désorganisation, difficulté à combler le ressources alimentaires, désuétude des espaces, la liste des difficultés rencontrées est longue.

Rétrospective des deux dernières années

Dans la métropole

Le 11 janvier dernier, on annonçait la fermeture du Centre d’hébergement d’urgence (CHU) du YMCA centre-ville de Montréal. Ouvert le 21 décembre, il comptait 50 places, avait accueilli 141 personnes la veille de la fermeture et une centaine presque chaque nuit depuis l’ouverture. On a depuis annoncé sa réouverture sous la forme d’une halte-chaleur les jours où le mercure touche la barre des -15 °C.

Hélas, les fermetures de ressources d’hébergement d’urgence ne datent pas d’hier.

En novembre 2024, la Mission Bon Accueil déplorait les 500 places manquantes pour combler les besoins montréalais. L’organisme s’inquiétait notamment de la fermeture du refuge de l’Hôtel-Dieu de Montréal (180 places) qui doit se concrétiser ce mois-ci.

La Presse

L’Hôtel-Dieu avait été inauguré pendant la pandémie de COVID-19 pour accueillir les itinérants qui devaient être placés en isolement. Il est ensuite devenu l’un des plus importants refuges d’urgence à Montréal.

Ici Grand Montréal

Un nouvel emplacement avait été trouvé dans Ahuntsic-Cartierville pour prendre le relais, mais son propriétaire a soudainement fait volte-face et bloqué la vente du terrain […]. Il a justifié sa décision en soulignant le manque d’acceptabilité sociale du projet.

Des annonces alarmantes

À la fin du mois de juillet 2024, les médias rapportaient la fermeture du refuge temporaire Gordon de Verdun (50 places).

En décembre 2023, la Ville de Montréal décrétait la fermeture du Complexe Guy-Favreau (85 places), situé dans le quartier chinois, afin de le relocaliser à Verdun.

En novembre 2023, l’Abri de Villeray, le refuge piloté par le Refuge Cœur de l’île, a été contraint de fermer ses portes durant quatre mois en raison d’une fuite d’eau. Le refuge a depuis été relocalisé.

Entre septembre et novembre, trois centres de jour annonçaient la suspension de leurs activités. Il s’agit du Carrefour multiservice de l’Accueil Bonneau, des centres de jour de Chez Doris et de la Rue des femmes.

Réaction de la mairesse de Montréal

En réponse à ces multiples fermetures, la mairesse de Montréal réclamait, en décembre dernier, un plan national en itinérance. Elle pressait le gouvernement d’agir face à ce qu’elle qualifiait de « crise des vulnérabilités ».

La mairesse de Montréal réclame un plan d'action national

Dans les autres régions

Le 29 avril 2024, nous apprenions l’interruption de services de La Croisée des Laurentides, l’un des seuls refuges de cette région administrative, prévue le 1er mai de la même année. La cause ? Le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides avait choisi de ne pas reconduire le financement de l’organisme, alors que les 14 places étaient comblées tous les soirs.

Émilie Contant, cheffe d'administration du programme régional ESPOIR

On est tributaires du ministère qui définit les critères de sélection des projets.

En avril 2023, la Soupe populaire de Hull annonçait qu’elle cessait ses activités au centre-ville de Gatineau, en plus de réduire son offre de services. Une série d’incidents violents et le manque de ressources expliquait cette décision.

Une lueur d’espoir

Sur une note plus positive, Ici Radio-Canada rapportait, en décembre dernier, l’attrait d’un modèle adopté à Baie-St-Paul en matière d’itinérance. Des minimaisons, construites par des apprentis charpentiers-menuisiers du Centre de formation professionnelle de Charlevoix, permettent aux sans-abri de trouver refuge et accompagnement communautaire pendant la période hivernale.

Michel Kasongo, directeur général de la Soupe populaire de Hull

Il y aura réduction des services, mais on a un plan de transition. […] C’est très difficile pour nous de prendre cette décision-là, mais pour être en mesure de travailler pour longtemps, on doit [le faire].

En définitive, il importe que les gouvernements priorisent le dossier de l’itinérance, qui prend une ampleur démesurée. Les chicanes concernant les champs de compétences et l’austérité ne devraient pas hypothéquer les enveloppes déjà limitées pour lutter contre le phénomène. Il s’agit de protéger les acquis en matière d’hébergement d’urgence, sans pour autant négliger le continuum qui permettra aux personnes fragilisées d’accéder graduellement, avec du soutien, à un logement permanent*.

 

*À ce sujet, un recueil initié par Logemen’occupe met de l’avant 12 organismes inspirants.

 

Sources :

National

Rapport du dénombrement de 2022 et annexes, MSSS.

Crise de l’itinérance: la mairesse Valérie Plante plaide pour un plan national, Le Journal de Montréal, le 5 décembre 2024.

Métropole

Valérie Plante annonce l’ouverture de haltes-chaleur pour la nuit de dimanche, Le Devoir, le 19 janvier 2025.

Un refuge d’urgence ferme malgré la forte demande, La Presse, le 11 janvier 2025.

Le refuge de l’Hôtel-Dieu va fermer, La Presse, le 20 février 2024.

Le refuge de l’Hôtel-Dieu réduira «progressivement» sa capacité d’accueil, Le Devoir, le 20 février 2024.

«J’ai des inquiétudes pour cet hiver»: il manque 500 places pour les itinérants à Montréal, TVA Nouvelles, le 4 novembre 2024.

La fermeture d’un refuge pour itinérants ampute 50 lits d’urgence à Verdun, Ici Grand Montréal, le 31 juillet 2024.

Soulagement et inquiétude autour de la fermeture du refuge au complexe Guy-Favreau, Le Devoir, le 1er décembre 2023.

« Ça va être compliqué à Montréal cet hiver », La Presse, le 3 novembre 2023.

En région

Itinérance dans les Laurentides: il pense planter sa tente après la fermeture d’un refuge pour sans-abri, Le Journal de Montréal, le 29 avril 2024.

Itinérance: la Soupe populaire déménage ses activités sur St-Joseph, TVA Gatineau/Ottawa, le 6 avril 2023.

À l’ombre des grandes villes face à l’itinérance, Ici Québec, le 16 décembre 2024.