1 février 2015
En février 2014, le gouvernement péquiste adoptait la Politique nationale de lutte à l’itinérance. Puis, en décembre 2014, la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique, la libérale Lucie Charlebois, présentait le Plan d’action interministériel en itinérance 2015-2020 de son gouvernement. À la surprise de plusieurs, malgré le changement de garde, la cohérence entre la politique – déjà fort bien accueillie – et le plan est remarquable. Coup d’œil sur des annonces qui laissent espérer que les gouvernements considèrent enfin la lutte à l’itinérance comme une responsabilité collective.
Le visage de l’itinérance a changé. Si on associait historiquement le phénomène à une présence masculine adulte, on observe de plus en plus de femmes, de jeunes, de familles et de personnes âgées. Les populations autochtones et les communautés culturelles, fortement touchées, témoignent également de la nécessité d’apporter une diversité de réponses en adéquation avec cette pluralité de profils. La rareté des logements salubres, les troubles mentaux et les dépendances sont autant de facteurs combinés qui favorisent le glissement vers l’exclusion.
Depuis plus de huit ans, les représentants des organismes pour sans-abri demandaient une politique de lutte à l’itinérance. Depuis février, elle a un nom : « Ensemble, pour éviter la rue et en sortir ». Développée de concert avec les intervenants en services sociaux, elle est le fruit de collaborations, de réflexions et d’enquêtes à Québec, Montréal et Gatineau. Visant à faire de la lutte à l’itinérance une priorité nationale, elle prévoit le déploiement d’un plan d’action sur cinq ans en s’appuyant sur cinq axes d’intervention : le logement, le revenu, la santé, la judiciarisation et l’éducation.
Très bien accueillie par le milieu communautaire lors de son dévoilement, la politique favorise l’approche globale et le leadership interministériel. Pierre Gaudreau, président du Réseau Solidarité Itinérance Québec (RSIQ), qui a participé à l’élaboration de la politique, s’en est réjoui : « Les principes sont forts et la vision est claire. On a gagné une politique qui a de l’allure. ». Pour Anne-Marie Boucher, coordonnatrice du RSIQ, changer les mentalités est primordial : « Nous voulions surtout nous attaquer au mépris et à la discrimination. Cette politique d’envergure agit sur un problème de société que nous ne pouvons plus ignorer. Elle interpelle les ministres, les villes et les individus. »
Puis, le 7 décembre dernier, le Plan d’action interministériel en itinérance 2015-2020, élaboré par les Libéraux, a été dévoilé à son tour. Celui-ci a aussi été relativement bien accueilli par les acteurs du milieu et qualifié de cohérent avec la politique déjà annoncée. Parmi les sommes liées au plan, le budget pour lutter contre l’itinérance passe de 8,1 millions (pour 2010-2013) à 12,7 millions de dollars par année. De plus, un investissement de 42 millions de dollars pour 500 unités avec soutien communautaire pour sans-abris a été annoncé. À cela s’ajoutent 6, 1 millions de dollars pour renforcer des services déjà existants et en développer d’autres en ce qui a trait à la santé et aux services sociaux, tant dans le réseau institutionnel que communautaire. Finalement, une enveloppe spéciale de 2,1 millions, pour un an seulement, a été promise pour la formation des forces policières sur l’intervention auprès des itinérants.
Toutefois, tous les intervenants apportent le même bémol : aucune hausse du revenu des personnes vulnérables en vue. Pourtant, 108 500 ménages locataires québécois, principalement des personnes seules, dépensent plus de 80 % de leur revenu pour se loger. Cette précarité est un des principaux facteurs expliquant l’itinérance et la solution de l’augmentation des prestations d’aide sociale est depuis longtemps revendiquée par les groupes de défense de droits.
Mais ne boudons pas notre plaisir, la Politique nationale et le Plan d’action sont les fruits d’années de pressions et de représentations auprès des autorités. Comme quoi, avec le temps, on finit par se faire entendre…