13 mars 2020
Les projecteurs sont actuellement tournés vers la Corporation Waskahegen, un organisme aussi connu sous le nom Habitat Métis du Nord possédant plus de 2 000 logements dans plusieurs régions du Québec. Son principal dirigeant est mis en cause dans un reportage de l’émission Enquête par des révélations qui vont de la fraude à l’appropriation de l’identité autochtone.
Le RQOH s’inquiète du fait que des fonds publics devant servir à mieux loger des personnes autochtones hors réserve auraient pu être détournés à des fins lucratives, mais laissera à cet organisme, qui n’est pas membre de notre réseau, à ses membres et à ses bailleurs de fonds le soin de faire la lumière sur ces allégations.
Le reportage de Radio-Canada suggère que les sociétés d’État telles la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et la Société d’habitation du Québec (SHQ) pourraient être plus vigilantes. Cependant, il faut d’abord prendre acte du fait que, comme le dit dans le reportage d’Enquête M. Denis Lepage, gestionnaire de programmes à la SCHL, « […] ce sont des organismes sans but lucratif. Dans 99,9 % des cas, les gens sont de bonne foi ».
Pour sa part, André Castonguay, président du RQOH, ajoute : « Si des mesures de contrôle et d’audit peuvent être indiquées, il est important de rappeler qu’il s’agit de groupes autonomes qui répondent d’abord à des besoins exprimés dans leur communauté, et ce, avec des investissements qui sont en partie des fonds propres. » « Les projets s’inscrivent dans des programmes gouvernementaux possédant des règles de gouvernance claires et dont les conventions d’exploitation prévoient des redditions de compte. En tout état de cause, le RQOH et les fédérations régionales d’OSBL d’habitation sont continuellement en relation avec les autorités compétentes pour s’assurer de la viabilité et de la bonne marche des logements communautaires exploités par leurs membres », a-t-il encore précisé.
« La participation des communautés dans les projets, la gouvernance démocratique des organismes et la transparence, qui sont des principes de base de l’action communautaire, offrent des garanties pour assurer une saine gestion des organismes et éviter les détournements de mission », selon M. Castonguay. À cet égard, les pouvoirs publics doivent reconnaître l’importance de l’action communautaire en habitation et la soutenir adéquatement comme rempart à de rares, mais regrettables « dérives entrepreneuriales ».
Par ailleurs, le cas dont il est question met en lumière un enjeu de politique publique important et urgent, dont on ne parle malheureusement jamais ou très peu quand il n’y a pas de crise, soit celui de l’accès et des conditions de logement des Autochtones, sur réserve et hors réserve. Les Autochtones hors réserve font face à des discriminations fréquentes dans l’accès au logement. Ils et elles ont besoin de logements abordables et adaptés à leurs besoins. Or, les politiques de logement actuelles ne tiennent pas spécifiquement compte de leurs réalités. « Annoncée à l’occasion du lancement de la Stratégie canadienne sur le logement en 2017, on attend toujours la stratégie distincte de logement pour les Autochtones, qui doit être une stratégie “pour et par les Autochtones”, comme nous l’avons réclamé à de nombreuses reprises », dit Chantal Desfossés, directrice générale du RQOH.
Les travaux en cours sur la modernisation du programme AccèsLogis doivent être l’occasion de réfléchir aux besoins et enjeux spécifiques des Autochtones hors réserve, avec les organisations représentatives des communautés autochtones. « Le reportage d’Enquête jette une lumière crue sur ces enjeux, le silence et l’inaction ne peuvent plus durer, ajoute Mme Desfossés. Aussi nous enjoignons le gouvernement du Québec à se préoccuper davantage de développement et de pérennité du logement social et communautaire au Québec. À cet égard, le mépris affiché envers la crise du logement dans le dernier budget lance un mauvais signal. »