14 septembre 2015
« Les frais de logement constituent près de 40 % du revenu total des ménages à faible revenu, ce qui est presque le double de la moyenne », affirmait récemment M. Evan Siddall, le président de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
S’il est toujours agréable d’entendre d’importants responsables gouvernementaux partager les constats faits par le mouvement communautaire, on ne reste pas moins étonnés lorsque ces constats ne se répercutent pas dans les mesures concrètes prises par les gouvernements.
Ainsi, à Ottawa, la politique imperturbable des vingt dernières années est de diminuer le budget consacré au logement social et communautaire jusqu’à sa disparition complète prévue en 2039. À Québec, le dernier budget réduisait le nombre de logements communautaires réalisés annuellement par le programme AccèsLogis de 3 000 à 1 500. On peut d’ailleurs présumer que Québec a pris cette mesure en partie pour se préparer au choc social et budgétaire qu’impose le retrait du fédéral dans le logement social. Soixante mille logements HLM sont eux aussi en fin de convention et c’est sur Québec (propriétaire de ces immeubles) que retombera le poids de les soutenir.
Ces décisions ont des conséquences dramatiques : « Des frais de logement élevés obligent à faire des choix difficiles, car les ressources sont alors réduites pour d’autres nécessités : nourriture, soins de santé, éducation, pour ne nommer que celles-là. Pour les ménages à faible revenu, cette situation peut entraîner un stress financier et émotionnel constant », reconnaît M. Siddall.
Bénéficier d’un toit de qualité à un prix abordable a pourtant des impacts positifs immenses. Une enquête récente réalisée par la SCHL indique qu’après avoir emménagé dans un logement en bon état, la majorité des ménages constate une améliorationgénéralisée du mieux-être et du rendement scolaire des enfants, « la majorité faisant preuve d’une plus grande confiance et d’un meilleur comportement, obtenant de meilleures notes scolaires [et] ayant plus de plaisir à fréquenter l’école1 ». Les bienfaits de l’accessibilité au logement communautaire pour les individus et les communautés sont incontestables.
Le développement de logements communautaires soutient davantage l’activité économique que la plupart des grands projets spectaculaires. En effet, le logement communautaire représente un investissement ayant des retombées positives à la grandeur du territoire, car il permet tout à la fois de soutenir les petits entrepreneurs locaux, de fournir une clientèle stable aux commerces et aux services de proximité, de protéger les quartiers des effets pervers de la gentrification, et d’ouvrir des pistes de solutions aux villages et régions en situation de dévitalisation.
Une autre étude, celle-là commandée par la SHQ, constate que le logement social « est un secteur d’activité qui contribue à la création d’emplois et qui entraîne de fortes dépenses d’investissement à la grandeur du Québec. En 2012, les subventions de la SHQ ont ainsi généré des dépenses totales de 1,4 milliard de dollars. Pour chaque dollar versé par la SHQ à titre de subvention, 2,30 $ ont été injectés dans l’économie québécoise.2 »
Ainsi, si on considère ensemble les impacts sociaux et économiques du soutien au logement communautaire, on ne peut que conclure qu’il s’agit d’un choix budgétaire intelligent. Néanmoins, force est de constater que ce n’est pas cette logique qui est à l’oeuvre.
Les mois qui viennent seront l’occasion pour les gouvernements de préparer leur budget pour l’année 2016. Espérons qu’ils sauront trouver l’audace et l’énergie indispensables pour assumer le leadership nécessaire à la transformation positive de notre société. S’ils vont dans ce sens, ils pourront compter sur l’appui et la collaboration du mouvement de l’habitation communautaire qui démontre depuis des années qu’il est un partenaire financier et social fiable et efficace.
Stéphan Corriveau
Directeur général
1 SCHL, Le point en recherche, mai 2013.
2 Le logement social et communautaire : des interventions payantes, 2013.