13 mai 2024

Enjeux d’accès à la justice pour les locataires

L’accès à la justice se compose de plusieurs éléments, dont l’accès à l’information, aux ressources et aux services, de même que l’accès aux tribunaux de manière efficace. Il s’agit d’un droit essentiel au concept même d’égalité entre les citoyens au sein d’une société démocratique. Elle caractérise donc l’état de droit, dans lequel les citoyens peuvent être entendus de manière impartiale et équitable.

> Le droit du logement en période de crise

 

Dans le cas du droit au logement, un accès inégal à la justice revêt d’une importance particulière puisque les perturbations relatives au logement affectent à divers degrés une personne dans l’ensemble des sphères de sa vie : santé, travail, relations interpersonnelles, etc. Nous ne pouvons négliger l’importance de ces obstacles pour les personnes plus vulnérables déjà fragilisées par des inégalités sociales, comme certaines personnes aînées pour qui le lien de dépendance avec le locateur peut les freiner à revendiquer leur droit, par crainte de représailles1. La peur face aux exigences des propriétaires est d’autant plus vive dans un marché locatif saturé.

 

Lorsque la régie du logement a été constituée en 1980, elle répondait au besoin « d’assurer aux citoyens une information adéquate et continue de même que des recours simples, efficaces et rapides. »2 L’État se sachant garant de la protection des personnes vulnérables mettait ainsi en place le forum idéal pour équilibrer les relations entre locataires et locateurs en mandatant la régie de juger, informer, concilier et contrôler3. En 2023, le taux d’inoccupation de logement atteint des records et le volume de demandes au TAL a augmenté de 100,5% depuis la dernière année4. Le défi des justiciables et ceux du tribunal pour répondre à la demande sont certainement immenses.

> Seul devant le tribunal

 

Dans une telle période de crise, l’information juridique peut difficilement combler l’ensemble des besoins des justiciables et l’accès aux conseils juridiques peut combler un besoin de soutien pour aller de l’avant. Or, en 2023, 43,9% des justiciables se sont représentés seuls à la cour et 25,4% d’entre eux ont évoqué comme motif ne pas avoir les moyens de payer un représentant légal. Seulement, 2,4% ont évoqué qu’ils avaient suffisamment de connaissances pour se représenter seul. Parmi ceux qui ont eu recours aux services d’une avocate ou d’un avocat, 30,2% ont eu accès à l’aide juridique5. Évidemment, les services d’aide juridiques restent limités par des règles d’admissibilité6.

> Quoi faire ?

 

Comment faire pour assurer un meilleur accès aux tribunaux? De nombreuses actions sont mises en œuvre au sein du système de justice pour faciliter l’accès aux informations, aux conseils juridiques et aux modes de règlements des différends. De manière plus systémique, le Barreau du Québec réitérait la priorité de l’accès à la justice dans son récent mémoire prébudgétaire, mentionnant le défi colossal du système de justice : « celui de garantir en tout temps la primauté du droit et donc, la protection de nos concitoyens devant la loi dans un contexte de sous-financement chronique qui l’affaiblit d’année en année7».

 

Au niveau du droit du logement, la mise en place d’un registre des loyers national est l’une des nombreuses solutions avancées. Il peut être pertinent de chercher des solutions visant à encadrer la pratique, prévenir les abus en amont et donc diminuer la croissance des besoins de judiciarisation.

Bernheim, Emmanuelle. « Judiciarisation de la pauvreté et non-accès aux services juridiques : quand Kafka rencontre Goliath. » Reflets, volume 25, numéro 1, printemps 2019, p. 71–93. https://doi.org/10.7202/1064668ar