Page couverture de l'Accord national sur le logement

28 septembre 2023

Accord national sur le logement : une approche multisectorielle pour remédier à la crise

L’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, l’Institut pour l’IntélliProspérité et REALPAC ont publié, le mois dernier, l’Accord sur le logement, un plan visant à mettre fin à la crise du logement locatif au Canada.  

L’objectif de la démarche est de mettre en place un système sain qui protégerait les Canadiens vulnérables en rétablissant l’accessibilité résidentielle par la construction d’au moins deux millions de logis locatifs abordables d’ici 2030.  

Notons que l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU) a formulé une recommandation similaire dans son Plan directeur pour le logement 2022, en appelant le gouvernement à doubler la part de logements communautaires d’ici 2035. 

Selon plusieurs experts, le gouvernement fédéral doit assurer un rôle de chef de file dans la coordination des actions qui permettront de réaliser progressivement le droit au logement. Cela fait partie des obligations du pays, tel qu’énoncé dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement. 

Approche multisectorielle 

L’Accord national sur le logement préconise une approche multisectorielle visant à tripler la construction de logements au Canada au cours des neuf prochaines années. 

Sa mise en œuvre permettrait de favoriser l’accessibilité au logement, de répondre aux besoins d’une population en croissance, de créer des emplois et de lutter contre l’itinérance. 

Accord national sur le logement

Pour rétablir l’accessibilité, il faudra tripler la construction de logements au cours des neuf prochaines années.

Cependant, la démarche est trop coûteuse pour que le gouvernement fédéral fasse cavalier seul. Le concours de tous les paliers gouvernementaux est indispensable, de même que l’appui des promoteurs, des constructeurs, de même que des secteurs de l’enseignement supérieur et à but non lucratif.  

Pour parvenir aux objectifs fixés, chacun doit comprendre son rôle dans le système déployé.  

Portrait de la situation  

Ces dernières années, nous avons assisté à une augmentation rapide des loyers, alors que les salaires n’ont pas suivi.  

Ce phénomène est multifactoriel, mais il s’explique en partie par la croissance de la population des locataires, qui excède le nombre de logis construits. La pénurie et l’inabordabilité entraînent l’appauvrissement de la population et une vague d’itinérance, et ce, dans un contexte de croissance démographique. Le vieillissement du parc immobilier nuit également à la situation globale. 

Notons que le Québec est de loin la province ayant construit le plus de logements locatifs entre 2018 et 2022.  

Une grande partie de l’augmentation de la construction de logements construits pour la location peut être attribuée à une seule province : le Québec. Au cours des cinq dernières années, le Québec a construit plus de 100 000 logements construits pour la location […] Bien que moins de 17 % de la croissance démographique du Canada se soit produite dans la province de Québec entre 2018 et 2022, la province a été responsable de 39 % de tous les nouveaux logements construits pour la location, soit presque autant que l’Ontario et la Colombie-Britannique réunies. 

Goulots d’étranglement  

Afin de parvenir aux objectifs fixés, il est essentiel de remédier aux goulots d’étranglement qui freinent le développement résidentiel.  

Le pays fait face à des enjeux de coordination, de pénurie de main-d’œuvre, à la hausse des coûts de matériaux, à une faible productivité, de même qu’à la difficulté d’obtenir des autorisations. La construction de logements hors marché est également insuffisante.  

Il faut repenser notre façon de construire – et ce que nous construisons – pour pallier les contraintes humaines et financières. Cela permettra d’assurer la durabilité et l’accessibilité des logements locatifs. 

Le Canada doit doubler le nombre de logements sociaux existants (655 000 unités) pour atteindre les moyennes de l’OCDE et du G7. […] Le parc de logements sociaux du Canada représente 3,5 % de l’ensemble des logements canadiens, soit la moitié de la moyenne de l’OCDE […].

Défis majeurs  

L’Institut pour l’IntelliProspérité (CENTRE Place), a soulevé six défis majeurs à relever pour atteindre les objectifs fixés en matière de construction de logement.  

Les recommandations de l’Accord national sur le logement font ainsi écho aux constats formulés par l’Institut.  

D’abord, l’Institut estime qu’il faut assurer une meilleure coordination entre les différents paliers gouvernementaux afin de favoriser le partage de données, l’arrimage et la responsabilisation de chacun.  

Il exprime l’importance d’accroître la capacité de main-d’œuvre, d’équipement et de matériaux afin d’accélérer la construction résidentielle. Afin d’assurer la viabilité du plan, le secteur privé doit pouvoir générer des recettes.  

L’Institut estime également qu’il est impératif d’améliorer la productivité et d’innover afin d’accroître et de viabiliser la construction de logements. 

En outre, il faut s’assurer que la réglementation ne nuise pas à la productivité. L’assouplissement des processus d’approbation permettrait d’éviter les retards. 

Finalement, il est impératif de construire des logements hors marché pour répondre aux besoins spécifiques de certaines catégories de locataires.  

Le tout doit s’opérer dans une optique de protection de l’environnement et de création de milieux de qualité. 

Résumé des recommandations  

À la lumière de ces constats, l’Accord préconise la création d’un plan coordonné entre les trois paliers gouvernementaux pour la mise en place d’une stratégie industrielle. Cette dernière serait portée par une table ronde composée de différents acteurs du milieu de l’habitation, de représentants autochtones et syndicaux.  

Ce plan devrait mieux cerner la situation démographique et son évolution et prévoir le financement nécessaire pour doubler la part de logements hors marché. Il pourrait également perfectionner les programmes existants, en plus d’examiner le rôle du système fiscal et ses impacts sur le développement locatif.  

L’Accord recommande la mise en place d’une stratégie nationale en matière de main-d’œuvre et d’immigration, afin d’attirer des travailleurs de la construction et des emplois liés à la production de logements. L’accroissement de la main-d’œuvre qualifiée pourrait, en effet, contrer les déséquilibres du marché locatif. 

 

Rôle du fédéral 

Selon les auteurs de l’Accord, le gouvernement fédéral devrait concourir à la réforme de la SCHL, et changer les dispositions concernant le capital, en plus d’éliminer la TPS/TVH pour les logements locatifs afin d’en encourager la construction. Cette réforme pourrait prévoir des allégements fiscaux, notamment dans le cadre de la vente aux organisations sans but lucratif, et un crédit d’impôt pour le logement abordable. 

Il conviendrait de financer à faible coût, à long terme et à taux fixe, la construction de logements locatifs et les travaux de mise à niveau du parc existant, afin d’en assurer la durabilité et l’efficacité énergétique. La SCHL gagnerait également à améliorer ses processus d’approbation de financement.  

Le gouvernement canadien devrait participer à la mise sur pied d’une stratégie d’innovation phare pour le logement. Celle-ci pourrait inclure une politique d’approvisionnement et l’installation de centres d’innovation pour la construction de logements. Cette démarche permettrait d’accroître la productivité malgré l’impossibilité de doubler ou de tripler certains intrants.  

Réformes et allégements 

Dans l’objectif de développer l’innovation, le fédéral aurait intérêt à réformer le Code national de la construction.  

Il pourrait aussi alléger les processus d’approbation de la SCHL en incluant, par exemple, un code de conduite et un catalogue de conceptions préapprouvées afin d’accélérer la construction d’unités locatives.  

L’élaboration d’un cadre national du zonage intégrant des pratiques mondiales de création de densité pourrait également encourager les provinces à adopter des dispositions similaires.  

Contrairement à la prestation canadienne pour le logement, le PLT garantirait que les ménages « soient subventionnés sur la base de leur loyer réel, ce qui permet au montant de la prestation de répondre très précisément au niveau de besoin de chaque ménage ».

Programmes d’acquisition

L’Accord suggère de concevoir des programmes d’acquisition permettant aux fournisseurs à but non lucratif d’acquérir et de convertir des espaces existants en logements. Ces programmes pourraient prévoir des leviers supplémentaires pour aider à absorber les coûts initiaux, « sans imposer aux fournisseurs des coûts d’exploitation et un service de la dette important ».  

Les auteurs appuient également la création de mesures pour faciliter les investissements de fondations caritatives dans le logement abordable. 

Ils défendent la mise en place d’une prestation de prévention de l’itinérance et de logement (PPIL) offrant une aide au loyer à 385 000 ménages à risque d’itinérance. Cette mesure aiderait également 50 000 personnes à sortir du cycle de l’itinérance, en réduisant la pression sur les mécanismes de prise en charge de ces individus.  

Finalement, l’Accord recommande de transformer l’allocation canadienne de logement en prestation de logement transférable, afin de mieux cibler et venir en aide aux ménages dans le besoin.