6 décembre 2011
François Vermette, directeur général. Réseau québécois des OSBL d’habitation
Depuis sa création, le Réseau québécois des OSBL d’habitation fait la promotion de la formule sans but lucratif pour contribuer à régler les problèmes de logement d’une partie de la population québécoise. Rapidement, la question du développement du logement permanent versus celui du logement temporaire ou de transition s’est posée. Devions-nous privilégier les logements permanents, où ce sont les locataires qui décident du renouvellement de leur bail et où ils profitent du droit au maintien dans les lieux que le code civil leur confère; ou plutôt les logements temporaires ou de transition, où le logement est une stratégie d’intervention et où celui-ci est subordonné à un traitement, un plan de vie ou toute autre formule qui amènera la personne à devoir céder sa place?
Le choix a été fait de promouvoir d’abord le logement permanent et de souhaiter que le logement temporaire ou de transition demeure marginal. En effet, dans le cas de personnes à risque d’itinérance, nous croyons que le logement permanent est la solution qui doit prévaloir puisque c’est seulement ainsi que l’on pourra combattre l’instabilité résidentielle et soulager l’itinérance.
Depuis 1997, dans la lutte à l’itinérance, le programme AccèsLogis, avec son volet III, est l’outil privilégié pour développer des logements permanents. De nombreux projets ont ainsi vu le jour, surtout dans les grands centres.
La Société d’habitation du Québec a récemment apporté des précisions aux projets admissibles au volet III d’AccèsLogis qui sont, à nos yeux, incohérentes avec de nombreuses autres orientations, à commencer par le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social et le Plan d’action interministériel en itinérance. La SHQ a souligné que, pour qu’un projet de logements permanents soit admissible au volet 3, les futurs locataires devront être atteints d’un handicap permanent, physique ou mental. Dans les autres cas, les projets seront dits de « transition » et les locataires pourront bénéficier de leur logement pour une période variable. Après cette période, ils devront normalement quitter le logement pour laisser place à d’autres qui pourront, à leur tour, participer à une démarche similaire.
Les projets qui souffriront le plus de cette interprétation des règles d’AccèsLogis sont ceux qui s’adressent à des personnes à risque d’itinérance puisque les promoteurs de ceux-ci devront démontrer que leurs locataires souffrent d’un handicap permanent. De plus, les projets de volet 3 voulant favoriser la réintégration sociale, donc des projets dits de « transition », ne pourront pas avoir accès au financement du soutien communautaire en vertu du cadre de référence, puisque celui-ci est réservé au logement permanent. Dans ce contexte, on se demande d’où proviendra leur financement…
Le volet III est l’outil principal pour off ir une solution permanente à des personnes à risque d’itinérance. Nous sommes profondément convaincus que la solution à l’instabilité résidentielle qui mène trop souvent à l’itinérance, c’est le logement permanent. Le plus étrange dans la nouvelle interprétation de la SHQ est qu’elle exige que les projets de volet 3 en logement de transition assurent un soutien aux locataires, mais que ce soutien ne pourra pas être financé par le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social puisque celui-ci est réservé aux logements permanents!
Les nouvelles orientations de la SHQ empêcheront la réalisation de projets de logements permanents destinés à des personnes àrisque d’itinérance qui n’ont pas d’handicap permanent et empêcheront les projets destinés aux personnes qui auraient pris la voie du logement de transition d’obtenir du financement pour le soutien communautaire que, par ailleurs, la SHQ va exiger. La SHQ est donc ici tout à fait incohérente avec le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social, mais aussi avec le Plan d’action interministériel en itinérance qui indique que « la stabilité résidentielle pour les personnes en situation d’itinérance passe par un soutien communautaire adéquat, aidant la personne à acquérir de l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne ».
La Société d’habitation du Québec doit revoir rapidement son interprétation et favoriser le logement permanent avec soutien communautaire dans le volet III pour toutes personnes et familles monoparentales à risque d’itinérance, qu’elles aient un handicap permanent ou non.