1 mai 2013
Par Jasmine Montplaisir, responsable de l’analyse politique. Réseau québécois des OSBL d’habitation
Nous savons depuis longtemps que la pauvreté touche différemment les femmes et les hommes et qu’elle a un impact direct sur la vie d’une personne, d’un ménage, d’une famille, sous tous les angles : la santé, l’éducation, la sécurité, l’alimentation, etc. Sur le logement, aussi.
La pauvreté et la précarité économique engendrent la précarité en logement. Le manque de revenus suffisants et l’augmentation du coût de la vie, en particulier celui des denrées alimentaires, de même que la tarification des services publics (augmentation des coûts du transport collectif et de l’électricité, par exemple) limitent la part de budget disponible pour le loyer et les autres besoins.
On sait aussi, depuis longtemps, que les femmes sont plus sujettes à la précarité économique. Des réalités demeurent : le salaire moyen des femmes est plus bas que celui des hommes, les femmes sont plus nombreuses à travailler au salaire minimum, à occuper des emplois peu rémunérés et précaires, les femmes sont davantage sujettes que les hommes à avoir des parcours professionnels discontinus parce qu’elles doivent prendre soin des enfants et des personnes dépendantes, etc.
Par ailleurs, dans un contexte où les mises en chantier de logements locatifs se font rares, limitant le développement du parc de logements locatifs disponibles et donc une augmentation des prix des loyers, dans un contexte où les mises en chantier de condos se multiplient, amplifiant le phénomène d’embourgeoisement des quartiers centraux, surtout dans les milieux urbains, les ménages québécois à faible revenu trouvent de plus en plus difficilement chaussure à leur pied. Et les femmes, plus à risque d’éprouver une situation économique précaire, sont les premières à en subir les contrecoups.
D’une situation de précarité en logement à une situation d’itinérance, il y a un pas qui n’est pas systématiquement franchi, heureusement. Néanmoins, un phénomène saute aux yeux : l’itinérance féminine est en hausse constante et les ressources communautaires qui s’y consacrent peinent à répondre aux besoins de ces filles et de ces femmes.
« Une étude sur la fréquentation des refuges de Montréal situe la perte de son logement comme la principale raison évoquée par les femmes pour recourir à une ressource d’hébergement. C’est le cas de 42 % des itinérantes contre 32 % chez les itinérants. »
« De nouvelles femmes arrivent dans les ressources communautaires en demandant humblement à manger et à se vêtir. Elles ont souvent occupé des emplois et ont vécu en logement jusqu’à tout récemment. »
« C’est quand les femmes ont épuisé toutes leurs ressources et tous les milieux,
même les plus violents, qu’elles aboutissent à la rue. »
« Perdre son logement est souvent la porte d’entrée dans la rue. À l’inverse, accéder à un logement peut nous en sortir. » Les organismes qui interviennent directement avec les femmes itinérantes ou à risque d’itinérance identifient l’augmentation de l’offre de logement social comme une des mesures centrales et essentielles pour lutter contre l’itinérance. Pour une femme qui a vécu sans domicile fixe, un hébergement temporaire est très souvent utile pour retrouver un équilibre et pour enclencher un processus visant à sortir de l’itinérance. Mais pour sortir durablement de l’itinérance, encore faut-il que le passage en hébergement temporaire puisse déboucher sur des solutions de logements permanents, subventionnés, sécuritaires et adaptées à la réalité et aux besoins de ces femmes. En ce moment, trop de femmes sont encore victimes du syndrome de la porte tournante, c’est-à-dire qu’il manque cruellement de logements permanents subventionnés pour accueillir ces femmes et éviter qu’elles ne soient happées de nouveau dans le cercle « pauvreté précarité en logement perte de domicile fixe itinérance ».
En plus des multiples impacts sociaux bénéfiques, l’attribution d’un logement permanent subventionné, pour une femme en difficulté, peut engendrer des effets positifs importants, à court et long terme :
• Sortir la personne des dangers de la rue;
• Lui redonner une place dans la société et plus de dignité, de fierté;
• Faciliter l’accès à ses droits sociaux;
• Faciliter les démarches nécessitées par l’état de santé de la personne;
• Lui ouvrir une porte vers un projet de vie;
• Et bien d’autres.
Plusieurs OSBL d’habitation choisissent d’offrir du soutien communautaire aux locataires qu’ils logent afin de les soutenir en cas de besoin et de favoriser leur stabilité résidentielle. À cet effet, une diversité de moyens est déployée par les intervenants en soutien communautaire, allant de l’intervention en situation de crise à la référence vers des ressources publiques ou communautaires, mais surtout par le développement d’un espace communautaire dans les milieux de vie, en vue d’une appropriation par le/la locataire de ses espaces de vie (son logement, son immeuble, son quartier, etc.). Quoi de plus adapté pour aider une femme en situation de pauvreté, isolée ou en difficulté? Des solutions efficaces existent, misons sur elles!