19 septembre 2024
L’itinérance chez les personnes âgées est un problème de plus en plus préoccupant, exacerbé par la crise du logement et le vieillissement de la population. Cette situation se complexifie davantage avec un système de santé et de services sociaux déjà sous pression, incapable de répondre adéquatement à la demande croissante. Les défis liés à l’itinérance chez les aînés nous alertent sur les dérives d’une crise de santé publique.
Le Journal de l’association médicale canadienne publiait en juillet dernier deux articles portant sur la hausse du nombre de personnes âgées en situation d’itinérance au pays. Le phénomène s’explique en partie par le vieillissement général de la population. Cependant, des conditions de vie peuvent augmenter les risques d’itinérance à un âge plus avancé et s’en sortir devient plus complexe. Vivre une situation d’itinérance a en soi pour conséquence un vieillissement prématuré par l’apparition de maladies et de symptômes gériatriques plus tôt que pour la moyenne (déficiences cognitives, physiques, visuelles, etc.). Ainsi, contrairement à la population générale, les personnes en situation d’itinérance sont considérées comme âgées dès 50 ans.
Les personnes qui se retrouvent en situation d’itinérance pour la première fois après 50 ans le sont souvent en raison de problèmes de santé ou de la diminution de revenus liée à la retraite, qu’elle soit volontaire ou non. Les risques sont d’autant plus fréquents pour les individus ayant été sujets d’inégalités sociales au cours de leur vie.
Cela étant dit, différentes études menées ont permis de constater que l’insuffisance de revenu et la pénurie de logements abordables ou adaptés sont les principales causes de l’augmentation de l’itinérance chez les personnes âgées.
Alors que l’on fait déjà face aux besoins grandissants de la population vieillissante, la crise du logement constitue un facteur aggravant, parce que le logement est un besoin de base dont l’absence ou l’instabilité génère et perpétue les inégalités en santé qui deviennent ultimement des problèmes de santé devant être pris en charge à un stade plus avancé. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), l’hospitalisation des personnes en situation d’itinérance est deux fois plus longue que la moyenne, ce qui double aussi les coûts de prise en charge.
Évidemment, ces besoins ne cessent pas au moment du congé de l’hôpital puisque les services nécessaires pour récupérer sont moins accessibles aux personnes marginalisées et isolées. Les personnes âgées en situation d’itinérance qui ne sont pas convenablement accompagnées et hébergées seront nécessairement prises dans ce syndrome de la porte tournante, en plus de perdre jouissance et espérance de vie plus vite que quiconque.
Pour mettre fin à ce cycle déshumanisant et coûteux, des actions préventives sont nécessaires. En 2021, près d’une personne sur trois en hébergement d’urgence était considérée comme personne âgée. Bien que le milieu communautaire soit proactif sur cet enjeu, les besoins spécifiques des personnes âgées en situation d’itinérance requièrent une collaboration renforcée avec le secteur de la santé. Toutefois, les ressources humaines et financières sont visiblement insuffisantes pour répondre à ces besoins de manière préventive et durable.
En Ontario et en Alberta, certains hôpitaux ont pris des mesures pour atténuer les risques principaux en fournissant eux-mêmes du logement aux personnes en situation d’itinérance. En 2023, le Réseau universitaire de santé de Toronto, la Ville de Toronto et un organisme à but non lucratif ont construit 51 unités de logement permanent pour des personnes ayant été hospitalisées plusieurs fois dans l’année. Ces logements permettent de fournir des soins et services sociaux aux patients récurrents, contribuant ainsi à prévenir de futurs problèmes de santé.
Il est impératif de se rappeler que le logement est un déterminant de la santé d’importance majeure qui exige d’investir en prévention et selon une vision à long terme. Ces investissements devraient notamment viser le développement de logement social et communautaire répondant aux besoins spécifiques des aînés défavorisés. Si notre société valorise réellement la bientraitance et la dignité des aînés, cela doit se traduire par des actions immédiates et durables pour tous.
Laura Chartrand
Co-responsable des affaires publiques et juridiques au RQOH