27 février 2023

Des changements majeurs à la réglementation sur les RPA

Des modifications importantes ont récemment été apportées au Règlement sur la certification des résidences privées pour aînés, qui auront un impact sur la gestion des quelque 200 RPA exploitées par des organismes sans but lucratif (RPA-OSBL). La plupart de ces changements sont entrés en vigueur le 15 décembre 2022, alors que les autres s’appliqueront dans quelques mois, jusqu’en décembre 2025 dans un cas particulier.

Ces modifications sont le résultat d’un processus de révision amorcé au printemps 2019, avant la pandémie de COVID-19. Peu de temps après l’adoption de l’ancienne mouture du règlement, un an plus tôt, les autorités avaient constaté plusieurs difficultés d’interprétation de certaines dispositions, si bien qu’une révision complète a dû être entreprise. Lors d’une rencontre à laquelle le RQOH avait été convié, la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, avait notamment exprimé le souhait que la révision facilite la survie des petites résidences et des RPA exploitées à des fins non lucratives.

Le 6 décembre dernier, le RQOH a présenté un webinaire, où les principaux changements ont été expliqués; voyons sommairement ce qu’il en retourne.

> De nouvelles catégories

Le règlement prévoit encore l’existence de quatre catégories de résidences, mais la définition de ces catégories a été entièrement revue. La catégorisation des RPA demeure basée sur leur offre de services; pour déterminer quels services sont offerts et donc à quelle catégorie la résidence appartient, il faut donc d’abord s’en remettre à la définition des services. Pour les RPA-OSBL, les changements les plus importants à cet égard ont trait aux services de repas et aux soins infirmiers.

Les services de repas sont maintenant définis comme étant « la fourniture ou la disponibilité, dans la résidence et sur une base quotidienne [et non plus régulière], d’un ou de plusieurs repas ». C’est dire que dans les ensembles immobiliers pour personnes aînées où l’organisme n’offre des repas qu’à raison de cinq, voire trois jours par semaine, cela ne compte plus pour un service au sens du règlement. Rappelons que seuls les ensembles immobiliers où le locateur offre des services compris dans au moins deux des six catégories prévues dans la loi et le règlement sont assujettis à la certification des RPA.

Quant aux soins infirmiers, la définition incluse dans le règlement est beaucoup plus claire. Il s’agit en effet de « l’exercice dans la résidence par une infirmière ou un infirmier ou par une infirmière auxiliaire ou un infirmier auxiliaire, qui est membre du personnel de cette résidence, d’activités qui lui sont réservées en vertu de la loi ». On ne fait donc plus de distinction entre les activités et les soins dispensés dans l’unité locative d’un résident et ceux qui le sont ailleurs dans la résidence, comme c’était le cas dans le règlement de 2018.

Cela étant dit, quelles sont donc maintenant les quatre catégories de RPA ?

  • Catégorie 1 : Toute RPA, exploitée dans un but non lucratif, où sont offerts différents services destinés à des personnes âgées autonomes et compris dans au moins deux des catégories de services suivantes : repas, aide domestique, sécurité ou loisirs.
  • On reconnaît donc, ici, la spécificité des RPA-OSBL de catégorie autonome, qui sont assujetties à des normes et critères d’exploitation distincts.
  • Catégorie 2 : Identique à la catégorie 1, mais pour les RPA exploitées dans un but lucratif.
  • Catégorie 3 : Toute RPA, exploitée dans un but lucratif ou non, où sont offerts différents services destinés à des personnes âgées semi-autonomes et compris dans au moins une des quatre catégories de services suivantes : repas, aide domestique, sécurité ou loisirs; et une des deux catégories de services suivantes : services d’assistance personnelle ou soins infirmiers.
  • Le fait d’offrir, ou pas, des soins infirmiers, ne crée plus, en soi, de distinction dans les RPA destinées à des personnes semi-autonomes.
  • Catégorie 4 : Toute RPA, exploitée dans un but lucratif ou non, où sont offerts des services d’assistance personnelle et des soins infirmiers destinés à des personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle physique ou cognitive modérée à sévère ainsi que des services compris dans au moins une des quatre catégories de services suivantes : repas, aide domestique, sécurité ou loisirs.
  • Cette toute nouvelle catégorie vise les RPA souvent appelées « unités de soins », « unités prothétiques », « unités pour personnes avec troubles cognitifs », « unités pour personnes Alzheimer », etc.

À noter qu’une RPA de catégorie 1 peut également offrir des services de consultation, c.-à-d. des services dispensés par une personne infirmière ou infirmière auxiliaire qui est membre du personnel de la résidence, dans un local de cette RPA, à des résidents qui souhaitent obtenir une consultation en raison d’un problème de santé; dispensés ainsi, cela ne constitue pas une offre de soins infirmiers au sens du règlement.

> Une nouvelle approche, dont l’applicabilité reste à démontrer

L’un des changements les plus importants ayant été apportés, c’est que lorsque dans un même immeuble, un exploitant administre des offres de services distinctes correspondant à plus d’une catégorie, on considère maintenant qu’il y a une RPA par catégorie; chacune de ces RPA étant alors soumise aux normes et critères applicables à sa catégorie. Aussi, les unités locatives de chaque RPA doivent être contiguës et regroupées dans des parties distinctes de l’immeuble; à défaut de quoi, les normes et critères applicables à la catégorie la plus élevée s’appliquent à l’ensemble des unités locatives.

Dans le même esprit, lorsqu’on retrouve, dans un même immeuble, des unités reliées à une ressource intermédiaire, une ressource de type familial, un CHSLD, voire de simples logements où habitent « d’autres occupants », les unités locatives de la RPA doivent là aussi être contiguës et former un ensemble distinct des autres ressources ou espaces. Cette disposition, dont l’entrée en vigueur est prévue le 15 juin prochain, sera vraisemblablement inapplicable dans les RPA-OSBL qui se trouvent dans cette situation. On ne va évidemment pas détruire et reconstruire des espaces pour les aménager séparément – tout comme on ne pourra forcer des locataires jouissant du droit au maintien dans les lieux à quitter leur logement et à déménager dans une autre section…

En outre, cette nouvelle disposition affectera les résidences aux prises avec des logements inoccupés, qui se retrouvent en grande difficulté financière et pour lesquelles la location de logements à des occupants autres que des personnes âgées pourrait s’avérer une solution.

> À propos du seuil de surveillance

Pour les RPA de catégorie 1, le seuil minimal de surveillance imposé par le règlement demeure le même, à l’exception d’une possibilité d’accommodement dans celles de 200 unités ou plus, la nuit, si le bâtiment est entièrement muni d’un système de gicleurs. Aussi, les RPA de cette même catégorie et de moins de 50 unités locatives, qui étaient titulaires d’un certificat de conformité en date du 31 octobre 2022 et dont les résidents sont suffisamment autonomes pour évacuer les lieux par eux-mêmes, sont dispensées de l’obligation de maintenir une surveillance 24/7 dans la résidence, si le système d’appel à l’aide permet d’obtenir l’aide d’une personne majeure pouvant être jointe, en tout temps et sans délai, pour intervenir en cas d’urgence.

Dans les RPA-OSBL de catégorie 3, il n’y a pas là non plus de changement majeur, sauf pour celles – s’il en est – qui étaient auparavant considérées comme étant de catégorie 4 et qui bénéficieront dès lors d’un ajustement du seuil applicable. Celles, enfin, qui correspondent à la nouvelle catégorie 4 (unités de soins) sont évidemment assujetties à des exigences de surveillance plus élevées.

Notons par ailleurs que dans les immeubles où il y a plus d’une RPA, le seuil de surveillance s’applique séparément dans chacune d’elles. Aussi, dans le contexte où de nombreuses résidences (à but lucratif ou pas) ont des unités locatives vacantes, le règlement permet désormais aux exploitants d’exclure ces dernières du nombre d’unités comprises dans la RPA afin de déterminer le seuil de surveillance applicable.

> D’autres changements

Le règlement vient préciser la portée des ententes de collaboration que toute RPA doit conclure avec le CISSS ou le CIUSSS de son territoire. Ces ententes doivent notamment prévoir quelle sera la collaboration entre la résidence et l’établissement du réseau lors d’un dépassement de la capacité d’accueil de la RPA. On dit aussi qu’elles devront être basées sur un partage des responsabilités et favoriser la concertation ainsi que la « réciprocité d’action » entre les deux parties. Ces dispositions entreront en vigueur le 15 juin 2023 dans les RPA de catégorie 1 et 2, et le 15 septembre dans celles de catégorie 3 et 4.

Aussi, les RPA de catégorie 2, 3 ou 4 devront installer un dispositif de sécurité (alerte), d’ici le 15 décembre 2023, pour éviter que les résidents à risque d’errance ou susceptibles de le devenir quittent la résidence à l’insu des membres du personnel ou des personnes responsables d’y assurer la surveillance.

Autre nouveauté : les RPA de catégorie 2 ou 3 de plus de 99 unités locatives, de même que celles de catégorie 4 de plus de 50 unités locatives, devront mettre sur pied, d’ici le 15 décembre 2023, un comité de milieu de vie et lui permettre d’assumer les fonctions qui lui sont échues dans le règlement, ce qui inclut la défense des droits et intérêts collectifs des résidents. Cette mesure n’a pas été imposée aux RPA de catégorie 1, car elles ont déjà des mécanismes qui assurent une participation des locataires, incluant dans bien des cas une représentation au conseil d’administration de l’organisme.

Concernant, enfin, la formation des proposées et préposés, le délai d’un an après l’embauche actuellement accordé pour acquérir les formations ou attestations requises sera abolie le 15 décembre 2025.

> Des modifications bienvenues, mais des incertitudes demeurent

Une version préliminaire du manuel d’application du règlement, qui fournit des explications plus détaillées et des références quant à son interprétation, a déjà été mise à la disposition des établissements du réseau par la Direction générale des aînés et des proches aidants du MSSS. Le RQOH l’a également transmise aux fédérations régionales d’OSBL d’habitation, pour les gestionnaires de résidences qui souhaiteraient y avoir accès. La version finale de ce manuel devrait être publiée par le MSSS dans les prochaines semaines.

L’un dans l’autre, les changements apportés au règlement apportent des clarifications et des ajustements bienvenus pour les RPA-OSBL. Les représentations faites par le RQOH et les fédérations régionales, incluant les commentaires très pertinents transmis par plusieurs RPA-OSBL au lendemain de la publication du projet de règlement, ont été prises en considération avec attention par l’équipe responsable de sa révision au MSSS. Concernant l’enjeu d’applicabilité des dispositions portant sur la séparation des unités mentionné plus haut, on verra, dans les prochaines semaines et les prochains mois, quelles seront les possibilités de les ajuster, afin de dénouer l’impasse et d’éviter que des résidences soient forcées de diminuer leur offre de services, car ne pouvant plus répondre aux exigences d’une RPA.

Cela dit, les problèmes criants de viabilité de plusieurs RPA-OSBL demeurent. La hausse des coûts d’exploitation, la pénurie de main-d’œuvre, la perte d’attractivité des résidences qui fait que plusieurs se retrouvent avec des logements inoccupés, le manque de financement des services dispensés par les résidences lorsque celles-ci pallient à l’insuffisance du soutien à domicile offert par le réseau de la santé : tout cela concourt aux difficultés rencontrées par les résidences.

À l’occasion de la dernière campagne électorale, le RQOH a interpellé les partis en lice pour qu’ils se prononcent en faveur d’une reconnaissance des RPA communautaires, qui soit assortie d’un soutien financier pour assurer leur survie et leur viabilité. Un enjeu dont le regroupement souhaite discuter le plus rapidement possible avec la nouvelle ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger.

Jacques Beaudoin
Directeur des affaires publiques et juridiques