7 octobre 2015
6 octobre 2015. Après des mois d’attente et à quelques jours de l’entrée en vigueur de l’obligation de surveillance 24/7 par des préposés salariés dans les RPA de moins de 50 unités, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, et la ministre responsable des aînés Francine Charbonneau ont dévoilé les grandes lignes du projet de règlement qui remplacera la réglementation actuellement en vigueur. Le ministre a confirmé que le projet de règlement serait bientôt publié dans la Gazette officielle du Québec et qu’il fera l’objet d’une période de consultation de 45 jours. Une fois adopté, les résidences visées disposeront d’une période de transition d’un an pour s’y conformer.
Dans un communiqué, le Réseau québécois des OSBL d’habitation s’est « globalement réjoui » des modifications proposées, tout en exprimant certaines préoccupations. Voyons plus en détails ce qui a été annoncé et qui nous fait dire qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction.
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Les résidences privées pour aînés (RPA) seront désormais classifiées en quatre catégories, plutôt que deux comme c’est le cas actuellement. Comme auparavant, ce sont les types de services offerts qui distingueront celles s’adressant à des personnes âgées autonomes ou semi-autonomes.
Les services auquel le nouveau règlement s’intéresse sont les mêmes qu’auparavant : repas; sécurité; loisirs; aide domestique; services d’assistance personnelle; soins infirmiers. L’obligation de se certifier continuera de s’imposer à tout projet d’habitation collective destiné à être occupé par des personnes âgées de 65 ans ou plus où sont offerts au moins deux de ces services.
Notons toutefois une distinction importante : désormais, un service qui n’est offert que partiellement (comme par exemple des repas cinq jours par semaine et non quotidiennement) sera quand même pris en considération. Il en sera de même pour les services de loisirs, même si ceux-ci sont organisés par un comité de résidents. Le gouvernement souhaite ainsi éviter que des résidences où deux de ces services sont offerts puissent se soustraire à la certification.
Les RPA de catégorie 1 qui comportent moins de 50 unités locatives ne seront plus tenues d’assurer la présence en tout temps d’un membre du personnel possédant une formation de préposé. Elles pourront faire appel à un résident, un locataire surveillant ou un bénévole ayant reçu les formations de secourisme général et de réanimation cardiorespiratoire et pouvant être joint sans délai. Il ne sera pas nécessaire que cette personne soit présente dans la résidence, pourvu qu’elle puisse intervenir immédiatement. Le système mis en place devra par ailleurs être approuvé par le conseil d’administration de l’organisme, qui devra également s’assurer que la personne désignée possède les aptitudes nécessaires.
La nouvelle réglementation reconnaît donc la validité des mesures de surveillance communautaires que les OSBL-H ont su développer depuis de nombreuses années, bien avant qu’il n’ait jamais été question d’une quelconque certification. Elle reconnaît que les ensembles d’habitation pour aînés autonomes ne sont pas et ne devraient pas être assimilés à des institutions de santé. En choisissant d’habiter dans un OSBL d’habitation de ce type, les locataires aînés n’ont aucunement renoncé à leur autonomie et ils ont encore moins voulu se retrouver dans un environnement de type CHSLD. Non seulement l’ancienne réglementation les traitait-elle ainsi, mais elle remettait en cause leur droit à un logement abordable en les forçant à assumer les coûts faramineux de leur propre surveillance, même si celle-ci s’avérait superflue !
Actuellement, quelque 495 projets d’habitation en formule OSBL comptent moins de 50 unités (toutes catégories confondues), ce qui correspond à 80 % de l’ensemble des projets OSBL-H pour aînés. La majorité des RPA qui se sont retirées de la certification tombent d’ailleurs dans cette catégorie. On peut donc affirmer sans se tromper que c’est une majorité d’OSBL-H pour aînés – et de leurs locataires – qui bénéficieront des changements apportés aux exigences de surveillance dans les RPA de catégorie 1 et de moins de 50 unités.
Les OSBL-H concernés qui avaient été contraints de se retirer de la certification pourront envisager d’y revenir en toute sérénité ; ceux qui étaient demeurés certifiés en attendant de voir si des allègements allaient être apportés seront rassurés quant à leur capacité de poursuivre leur mission. Le fait de pouvoir recommencer à se présenter comme une RPA certifiée (ou de continuer à le faire dans le deuxième cas) facilitera grandement leur mise en marché. Un autre élément non négligeable est que leurs locataires pourront continuer de bénéficier du mode de calcul du crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés plus favorable pour les contribuables qui habitent dans une RPA certifiée.
Cela dit, et en dépit des représentations faites par le RQOH tout au long du processus de discussion au comité stratégique mis en place en juillet 2014 par le ministère de la Santé et des Services sociaux, le gouvernement n’a pas souhaité étendre cette formule (surveillance communautaire) aux RPA de catégorie 1 de plus de 49 unités. Celles-ci devront encore s’assurer de la présence en tout temps d’au moins un membre du personnel (deux pour celles de 200 unités ou plus). La formation requise sera néanmoins allégée, puisqu’il n’est plus question d’une formation de préposé, mais uniquement celles de secourisme général et de réanimation cardiorespiratoire.
Par ailleurs, le gouvernement a profité de la révision du règlement pour rehausser les exigences imposées aux RPA de catégorie 4 (celles avec soins infirmiers), de 50 unités ou plus. Ces résidences devront en effet assurer la présence constante d’un membre du personnel de plus que ce qu’impose la réglementation actuellement en vigueur. Pour les OSBL-H dans cette situation, cela représentera une augmentation des frais d’exploitation considérable, qui pourrait les forcer à modifier leur offre de services et à en retrancher les soins infirmiers, au détriment des résidents qui y logent. Chose certaine, il leur sera impossible de faire assumer le fardeau de ces nouvelles exigences par leurs locataires, dont 80 % ont des revenus inférieurs à 20 000 $ par année. Le RQOH demande que des mesures compensatoires soient mises en place pour soutenir les organismes dont la viabilité sera compromise par le rehaussement des normes de surveillance.
Le tableau suivant présente les exigences de surveillance que le nouveau règlement devrait vraisemblablement imposer pour chacune des catégories de RPA :
Selon les informations que nous avons obtenues, la nouvelle réglementation précisera les responsabilités des exploitants des résidences privées pour aînés dans les cas où les besoins des résidents évoluent et où ceux-ci se retrouvent en perte d’autonomie. Dans les situations de ce genre, l’obligation de la RPA en sera uniquement une de signalement auprès du centre intégré de santé et de services sociaux de son territoire (avec le consentement du résident ou de son représentant).
Dans le même esprit, alors que le règlement actuellement en vigueur oblige l’exploitant d’une RPA à « maintenir sur place, en tout temps, le personnel suffisant pour répondre adéquatement aux besoins des résidents » (laissant entendre que la résidence pourrait être appelée à devoir élargir sans cesse son offre de services pour répondre à de nouveaux besoins), la nouvelle réglementation limiterait cette obligation à l’offre de services convenue et aux engagements pris dans le bail conclu avec le locataire.
En outre, les dossiers des locataires des RPA de catégorie 1 n’auront plus à inclure leurs informations médicales personnelles. On reconnaît donc que ces résidences sont d’abord et avant tout des ensembles d’habitation et que la relation première qu’elles ont avec les résidents en est une de locateur à locataire.
Un certain nombre d’autres mesures devraient contribuer à faciliter la vie des gestionnaires des OSBL d’habitation, y compris des bénévoles qui y donnent un fier coup de main.
Le ministre Barrette a notamment annoncé que les exploitants des RPA pourront faire appel à des firmes privées, et plus obligatoirement à un corps de police, pour vérifier les antécédents judiciaires du personnel et des bénévoles assujettis à cette procédure. Dans certaines municipalités ou régions, aucun corps policier n’offrait ce service ou encore, les délais étaient considérables et les coûts plus élevés. Or, lorsqu’il s’avère nécessaire de remplacer rapidement un employé malade ou ayant quitté son emploi, cela causait d’importants maux de tête aux gestionnaires de certains projets ; en passant par une firme privée, le processus pourrait être beaucoup plus rapide et parfois moins dispendieux.
En cas d’urgence, le nouveau règlement pourrait autoriser l’embauche d’un salarié conditionnelle au résultat de la vérification de ses antécédents, si celle-ci ne peut être obtenue sans délai. Cela permettrait d’assurer la continuité de l’offre de services aux résidents, en toutes circonstances. L’on s’attend en outre à ce que l’obligation de vérifier les antécédents de certaines catégories de bénévoles soit assouplie : les bénévoles ponctuels ou occasionnels qui n’entrent pas directement en contact avec les résidents n’y seraient plus soumis. En bout de ligne, ces ajustements devraient faciliter la vie de tout le monde.
Par ailleurs, bien que le règlement maintiendra l’interdiction faite à l’exploitant, aux membres du personnel et aux bénévoles d’accepter des donations ou des legs de la part des résidents ou d’effectuer toute forme de sollicitation auprès d’eux, il appert qu’une exception sera faite dans le cas des RPA constituées à des fins non lucratives, dont le code d’éthique pourra prévoir la possibilité de solliciter les résidents à des fins déterminées par le conseil d’administration de l’organisme. On corrigerait ainsi une situation absurde créée par le règlement actuellement en vigueur qui fait que des organismes qui par ailleurs sont officiellement reconnus comme organismes de bienfaisance ne peuvent plus organiser d’activités d’autofinancement impliquant leurs locataires, alors que ces activités s’avèrent essentielles à leur viabilité et leur capacité d’offrir certains services, comme des activités de loisirs additionnelles, à ces mêmes locataires.
Suite à l’imposition des nouvelles normes de certification entrées en vigueur en 2013, le Réseau québécois des OSBL d’habitation, avec l’appui constant des fédérations régionales, des organismes concernés et de leurs locataires – dont le comité « carré gris » qui rassemble des locataires d’OSBL pour aînés membres de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal – a multiplié les représentations auprès des autorités politiques et intervenants intéressés. Les discussions qui ont été entreprises sous l’égide du ministère de la Santé et des Services sociaux et surtout, le fait que près de 200 OSBL-H pour aînés se soient retirés de la certification ou s’apprêtaient à le faire ont convaincu le ministre Barrette que des ajustements devaient être apportés pour mieux tenir compte de la réalité des diverses formules d’habitation offertes aux aînés.
Dans le cadre de ces discussions, le RQOH a proposé l’introduction d’une certification adaptée aux OSBL-H et à leurs locataires, sous une appellation distincte qui leur aurait permis d’identifier et de mettre en valeur leur offre de logement et de services. Alors que cette proposition faisait consensus parmi les intervenants impliqués dans le dossier, elle n’a malheureusement pas été retenue. Les assouplissements annoncés par les ministres Barrette et Charbonneau, qui découlent pour l’essentiel des demandes exprimées par le RQOH, s’adressent ainsi à tous les types de résidences, qu’elles soient à but lucratif ou pas.
En refusant de créer une certification spécifique aux résidences de type communautaire et en continuant à les assimiler aux résidences privées à but lucratif, le projet annoncé continue de nier la spécificité des OSBL-H ; l’on renonce ainsi à tirer profit des caractéristiques de ce réseau qui valorise l’autonomie des locataires et l’ouverture sur la communauté – un modèle ayant prouvé sa pertinence et son efficacité depuis 40 ans.
Qu’il s’agisse de la surveillance exercée par des locataires ou bénévoles, de la mise en place de mécanismes d’entraide entre pairs ou d’une collaboration étroite et constante avec les intervenants et ressources disponibles (comme celles offertes par les services de sécurité incendie), les membres, administrateurs et gestionnaires des OSBL d’habitation ont su développer des pratiques efficaces et respectueuses des besoins des locataires aînés. Le RQOH encourage le partage de ces pratiques et expériences et a mis en place un programme de formation à l’intention de ses fédérations régionales et de leurs membres.
Nous demeurons convaincus que ces mécanismes fonctionnent bien et sont pleinement efficaces, y compris dans les OSBL-H pour aînés de 50 unités locatives ou plus qui tomberont désormais dans la catégorie 1. Comme c’est le cas des OSBL-H de catégorie 4 à qui l’on imposera des exigences supplémentaires coûteuses, un soutien financier devra être accordé à ces organismes si l’on veut qu’ils puissent se conformer aux nouvelles règles ; les organismes sans but lucratif n’ont aucune marge de manœuvre et l’on ne peut même pas imaginer qu’ils refilent la note à leurs locataires, qui sont pour l’essentiel des aînés à faible, voire très faible revenu.
La période de consultation prévue suite à la première publication du projet de règlement devrait en outre permettre de répondre à un certain nombre d’autres préoccupations, notamment :
L’offre de résidences de qualité, sécuritaires et centrées sur les besoins des aînés est à l’origine même de la mise sur pied des OSBL-H pour aînés dans des centaines de villes et villages du Québec. L’immense travail de concertation du milieu et de mobilisation sociale et financière qu’exigent la mise sur pied et le bon fonctionnement d’un tel organisme témoigne de la préoccupation de ces communautés à l’égard de leurs aînés. L’énergie, la créativité, l’engagement et le sens des responsabilités des citoyens, incluant les aînés, qui animent ces démarches doivent continuer à être mis à profit pour maintenir et élargir l’offre d’un modèle qui répond à des besoins certains.
L’ouverture manifestée par le ministre Barrette et l’approche pragmatique du ministère de la Santé et des Services sociaux ont permis l’élaboration de nouvelles normes de certification mieux adaptées aux diverses réalités et à la dynamique du milieu communautaire, qui permettront le maintien et l’élargissement d’une offre de logement accompagnée de services répondant aux besoins des aînés de toutes conditions.
Avec ses huit fédérations régionales et les quelque 500 OSBL d’habitation pour aînés, le Réseau québécois des OSBL d’habitation maintient son engagement à offrir du logement abordable et sécuritaire aux aînés à faible revenu et poursuivra donc son travail de représentation pour assurer la pérennité du modèle d’habitation communautaire dont le succès est bien établi.