Isabelle Leduc, présidente. Réseau québécois des OSBL d’habitation

Depuis quelques années, lorsque l’on aborde la question du logement pour les personnes en situation d’itinérance, l’approche à la mode est celle du logement d’abord ou housing first. Celle-ci a pour prémisse le droit au logement et prône l’accessibilité au logement permanent pour les personnes itinérantes afin que l’ensemble des problèmes ayant mené à l’itinérance soit adressé par la suite. Cette approche se distingue nettement de celle selon laquelle les personnes ne sont logées de façon permanente que lorsqu’elles ont surmonté les difficultés les ayant menées à la rue.

Bien que l’on attribue l’origine du logement d’abord à l’organisme new-yorkais Pathways to Housing, fondé en 1992, force est de reconnaître que les OSBL d’habitation s’adressant à des personnes en situation d’itinérance, dont certains ont été mis sur pied il y a déjà plus de 25 ans, mettent en pratique cette approche dans le monde du logement social.

Celle-ci consiste, en effet, à offrir du logement accessible et adéquat pour, ensuite, aider les personnes, dans la mesure où elles se sentent à l’aise, à assimiler leur nouveau statut de locataire. Cela implique de prendre en compte des modes de vie souvent marginaux et de les accommoder afin de favoriser la stabilité résidentielle des locataires et, ainsi, promouvoir le logement en tant que droit. Parmi les problématiques rencontrées, l’abus de substances n’est pas rare et, c’est d’ailleurs pourquoi, l’approche de réduction des méfaits est pratiquée par la majorité des OSBL d’habitation privilégiant cette approche.

Dans les OSBL d’habitation avec soutien communautaire, l’accent est mis sur les comportements collectifs plutôt qu’individuels. Chaque personne est perçue comme ayant des droits et responsabilités, et cela, au même titre que tout autre locataire. Le soutien communautaire vise des relations harmonieuses entre locataires, au même titre qu’entre locateur et locataires. En ce sens, le soutien n’est pas rattaché au locataire, mais plutôt au logement par la promotion de la vie associative et communautaire — la participation des locataires au CA et aux AGA, par exemple — et la résolution de conflits. Lorsque les besoins sont d’ordre individuel, notre mandat est de favoriser l’accès aux services, et non, de se substituer aux responsabilités du réseau de la santé et des services sociaux. Il est essentiel que l’offre de logements subventionnés demeure distincte de la prise en charge, sans quoi nous entrons en conflit d’intérêts puisque, en tant que locateurs, nous devons veiller au bien-être de l’ensemble des locataires.

Le logement social offre un environnement communautaire et tolérant, souvent essentiel pour des personnes portées vers l’isolement et qui doivent apprivoiser le rôle de locataire. Qui plus est, il est la meilleure façon d’assurer l’accessibilité financière à un logement de qualité. Le logement social avec soutien communautaire est donc notre façon à nous de mettre en pratique l’approche du logement d’abord. De plus, plusieurs études l’ont déjà démontré : cette pratique est moins coûteuse que les frais engendrés par la problématique de l’itinérance aux systèmes de la santé et carcéral. Il est donc primordial que le financement du développement des infrastructures et du soutien communautaire soit au rendez-vous.

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 39