L’organisme en logement SOLIDES a scellé l’achat d’un immeuble de huit appartements à Longueuil au début du mois de mai, portant le parc total de ce « gros joueur » de l’habitation communautaire à 546 unités, situées principalement à Châteauguay.
Dans un communiqué émis sur les réseaux sociaux, SOLIDES précise : « Cet immeuble a un petit quelque chose de particulier et c’est la raison pour laquelle nous l’avons préféré à d’autres : quatre des huit logements de l’immeuble étaient loués sur la plateforme de location de courte durée Airbnb. L’attrait pour SOLIDES n’est évidemment pas que cette formule est payante, c’est que l’acquisition de cet immeuble nous permet de remettre en location régulière ces quatre logements alors que les locataires subissent une importante pénurie. »
Nombreuses et nombreux étaient celles et ceux qui souhaitaient une prise de conscience collective, mais la COVID-19 et l’arrêté de la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann du 4 avril – « interdisant d’exploiter tout établissement d’hébergement touristique, à l’exception des hôtels » – auront peut-être raison des locations court terme de type Airbnb.
Le journaliste Gabriel Béland rapportait dans La Presse du 31 mars que « la pandémie a un impact négatif important sur l’industrie de l’hébergement collaboratif », Airbnb se voyant obligé de débloquer 250 millions de dollars « pour compenser ses hôtes affectés par la crise du nouveau coronavirus ». « Il y a un effondrement très rapide depuis la COVID-19 de toute l’activité touristique », disait Greg Chauve, un gestionnaire pour autrui de nombreux appartements de type Airbnb de Montréal dont les propos étaient rapportés par le journal Métro le même jour.
SOLIDES frappe ici un grand coup, qui pourrait être suivi d’effets ailleurs au Québec. Dans ce cas précis, non seulement les unités retourneront éventuellement à leur usage en location avec bail annuel, mais en plus à un prix abordable pour les ménages à revenus faibles ou moyens.
François Giguère, le directeur de SOLIDES, précise : « Pour l’immédiat nous conservons ces logements entièrement meublés disponibles jusqu’au 30 juin pour des demandes de logements d’urgence en lien avec la pandémie de la Covid-19, le personnel du réseau de la santé et des services sociaux qui doivent s’isoler, les refuges qui débordent, etc. C’est à partir du premier juillet qu’ils seront mis à contribution pour loger des locataires réguliers. »
Les opérateurs commerciaux qui misaient sur cette bulle sont en difficulté, et c’est sans compter les aventuriers mal inspirés qui, se croyant malins, avaient multiplié les locations d’appartements dans l’espoir de faire la « piasse facile ». Une personne devenue célèbre sur les médias sociaux aurait à elle seule signé pas moins de 147 baux à titre individuel…
Richard Ryan, qui est conseiller du district du Mile-End de Montréal et qui s’investit beaucoup sur la question de l’accessibilité du logement, a récemment fait une mise en garde : « Une chose qui est primordial de comprendre, c’est que ces locateurs de meublés-touristiques vont chercher à les retourner en location touristique dès que la crise sera terminée. Il est essentiel d’informer les nouveaux locataires qu’après plus d’un mois de location (renouvelable), ces logements tombent sous la responsabilité de la Régie du logement, et qu’un proprio ne peut récupérer/évincer un logement (de plein droit) pour de la location touristique. »
Il semble pour le moment qu’un peu partout, la plupart des logements de type Airbnb qui retournent sur le marché locatif traditionnel le font à des prix exorbitants au début de l’offre. Est-ce que les gouvernements pourraient agir ? Après plus de 10 ans de politique de l’autruche dans ce domaine, difficile de miser sur une action décisive du gouvernement du Québec.
Le 10 mai, le FRAPRU déclarait : « Pour faire en sorte que les logements affichés sur des plateformes de type Airbnb reviennent sur le marché locatif régulier, à des prix un peu plus décents et pour des baux de 12 mois, le gouvernement du Québec et la ministre du Tourisme Caroline Proulx doivent prolonger l’interdiction actuellement en vigueur. Il faut aussi se donner les moyens de lutter contre les propriétaires délinquants qui font des locations illégales sur la plateforme, notamment en s’assurant d’un nombre suffisant d’inspecteurs et d’inspectrices. »