Des événements difficiles, une condition physique qui se dégrade, la cassure, la rue, l’itinérance… Mais quand Ginette Courchesne s’est trouvé un logement social, elle a pu récupérer une certaine stabilité, et reprendre le contrôle sur sa vie. Portrait d’une femme qui maintenant, redonne !

Nous rencontrons Ginette Courchesne chez elle, à Sorel, au Complexe Le Soleil, un OSBL d’habitation où elle réside depuis onze ans. Avant d’arriver ici, elle ne savait pas ce qu’était le logement communautaire. « Ma situation financière était difficile, divorcée avec des enfants. Je suis coiffeuse de métier, mais je n’étais plus capable de coiffer, à cause de problèmes de santé. Je pesais 350 livres. J’avais une vie qui s’en allait comme ça », dit-elle en pointant l’index vers le sol. Elle a eu la chance de rencontrer un intervenant qui l’a aidée à dénicher ce logement subventionné. « Je suis arrivée avec mes enfants, tout défaite, physiquement, psychologiquement, la totale. Ça m’a permis de me remettre au niveau psychologiquement, parce que tous les événements de ma vie ont fait que j’étais à terre. »

Trois ans d’itinérance, à vivre ici et là, de Montréal à Sorel, parfois au-dessous des ponts. « On ne se remet pas rapidement de ça ». Mais avoir un toit dont elle avait les moyens de payer le loyer, cela a littéralement changé sa vie. « D’abord, j’avais moins d’insécurité au niveau financier. La première chose, me vêtir, donner à mes enfants une qualité de vie, au niveau de la nourriture. Ça a permis à mes enfants d’avoir une vie plus régulière, plus sécuritaire. Quand ma santé s’est replacée, j’ai perdu 200 livres. »

La pente a été difficile à remonter, mais dès que Ginette Courchesne s’est senti l’énergie, son « côté social » a repris le dessus. « D’abord, je me suis impliquée au niveau communautaire, ici. » L’OSBL d’habitation le Complexe Soleil de Sorel offre 24 logements à des familles défavorisées. « C’est certain qu’ici, il y a des gens qui ont des difficultés, qui ont de la misère à gérer les choses. Quand tu n’as pas de bagage, quand tu n’as pas été à l’école, quand tes parents ne t’ont pas équipée dans la vie… Des gens qui ne savent ni lire ni compter. Ils venaient me voir et me demandaient ‘’Ginette, est-ce que tu peux m’aider à faire telle chose ou telle chose ?’’»

C’est ainsi que Ginette s’est mise à aider son entourage. « Des gens avaient de la difficulté à manger, même ici, même avec un loyer ‘’social’’ » Elle a fait des paniers, est allée ramasser des dons dans les épiceries. Toutes les semaines, elle faisait cinq, six ou sept paniers. « Au début, je faisais des soupes, je faisais des sauces ! Un moment donné, j’ai dit ‘’là non !’’ J’ai commencé à mettre la recette dans le panier ! » Dans le quartier, cela s’est su et sœur Françoise, qui est très active à la paroisse, est entrée en contact avec Ginette, qui s’est jointe au travail pastoral.

De fil en aiguille, Ginette est retournée aux études ! « Avec le loyer abordable, et les enfants devenus adultes, ça m’a permis de retourner à l’école. Je suis allée à l’Université de Sherbrooke à Longueuil faire deux certificats, et maintenant j’ai un emploi à temps plein depuis le 15 août 2016. Je suis agente de pastorale sociale. Ça m’a pris presque six ans, mas j’y suis arrivée. Tout cela je n’aurais pas pu le faire si je n’avais pas eu un loyer social. »

Si Ginette Courchesne est immensément reconnaissante de l’existence du logement à but non lucratif, elle déplore cependant le lot de préjugés avec lesquels des gens comme elle doivent vivre. « Le complexe ici, pour les gens du quartier autour, c’est un ‘’bloc de B.S’’. On entend ça régulièrement : ‘’c’est des B.S. mais ils ont le câble et des autos, ils vivent avec nos taxes’’. Il y a vraiment une étiquette qui est mise et c’est très dur de se sortir de ça. Moi j’ai assez de force pour l’affronter, mais il y en a qui ont de la misère à faire face à ces choses-là. Tu te sens quasiment coupable d’être dans un organisme pour essayer de t’en sortir. » Les préjugés ont parfois la vie dure. « S’ils prenaient la peine de connaître les gens qui sont ici, ils verraient que c’est autre chose », dit-elle en parlant des riverains.

Pour briser l’isolement et les préjugés, il faudrait plus de projets de logement social. La ville de Sorel peine à se sortir du marasme économique dans lequel l’a plongée la fermeture en cascade des industries qui assuraient autrefois sa prospérité. « Les navires, l’acier, tout est fermé maintenant. On a beaucoup de difficulté, les gens qui ont une certaine formation vont se chercher de l’emploi ailleurs ! Ceux qui restent, souvent, ce sont ceux qui n’ont pas trop de formation et demeurent à faible revenu. On va avoir besoin de logements sociaux pour ces gens-là. C’est la porte de sortie pour beaucoup de gens. »

C’est la raison pour laquelle Ginette s’implique. En septembre 2015, elle s’est rendue avec des gens du quartier à un rassemblement pour le logement social, pour interpeller les gouvernements du Canada et du Québec, mais aussi la Ville de Sorel. À cette occasion, Martin Bécotte, le directeur de la Fédération régionale des OSBL d’habitation, avait rappelé que depuis 1997 et les débuts du programme AccèsLogis, Sorel avait construit seulement 34 logements sociaux ! Que pendant que dans le reste du Québec des dizaines de projets d’habitation communautaire voyaient le jour, Sorel regardait passer le train et négligeait les retombées économiques positives du développement de logement pour la région. « Je suis arrivée avec ma gang et mes pancartes ! On est allé dire qu’on était solidaires du mouvement, qu’on appuie le logement social ».

En sa présence, on sent rapidement toute la générosité qui habite Ginette Courchesne. « Je suis militante, je suis dans le conseil d’administration. Ça fait depuis 2006 que je vis ici. Il y a des fois où ça brasse, j’ai mon franc-parler. Je suis dans le conseil d’administration à cause de mon côté social. Parce que j’ai eu accès à un logement social, j’ai été capable de m’en sortir, d’aller aux études, d’avoir un emploi. Je veux redonner ce que moi j’ai reçu. »

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