1 mai 2013
Par Natacha Arruda, adjointe à la direction et Martin Bécotte, directeur. Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie (FROHM). Merci à Fleurette Cardinal, trésorière des Habitations Logis Ciel et présidente du Comité logement Rive Sud; Francine Daniel, présidente des Habitations Sambault; Lucie Vallée, trésorière de la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et des Habitations Aux Baux Soleils; et Laurianne Thibault, secrétaire des Habitations Philomène.
La FROHM a profité du thème abordé par ce numéro du bulletin LE RÉSEAU pour inviter quelques femmes militantes, locataires et membres du conseil d’administration de l’organisme sans but lucratif propriétaire de leur immeuble pour prendre un café et discuter des bénéfices du logement social dans leur vie. Quatre d’entre elles ont accepté notre invitation.
Nous leur avons posé quelques questions, des classiques, rien pour réinventer le genre, mais qui ont permis de belles discussions. Joignez vous à nous, pour un café…
« Pour moi, après 4 années d’implication pour lever de terre notre projet, cela m’a permis d’obtenir un logement. Après avoir pris ma retraite, j’avais dû aller vivre chez ma fille pour me loger. Depuis que j’ai aménagé, à Logis Ciel, j’ai continué de m’impliquer pour redonner aux autres. Ça m’a permis de bouger et de faire beaucoup de choses. » — Fleurette Cardinal
« Moi aussi, avant de déménager aux Habitations Sambault, en 2011, j’avais des difficultés financières. Handicapée depuis 2007, c’était difficile pour moi, physiquement, moralement et financièrement aussi. Avant, j’avais un très bon emploi, j’avais de l’argent, je payais mon loyer et tout était bien. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée presque sans revenu. Mon garçon qui grandissait avec des besoins qui grandissaient aussi! Quand j’ai eu mon logement avec la subvention adaptée pour handicapé, ma qualité de vie a beaucoup augmenté, le stress a baissé : financièrement, j’étais plus à l’aise.
J’ai commencé à m’impliquer. Toute ma vie, moi, j’ai été témoin d’injustices sans pouvoir ne rien faire pour les changer, parce que je n’avais pas le pouvoir, la position, l’argent ou l’emploi pour pouvoir faire un changement. Quand je suis arrivée aux Habitations Sambault, je me suis aperçue que c’était nous qui gérions et qui aidions les gens à avoir une meilleure qualité de vie. Alors, je me suis dit : la voilà ma chance d’aider des personnes! De voir des petits changements dans la vie des autres qui font une différence à long terme, ça me motive.
J’ai découvert le communautaire. Avant, je faisais comme tout le monde : fais ta petite affaire et je vais faire ma petite affaire. Je n’étais pas au courant qu’il y avait autant de difficulté, de misère, de gens qui vivaient des choses difficiles et d’être témoin de ça, de pouvoir faire un changement pour certaines personnes, c’est gratifiant. Tout ça m’a amenée à me surpasser et développer des capacités que je ne connaissais pas, que je n’avais pas développées. Une chose que je trouve importante de ce qu’on fait nous autres, c’est justement de continuer ce que les autres ont fait avant… Il y a des gens qui se sont dévoués corps et âme pour construire des logements sociaux, pour militer; et nous autres, on prend la relève. Moi je le vois comme ça, mais c’est mon rôle à moi. Aux autres de faire en sorte que ça fonctionne. » — Francine Daniel
« Moi aussi, c’est arrivé dans une période difficile! J’ai découvert que j’avais le cancer. Ça a été une période très difficile à accepter, au début, d’être obligée d’obtenir de l’aide sociale. Tranquillement, c’est sûr qu’on finit par s’y adapter, mais moi, j’avais déjà commencé à être dans le communautaire. J’étais membre du conseil d’administration du Centre la Margelle et ça faisait au moins 4 ou 5 ans que je voulais changer de domaine, m’en aller dans le communautaire et aider les gens. Ça a toujours été mon but. Alors quand je suis arrivée aux Habitations La Rémoise, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de choses à faire. De savoir qu’on peut, peut-être, apporter quelque chose, c’est formidable! Malheureusement, je n’ai pas eu la chance d’avoir un logement subventionné, mais ce n’est quand même pas cher comme loyer et je ne pense pas que je trouverais un 3 ½ à ce prix là dans le privé. J’aime beaucoup ça et ça me donne le goût, encore, de toujours m’impliquer davantage et davantage. » — Lucie Vallée
« Je suis tombée enceinte à 18 ans. Alors au départ, c’était vraiment juste une aide. Je ne connaissais rien des logements sociaux! C’est ma mère qui avait fait les démarches pour moi. Faire l’inscription et tout le reste… Au départ, je voyais ça juste comme une aide, un logement moins cher… Et l’implication des membres, ça m’intéressait aussi, quand même, mais je ne connaissais pas le fonctionnement! À l’assemblée générale annuelle, on m’a demandé de m’impliquer.
Je me suis impliquée et j’ai découvert un peu qu’est-ce que l’implication des membres. Je me suis rendue compte que les choses bougeaient plus vite quand nous étions impliqués : tant qu’à le faire, ça va aller plus vite le faire par moi-même! J’ai été dans le conseil d’administration. Ça m’a permis d’avoir beaucoup de connaissances. Je suis rendue à 24 ans, mais je suis jeune quand même, donc je suis contente d’avoir découvert ça à cet âge-là. J’ai découvert des qualités que j’avais et que je ne connaissais pas. Avoir un enfant jeune, ça fait que je n’ai plus beaucoup de loisirs. Je n’ai pas de passion en tant que telle, je ne fais pas d’activités, donc les Habitations Philomène, ça me permet de m’impliquer pour quelque chose qui me tient à coeur. J’ai été manifester, l’été passé, pour les logements sociaux. C’était la première fois que j’allais manifester et c’est une cause que j’ai découvert qui me tient à coeur. J’ai aussi connu c’était quoi les logements sociaux ailleurs qu’au Québec. Je suis contente d’avoir milité pour ça, pour la première fois de ma vie. Ça m’a ouvert à connaître des causes. Les nouveaux locataires ne savent pas nécessairement toutes les batailles qu’il y a eu pour avoir des logements sociaux. » — Laurianne Thibault
« J’aurais eu de la misère financièrement, c’est sûr et certain. Je me serais peut-être retrouvée dans la rue justement. Avec l’aide sociale, on ne vit pas vieille. Oui, c’est vrai! J’ai été chanceuse : la solidarité sociale qui me donnait un peu plus que l’aide sociale régulière. Je pense qu’avec l’aide sociale régulière, je n’aurais pas eu le choix d’aller travailler. Je n’aurais pas pu me permettre de prendre une pause. Après la chimiothérapie, j’étais épuisée et fatiguée. Si je n’avais pas eu ça, je ne sais pas ce que j’aurais fait! Je n’aurais pas été capable d’arrêter. Il aurait fallu que je me tue à l’ouvrage, comme on dit. Habiter dans un immeuble de logements sociaux m’a permis
de prendre une pause. » — Lucie Vallée
« Où je restais, avant d’arriver aux Habitations Sambault, je payais quand même assez cher. Je n’aurais probablement pas pu rester là. Je me serais sûrement retrouvée dans un petit logement en mauvais état, pas cher, avec une qualité de vie très faible. Malheureusement, je ne peux vraiment pas travailler, à moins de me trouver un travail assis… Mais, je n’avais aucune compétence à l’époque! J’ai toujours travaillé physiquement! Avec mon garçon, ça aurait vraiment été un énorme stress de savoir : qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui? Vais-je avoir de l’argent pour payer mon compte d’électricité? Vais-je avoir assez d’argent pour payer mon loyer, avoir des arrangements avec le propriétaire, trouver un emploi? Tout ça, m’a été évité quand je suis arrivée aux Habitations Sambault. Logements de qualité, propres et bien construits. Mon garçon est content d’habiter là. L’environnement est très bien. Nous avons de l’argent pour manger, pour payer les comptes et nous payer des petits loisirs. Quand mon garçon a besoin de vêtements, je peux lui en acheter. Dû à mon handicap, un logement non adapté, pour moi, c’était très difficile. Surtout pour mon dos qui m’empêche de marcher… Pas plus que 2-3 minutes! Où je suis, tout est adapté et c’est beaucoup plus facile pour moi. Oui, c’est dégénératif, mais ça dégénère moins vite. Mon dos est plus reposé et c’est avantageux. Beaucoup d’économie de stress
et de quiétude. » — Francine Daniel
« En 2010, je me suis réinscrite au CÉGEP et je me suis séparée. C’est sûr que je n’aurais pas pu aller au CÉGEP. Je n’aurais pas pu continuer mes études. J’ai eu la chance d’avoir une subvention, aussitôt que je me suis séparée. Ça m’a donné une grosse aide! » — Laurianne Thibault
« Où nous demeurons, il y a une immense cour avec des modules pour les enfants à l’arrière. Les logements privés sont rarement familiaux. C’est sûr que des fois, vivre proche des gens, comme ça, il peut y avoir des désavantages. Mais moi, c’est quelque chose que j’aime, me retrouver en petite gang et jaser. C’est sûr que le blabla des voisins, il y en a partout, mais j’aime ça aller au-delà de ça. J’ai un petit sentiment d’appartenance. On se fait des amis. » — Laurianne Thibault
« Ça m’a permis de me faire une petite famille, parce que je suis toute seule, donc, je n’ai pas de famille. Ça m’a permis de sortir de l’isolement. Au début, j’ai trouvé ça difficile, parce que j’étais habituée d’être seule et de faire mes petites affaires. L’OSBL, c’est ce que nous avons en commun les voisins. C’est une structure qui nous permet de nous organiser et de gérer les conflits. Dans les logements privés, les voisins, on n’a rien en commun, aucun outils ou organisation pour gérer les conflits ou pour améliorer la cohabitation et les aires communes. » — Lucie Vallée
« Moi aussi, ça m’a beaucoup sortie de l’isolement. Avant, j’étais plus une personne sédentaire, seule à la maison à m’occuper de mon garçon. Moi, les gens doivent venir me voir. Avant, je n’allais pas vers les gens, j’attendais qu’ils viennent. Quand je suis arrivée aux Habitations Sambault, j’ai été obligée d’aller voir les gens et de leur parler… Et je me suis aperçue que j’aimais ça! J’aimais avoir un contact avec les gens, ça m’apportait quelque chose. J’aimais m’asseoir en petite gang à l’extérieur, jaser, prendre un café, jouer aux cartes, prendre un verre, me planifier des sorties et des choses comme ça. Des fois, un locataire est seul, il m’appelle et on peut jaser pendant une heure. Il ne me dérange jamais, parce que je sais qu’il a besoin de parler. Je rends des services à d’autres personnes. C’est le fun parce que nous avons un retour, on voit les gens contents et ils nous remercient. Notre vie s’améliore et c’est plus juste. » — Francine Daniel