30 septembre 2021

Droit au logement et peuples autochtones dans la réconciliation

En cette première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le RQOH s’invite lui-même et invite tous les partenaires du domaine du logement social et de l’habitation communautaire à réfléchir au Principe de Joyce.

Ce principe, lancé par le Conseil des Atikamekw de Manawan à la suite du tragique décès de Joyce Echaquan, vise à ce que tous les programmes et systèmes de santé et de services sociaux du Québec et du Canada garantissent « à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination […], ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle ».

Il y a du chemin à faire, car la plus injuste des ironies veut que les premiers occupants du territoire soient les plus mal logés au pays et que le logement est l’un des déterminants de la santé les plus fondamentaux. Et la crise du logement est particulièrement aiguë dans les communautés autochtones au Canada. Il manque au moins 80 000 logements dans les réserves et les personnes autochtones qui vivent hors réserve (ce qui concerne 50 % des Autochtones) font face à de nombreuses discriminations dans l’accès au logement. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime que 118 500 ménages autochtones (un ménage sur six) ont des besoins impérieux en matière de logements de base, une proportion beaucoup plus élevée que celle des ménages non autochtones, qui est d’un ménage sur 10.

Le résultat combiné de ce système malheureusement trop bien rodé est que de nombreuses personnes autochtones vivent dans des logements inadéquats ou des maisons surpeuplées, avec tous les problèmes sociaux que cela peut entraîner. En milieux urbains, le nombre d’Autochtones sans abri est disproportionné. « Les dénombrements ponctuels des sans-abri à Toronto, Montréal, Vancouver et Calgary indiquent que la proportion de sans-abri autochtones varie de 10 à 38 %[1]. » Les personnes autochtones connaissent de plus nombreux et plus prolongés épisodes d’instabilité résidentielle que les autres Canadiens.

C’est sur cette toile de fond que le RQOH entend l’appel lancé par l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), qui invite la population et les institutions québécoises « à prendre l’engagement de lutter avec [les Autochtones] contre le racisme envers les Premières Nations ». Au plus haut niveau, cela pourrait se refléter par le financement adéquat de politiques du logement pour les Autochtones, par les Autochtones, en respect du Principe de Joyce qui préconise « la reconnaissance et le respect des savoirs et connaissances traditionnelles et vivantes des autochtones ». Selon L’Organisation des Nations Unies pour l’Habitat, « un logement convenable doit offrir davantage que quatre murs et un toit ». En effet, le milieu culturel doit être respecté : « le logement n’est pas convenable si l’expression de l’identité culturelle des occupants n’est pas respectée et prise en compte ».

Dans ce sens, le RQOH salue les initiatives de groupes du secteur, par exemple l’organisme Projets Autochtones du Québec, un membre de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal, qui dispose de 16 appartements-studio de transition à Montréal, ou le Centre d’amitié autochtone de Val-D’Or dont le projet Kijaté comporte 24 unités de logement social pour familles autochtones.

La Société immobillière du Regroupement des Centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ) a également de nombreux projets dans ses cartons, dont celui qui est en train d’être érigé sur le terrain du Cégep de Sept-Îles, une résidence pour étudiants autochtones de 32 unités dans cinq bâtiments construits autour d’une cour intérieure.

De son côté, la Fédération régionale des OBNL d’habitation de Québec et Chaudière-Appalaches (FROHQC) est impliquée avec le le Centre d’amitié autochtone de Québec (qui n’est pas membre du RCAAQ), en participant notamment à une démarche de reconnaissance, de valorisation « des savoirs et des pratiques autochtones » dans l’habitation communautaire en milieux urbains. L’objectif à long terme est de « créer un milieu de vie autochtone » qui prenne en compte « une santé durable, globale et environnementale » et à « renverser la triple aliénation identitaire, culturelle et territoriale par un processus favorable à l’autodétermination et à la justice sociale ».

La Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et de l’Estrie avait elle aussi développé des alliances en concluant une entente avec les services sociaux de Kahnawake pour assurer le soutien communautaire de locataires issus de la communauté autochtone. En raison d’un changement de cap des autorités subventionnaires, le projet n’a malheureusement pas vu le jour comme prévu, mais gageons que les ponts établis trouveront d’autres débouchés…

[1] Données du Caucus autochtone de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU).