Nos immeubles sont là pour offrir des services de manière perpétuelle. Au Québec, certains projets d’OSBL d’habitation ont aujourd’hui plus de cent ans. Il faut absolument que l’essentiel de ce que nous avons construit depuis 25 ans puisse au moins atteindre cette marque ! Pour passer à travers les épreuves que le temps impose et tirer toute la valeur potentielle des projets, il importe de leur garantir un fonctionnement et une gestion de qualité.
Trois enjeux principaux doivent être considérés pour garantir la survie d’un projet d’habitation communautaire : l’aspect matériel, la gouvernance et les finances.
L’habitation se définit d’abord par un espace physique. Il importe donc dans un premier temps de garantir que les projets développés restent en bon état et bénéficient des soins appropriés pour leur permettre de maximiser leur durée de vie utile et constituer un investissement rentable.
Il existe un très vaste consensus au sein de l’industrie immobilière que la manière la plus efficace et la plus économique de préserver un parc immobilier à long terme passe par la réalisation périodique d’un bilan de santé immobilier (BSI) et d’un plan pluriannuel d’intervention (PPI). Ce consensus est tellement fort que le gouvernent a imposé par des lois, au cours de la dernière année, cette pratique aux condominiums et aux coopératives d’habitation. La SHQ a choisi de son propre chef de mettre en place cette procédure pour le parc HLM il y a déjà 10 ans. De plus, cette exigence est présente dans les conventions des OSBL du parc fédéral.
Il faut imposer des BSI et des PPI aux OSBL-H issus des programmes de la SHQ et, puisque les frais des BSI ne sont pas prévus au budget d’exploitation, il faut aussi fournir une source de financement pour couvrir les frais engendrés par cette activité.
Les OSBL d’habitation se distinguent du logement public et coopératif par l’ampleur de l’engagement communautaire qu’il suscite au sein de la population (10 000 bénévoles à travers le Québec) et la diversité de l’offre de services spécialisés qu’il présente (femmes victimes de violence, familles monoparentales, personnes handicapées, toxicomanes, personnes souffrant d’isolement, de désaffiliation sociale, etc.). La portée de l’action des OSBL-H dépasse largement l’offre de logements au sens strict.
Cette caractéristique est sans nul doute une force pour notre mouvement, car elle démontre une adéquation entre les besoins du milieu et notre action. Mais la diversité et l’ampleur du mouvement font qu’il faut consacrer une énergie décuplée pour garantir l’arrimage des exigences propres au monde de l’habitation avec ceux de la mission sociale spécifique de chaque projet. Pour atteindre les standards de gouvernance requis, nous suggérons une approche structurée en trois types d’intervention, soit la formation, l’accompagnement et la validation.
Il importe de s’assurer que chaque gestionnaire, chaque administrateur impliqué dans nos projets puisse bénéficier de la formation nécessaire pour accomplir correctement les mandats qui lui sont confiés.
Au total, de 15 000 à 20 000 personnes ont des responsabilités au sein des projets OSBL. De la gestion financière à la gestion immobilière en passant par la gestion sociale, les exigences requises pour assurer le bon fonctionnement des projets sont fort diversifiées et ne peuvent être traitées de manière secondaire. Un véritable programme de formation structuré, rigoureux et en constant renouvellement est nécessaire : les normes (certifications, code du bâtiment, exigences comptables, etc.), les objectifs et les cibles évoluent constamment et sont de plus en plus complexes. De plus, notre mouvement connaît à la fois un phénomène de croissance (il y a de plus en plus de projets) et un taux de roulement du personnel et des bénévoles qui exige de répéter la formation avec chaque nouvelle cohorte.
Le RQOH propose donc de définir un important programme de formation à l’intention des gestionnaires, salariés et administrateurs du logement communautaire. Celui-ci devra entre autres prévoir à la fois des moyens pour l’offre de formation, mais aussi garantir que les personnes et les groupes cibles aient accès aux ressources nécessaires pour suivre ces formations.
En dépit d’une formation adéquate, une crise pourrait être provoquée par un sinistre, un vice de construction, un mauvais fonctionnement administratif, une gouvernance inadéquate ou des erreurs de gestion entraînant des problèmes financiers. En temps de crise, les groupes ont besoin d’un accompagnement particulier pour leur permettre de la surmonter.
La perspective de facturer les services offerts aux membres en situation de crise ne nous semble pas adéquate. D’abord parce que très souvent les crises vécues par les groupes ont généralement une composante financière. Les groupes hésitent donc à augmenter leurs dépenses pour obtenir des services d’accompagnement et consacrent leur argent aux problèmes auxquels ils font face (travaux, remboursement de dettes, etc.). L’accès à un service gratuit rend celui-ci plus facile à envisager. Il est aussi nécessaire de reconnaître qu’effectivement, les groupes en situation de difficulté ont peu de ressources. Facturer les services d’accompagnement a comme effet d’accroître le niveau de difficulté de la crise que l’on cherche à résoudre.
Il est donc clair pour le RQOH que les services d’accompagnement devraient être offerts par les fédérations régionales et que celles-ci devraient recevoir un financement conséquent pour qu’elles puissent remplir correctement leur mission.
L’autre problème c’est que généralement les fédérations régionales sont informées trop tard des situations difficiles et que, trop souvent, les responsables du suivi des projets à la SHQ n’ont pas le réflexe de diriger les groupes en difficulté vers les fédérations. Le RQOH réclame qu’une directive claire soit émise pour que, de manière systématique, tous les dossiers d’OSBL-H en difficulté soient signalés aux fédérations régionales et que les OSBL-H en question se voient imposer l’obligation de se référer aux fédérations pour élaborer et mettre en œuvre des mesures de redressement.
Le RQOH souhaite également mettre en place un mécanisme de protection à long terme des immeubles de type OSBL. Même si, au moment de signer une convention de projet entre la SHQ et un OSBL-H, il semble que 35 ans représentent une éternité, le temps finit par passer et les conventions arrivent éventuellement à échéance. Le RQOH souhaite donc la collaboration de la SHQ pour mettre sur pied une fiducie responsable de protéger les projets au-delà de la phase « conventionnée » de leur existence.
Si la formation permet diminuer les probabilités de faux pas et que l’accompagnement permet les redressements, la validation sert à détecter les problèmes avant qu’ils ne fassent surface. Un bon système de validation permet d’ajuster la formation spécifique dont peut avoir besoin un OSBL-H et réduit le nombre et l’ampleur des dossiers qui auront besoin d’accompagnement.
Le RQOH propose deux mécanismes distincts, mais complémentaires, de validation.
Le RQOH souhaite être associé à la création et à l’opérationnalisation du nouveau système de suivi des conventions que la SHQ est en train de créer. Les résultats de suivi des conventions des OSBL-H doivent être partagés avec les fédérations régionales afin qu’elles interviennent de manière proactive auprès des groupes dès les premiers signaux de difficultés.
Le second élément de validation que le RQOH propose est d’assumer la gestion des PSL en OSBL-H. En effet, outre les rapports annuels remis à la SHQ à la suite d’audits externes, les demandes de fonds liées aux PSL en OSBL-H constituent probablement le meilleur indicateur précoce pour déceler un mauvais fonctionnement administratif. Le fait qu’un groupe néglige de respecter le calendrier de remboursement d’un PSL, qu’il ait un taux de roulement de locataires trop élevé ou soit systématiquement aux prises avec des logements vacants compte certainement parmi les signaux qui devraient mettre la puce à l’oreille d’un bon système de validation.
Le fait de positionner le RQOH comme une composante du mécanisme de distribution des fonds aurait comme conséquence de faciliter le dialogue entre l’OSBL-H et le RQOH. Les liens humains et organisationnels s’en trouveraient renforcés et cela rendrait plus naturel pour l’OSBL-H le fait de signaler des difficultés et demander de l’aide de manière préventive. Actuellement, pour l’essentiel, les OSBL-H doivent établir ce type de rapport avec les OH, qui eux n’offrent pas le suivi que nous envisageons ici. Pour le RQOH il est clairement inadéquat et inefficace que ce soit la structure administrative d’une autre tenure qui entretient ce type de relation avec les OSBL-H. Cette mesure, qui ne coûte rien à la SHQ, est particulièrement facile à mettre en place au moment où les OH sont en pleine restructuration.
Les programmes gouvernementaux d’appui au logement communautaire sont caractérisés par d’importants investissements financiers. Au fil des ans, on peut estimer que l’aspect construction du programme AccèsLogis à lui seul représente pour la SHQ des déboursés de plus de 2 milliards $ et des garanties de prêts de plus de 5 milliards. Les dépenses d’intérêts et de PSL pour leur part totaliseront au minimum 15 milliards $ d’ici 35 ans. Les considérations financières doivent donc être prises au sérieux et il importe de s’assurer que les efforts financiers de l’État, des communautés et des locataires soient protégés et gérés de manière efficace, le tout en gardant à l’esprit que le principal objectif de tous ces investissements est de favoriser le droit à un logement décent et abordable au plus grand nombre possible de Québécois et de Québécoises.
Pour garantir la pérennité financière des projets d’habitation communautaire, trois outils majeurs doivent être mis en place.
Jusqu’à tout récemment, la SHQ utilisait le mécanisme de provisions pour pertes et garantie de prêts (PPGP) pour venir en aide aux projets confrontés à des difficultés graves et pour lesquels seule l’injection de capitaux supplémentaires offrait une planche de salut. Malheureusement, la SHQ considère qu’il n’est plus possible d’utiliser le PPGP à cette fin. Cependant, cette décision n’a pas pour effet de faire disparaître les problèmes !
Bien que relativement rare d’un point de vue statistique, chaque année quelques projets sont destinés à disparaître s’ils ne bénéficient pas d’un apport de capitaux supplémentaires. Chaque fois, il importe de faire une analyse complète du dossier et de s’assurer que cette mesure ne revient pas simplement à « brûler » encore plus d’argent pour un projet qui ne sera jamais viable. Dans bien des cas pourtant, une contribution exceptionnelle représentant souvent moins de 10 % du coût de construction peut sécuriser un projet en péril.
Ce choix est souvent le meilleur si on considère que la disparition de ces projets coûte généralement plus cher à la SHQ (via le PPGP) que l’investissement requis pour sauver celui-ci. Si on ajoute à cela le coût social associé à la perte d’unités locatives communautaires, on arrive vite à la conclusion qu’il est impératif de créer un Fonds de stabilisation du logement communautaire. Ce fonds serait appelé à intervenir lorsque les autres mesures de redressement (baisse des coûts d’exploitation, augmentation des revenus, emprunt sans intérêts au FQHC, accompagnement par la fédération régionale, etc.) s’avèrent insuffisantes.
Selon les analyses et les enquêtes faites par le RQOH, l’ensemble des OSBL-H (le parc fédéral et provincial) ont actuellement un total de près de 200 millions $ en réserves. Cette somme est importante même si le RQOH constate depuis longtemps que les programmes ACL et LAQ ont des budgets d’exploitation trop modestes et que les réserves de remplacement prévues dans ces programmes sont mal structurées et insuffisantes.
En mutualisant les réserves des projets, il serait possible d’obtenir de meilleurs rendements sur celles-ci. Pris isolément, chaque projet a des réserves insuffisantes et doit donc conserver cet argent sous une forme liquide ou quasi liquide pour être capable de faire face aux éventuels problèmes (travaux d’urgences, sinistres, vacances imprévues, variation du taux hypothécaire, etc.). Cette gestion conservatrice et prudente est indispensable dans l’ordre actuel des choses, mais elle n’offre pratiquement aucun rendement.
L’immense majorité des groupes n’ont pas besoin (fort heureusement !) de vider leur réserve chaque année. En procédant à la mutualisation des réserves, il serait possible de négocier de meilleurs rendements pour tous les groupes tout en permettant quand même aux groupes confrontés à des dépenses imprévues d’avoir accès aux liquidités nécessaires. De plus, la mutualisation permettrait de vérifier que les réserves prévues aux conventions sont bel et bien constituées en argent sonnant et non pas le simple fait de jeux comptables.
En conséquence, le RQOH propose de mettre sur pied un mécanisme de gestion des réserves mutualisé pour les OSBL-H. Il faut préciser que ce mécanisme ne vise pas à créer une réserve commune pour tous les projets ; ce dont il est question ici c’est d’un modèle inspiré des fonds communs de placement des grandes banques. Chaque déposant y possède des parts qui correspondent à sa contribution. C’est la gestion des réserves qui est mutualisée, pas leur propriété.
Cependant, puisque des centaines de groupes ont déjà signé des conventions avec la SHQ, et que ces conventions ne prévoient pas de mutualisation des réserves, nous suggérons que la SHQ prenne deux mesures distinctes : l’une pour le parc existant et l’autre pour les projets à venir. Pour ce dernier groupe, il s’agit simplement d’inscrire dans la convention l’obligation de participer à la réserve mutualisée. Pour les projets déjà existants, nous croyons que la SHQ pourrait considérablement améliorer l’intérêt de participer à ce mécanisme en s’associant à sa gestion et en offrant une garantie sur le capital des sommes versées par les groupes.
L’un des arguments importants des promoteurs du logement communautaire tient au fait que les investissements consacrés au développement des immeubles constituent une forme d’investissement qui enrichit la collectivité et constitue un actif collectif important. Pourtant, rien dans les différents programmes de la SHQ ne permet de mettre en valeur l’aspect financier des actifs développés avec ces investissements.
Pour illustrer de manière simple ce propos, il suffit de rappeler que pratiquement, les OSBL-H ne peuvent pas lever de fonds supplémentaires en mettant leurs immeubles en garantie tant que la convention liant l’OSBL-H et la SHQ n’est pas expirée. Pourtant, règle générale, pendant les 15 dernières années de cette convention, l’hypothèque garantie par la SHQ représente moins de 50 % de la valeur et même moins de 5 % les deux dernières années. Cela veut donc dire que pendant 15 ans, la convention actuelle empêche les groupes d’utiliser leur avoir propre (l’équité) pour financer des travaux de rénovation, ou contribuer au financement de nouvelles phases.
Il s’agit à la fois d’un gaspillage de ressources, d’une approche qui fragilise les groupes et d’une règle qui impose des loyers trop élevés aux locataires. C’est un gaspillage de ressources, car on prive les groupes d’un outil pour lequel ils ont payé. Cela fragilise les groupes, car cela diminue leur accès aux capitaux nécessaires pour compenser les réserves insuffisantes prévues aux programmes. Pour compenser ces effets, les groupes sont contraints de hausser les loyers, ce qui désavantage clairement les locataires.
Le RQOH demande donc que les conventions soient modifiées de manière à permettre, sous contrôle et sous conditions, aux OSBL-H d’utiliser leur avoir propre comme garantie de prêt afin de faciliter la gestion des immeubles et compenser pour les trop faibles réserves prévues aux programmes.