6 septembre 2019
Le rehaussement important des budgets de lutte à l’itinérance, qui doubleront pour atteindre 175 millions $ entre 2019-2024, est évidemment bien accueilli par les groupes intervenant sur le terrain. Les modalités de l’implantation du programme fédéral Vers un chez-soi au Québec restent à définir, mais il demeure que l’entente globale entre les deux paliers de gouvernement laisse la porte ouverte à la diversité des approches de prévention et de réduction de l’itinérance prônée par le RQOH en ce domaine.
Des points d’ombre demeurent cependant. En effet, l’accent mis sur la réduction de l’itinérance chronique de 50 % d’ici 2027-2028 pourrait être vu comme un rabaissement de l’approche généralement mise de l’avant par les intervant·e·s du Québec, comme la prise en compte de l’itinérance cachée et des problématiques liées telles la toxicomanie et la santé mentale, une approche « globale et communautaire ».
Une inquiétude sérieuse est soulevée. Comment les personnes visées par les mesures d’aide réagiront-elles à l’implantation du « système d’accès coordonné » prévu par l’entente ? Derrière l’objectif louable de documenter les actions sur le terrain, cette base de données nominative apparaît comme intrusive et démesurément bureaucratique. Pourra-t-elle être perçue comme une tentative de contrôle inacceptable dans un milieu, l’itinérance, où l’auto-exclusion est une pratique coutumière ? Comment arrimer cette exigence avec le travail de rue, forcément ponctuel et informel, qui fait la force de l’approche québécoise ?
D’autres questions sont suscitées par l’entente Ottawa-Québec. Comment la gestion par résultats pourra-t-elle prendre en compte les actions de prévention ? Quels indicateurs s’appliqueront à l’itinérance cachée, aux personnes qui ont dû vivre temporairement avec la famille, des ami·e·s, dans leur voiture ou n’importe où ailleurs, car elles n’avaient nulle part où aller ?
Le RQOH est évidemment soulagé d’apprendre que l’entente fédérale-provinciale ait été finalisée avant le déclenchement des élections à Ottawa. André Castonguay, directeur général de la Fédération régionale des OBNL d’habitation de Québec Chaudière-Appalaches (FROHQC), qui était présent au dévoilement de l’entente, a déclaré : « Le RQOH continue cependant de croire que l’itinérance est le résultat de la combinaison de facteurs sociaux et individuels complexes et, bien que le logement fasse toujours partie de la solution, celle-ci ne peut pas être envisagée que sur ce seul axe. Il faut cesser de travailler en silo. »
Selon le Réseau Solidarité Itinérance du Québec (RSIQ), qui a commenté l’entente par communiqué, « ces orientations ne s’inscrivent pas en complémentarité avec les pratiques déployées selon l’approche globale et communautaire sur le terrain et soulèvent d’importants enjeux éthiques ».
L’entente a été dévoilée par le ministre Jean-Yves Duclos à la Fondation de Lauberivière, un membre de la FROHQC. M. Gervais Darisse était également présent à Québec à titre de président de la Fédération des OSBL d’habitation du Bas-Saint-Laurent de la Gaspésie et des Îles (FOHBGI).
Photo: Coastal Elite, Flickr.