Vers une reconnaissance formelle du droit au logement
Le gouvernement du Canada a annoncé son intention d’inscrire le droit au logement dans son arsenal législatif. Quels types de recours devrait permettre la future loi pour avoir un impact réel sur les mal-logés ? Quelles mesures exigera-t-elle en matière de logements sociaux ? Quelle sera son influence sur la définition des compétences fédérales et provinciales ? Dans son élaboration, le Canada tiendra-t-il compte du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont il est signataire ?
Ce forum permettra à des législateurs, des chercheures, des intervenantes, des analystes et des praticiennes de partager leurs pistes de réflexions et d’actions dans l’optique d’une plus grande reconnaissance du logement comme un droit non négociable.
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Dès l’annonce de sa décision d’adopter une stratégie nationale en matière de logement, le RQOH a salué le fait que le gouvernement du Canada ait fixé explicitement comme objectif qu’elle assure le droit de tous les Canadiens à un logement sécuritaire, adéquat et abordable. L’élaboration et la mise en place de cette stratégie représentent ainsi une occasion unique de concrétiser et renforcer les engagements que le Canada a déjà pris en ratifiant les traités internationaux qui reconnaissent le droit au logement.
Le droit à un logement convenable est notamment reconnu comme faisant partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) précise quant à lui que le logement fait partie du « droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille », au même titre que la nourriture et un vêtement.
Une reconnaissance formelle et explicite du droit au logement ferait preuve de l’engagement à plus long terme du gouvernement du Canada et contribuerait de façon notable à assurer une action étatique en ce sens. Les mesures, programmes et investissements qui découleront de la Loi devraient permettre de faire progresser en pratique le droit au logement pour le plus grand nombre. L’enjeu de l’articulation du droit au logement et de la répartition des compétences et responsabilités entre les différents paliers de gouvernements doit être sérieusement pris en considération dans ce débat sous peine de voir l’effectivité.
Quel droit au logement?
Par droit au logement, le droit international entend une conception englobante plutôt qu’étroite, qui tient compte du rôle pivot du logement dans la capacité des personnes d’exercer pleinement l’ensemble de leurs droits fondamentaux. Ainsi, il ne s’agit pas simplement de reconnaître le droit à un abri ou à la non-discrimination dans l’accès au logement; le droit au logement inclut également les notions de pérennité, de stabilité, de qualité du tissu social, d’accès aux services et aux opportunités d’emploi, etc. Pour citer le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, il s’agit du « droit à un lieu où l’on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité ».
Dans la rédaction d’un éventuel texte consacrant le droit de tous les Canadiens et Canadiennes à un logement adéquat, sécuritaire, accessible et abordable, le législateur peut s’inspirer des observations du comité, qui identifient sept critères à prendre en considération pour déterminer si quelle forme d’habitation peut être considérée comme « suffisante » pour conclure à la réalisation effective du droit au logement :
- la sécurité légale de l’occupation;
- l’existence de services, matériaux, équipements et d’infrastructures;
- la capacité de paiement;
- l’habitabilité;
- la facilité d’accès;
- l’emplacement;
- et le respect du milieu culturel.
Pour qu’elle produise des effets concrets à court, moyen et long termes, la consécration du droit au logement devrait être accompagnée de normes et d’objectifs mesurables. Pouvons-nous envisager que le texte législatif puisse enjoindre le gouvernement à adopter des cibles précises et à faire rapport régulièrement des résultats atteints? Ainsi, la reconnaissance du droit au logement permettra de porter, de façon continue, un regard critique sur la législation et les politiques publiques, à la lumière des critères évoqués plus haut.
La reconnaissance législative du droit au logement implique, au Canada, une articulation intelligible et pratique des responsabilités et compétences respectives des différents paliers de gouvernements. Comment, dans le cadre législatif et constitutionnel, s’assurer que la reconnaissance du droit substantiel des individus au logement ne sera pas affaiblie par les conflits de compétences ?