12 mai 2019

Comment éviter les évictions pour non-paiement de loyer dans le logement social et communautaire ?

C’est la question que se sont posée plus de 150 participantes et participants à un colloque auquel le RQOH a participé au printemps.

Les pertes pour défaut de paiement existent bel et bien dans notre secteur, mais tout porte à croire qu’elles sont modestes : lors d’une enquête réalisée en 2015, la majorité des OSBL-H sondés (55%) n’avaient subi aucune perte locative durant l’année écoulée, que ce soit en raison de logements inoccupés ou de non-paiement de loyer.

Une petite enquête

Afin de réfléchir aux solutions de rechange aux évictions dans les cas de non-paiement de loyer, le RQOH a effectué une modeste enquête qu’il a menée auprès d’un bassin d’OSBL d’habitation dans différentes régions du Québec. Les résultats indiquent que parmi les mesures utilisées en cas de non-paiement :

  • 90 % des organismes proposent des ententes de paiement.
  • 48 % offrent un suivi et un accompagnement personnalisé.
  • 43 % réfèrent les locataires en difficulté à une ressource externe (ex. : organisme communautaire en planification budgétaire, intervenant social).
  • 18 % ont établi un partenariat avec un organisme tiers pour faciliter le paiement des loyers (ex. : un service de fiducie volontaire).
  • 53 % recourent au besoin à la Régie du logement (RDL).

Une recherche dans les registres de la RDL a permis d’établir qu’en 2018, sur les 1 250 OSBL-H du Québec, 95 se sont adressés à ce tribunal pour un total de 597 recours. Parmi eux, 18 organismes (19 % des demandeurs) sont à l’origine de 69 % des recours, soit 413 demandes. Ces 18 organismes (1,5 % des OSBL-H) possèdent 8 274 logements, soit 19 % du parc de logements permanents sans but lucratif.

C’est donc dire que la grande majorité des recours à la Régie est le fait d’organismes possédant un grand nombre de logements. Est-ce simplement une corrélation ou s’il s’agit d’une relation de cause à effet ? Difficile à dire sans des recherches plus poussées, mais on constate que les organismes de plus petite taille situés dans de modestes communautés en milieu rural semblent plus en mesure d’établir une relation de proximité avec leurs locataires plus vulnérables et ont rarement besoin de recourir à la Régie du logement.

Quoi qu’il en soit, sur les 597 recours entrepris, 457 (77 %) se sont conclus par une ordonnance de résiliation de bail et d’expulsion. Dans au moins 62 cas, la totalité des loyers dus a été payée avant ou à l’audience. Généralement, à la suite de l’émission d’une ordonnance, 42 % des organismes disent exécuter la décision, alors que 13 % proposent systématiquement une entente de « dernière chance » aux locataires concernés. Pour les 45 % restants, c’est du cas par cas et ça ne se termine pas nécessairement par une éviction.

Fait à noter, 36 % des organismes qui ont participé à l’enquête menée par le RQOH affirment ne pas disposer des ressources suffisantes pour gérer les situations de non-paiement de loyer et la majorité estime que la disponibilité de ressources additionnelles en soutien communautaire aiderait à prévenir ces situations et à diminuer le nombre de recours à la Régie du logement et d’évictions.

Conclusions

En vertu de sa mission et de sa nature, l’habitation communautaire (tant OSBL que coop) apparaît comme plus « accommodante » que le secteur des OMH et, bien entendu, celui du logement locatif privé.

Pour les personnes les plus vulnérables, et surtout pour les personnes qui vivent avec plusieurs problématiques (santé mentale, jeu compulsif, toxicomanie, etc.), l’option des « fiducies volontaires » retient l’attention. C’est une méthode qui permet au locataire de recourir à un organisme communautaire pour lui confier son argent et établir avec lui une répartition budgétaire répondant à ses besoins.

Outre une série de mesures d’ordre juridique ou administratif, les meilleurs moyens pour aider les populations vulnérables à payer leur loyer résident dans les grandes politiques susceptibles d’améliorer la sûreté et le niveau de vie des personnes. Parmi celles-ci :

  • Le respect de la Politique nationale de lutte à l’itinérance et l’instauration de mesures pour prévenir la « mise à la rue » de ménages éprouvant des difficultés à payer leur loyer.
  • Un meilleur financement récurrent du soutien communautaire en logement social.
  • La création d’un Fonds national pour effacer les dettes de loyer de personnes à risque d’itinérance ou éprouvant des problèmes de santé mentale.
  • La mise en place de véritables politiques de lutte à la pauvreté, en particulier la garantie d’un revenu décent pour tous et toutes : bonification de l’aide sociale, un salaire minimum à 15 $, etc.
  • Un réinvestissement public dans le domaine de la santé et des services sociaux, en particulier en matière de santé mentale.

Voyez la présentsation de notre enquête

Le colloque « Éviter les évictions pour non-paiement de loyer dans le logement social et communautaire » était organisé par la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ).