1 février 2015
Observée depuis les années 1960, la gentrification est un phénomène qu’on a surtout associé à la ville. Mais avec l’engouement pour la campagne et la recrudescence des néo-ruraux, l’appellation « gentrification rurale » a désormais fait son entrée dans le vocabulaire.
« La gentrification, ça n’a pas de bon pour nous, fait valoir Gervais Darisse, maire de Saint-André-de-Kamouraska. C’est bon juste pour ceux qui vendent leur maison. » Il explique qu’à Kamouraska, le village voisin du sien, toutes les maisons qui se vendent sont achetées par des retraités de Montréal et de Québec et sont transformées en maisons d’été. « Aucun jeune ne peut se payer une maison à ce prix-là. » Cela n’est pas sans conséquence : l’hiver, l’épicerie est fermée et on peine à trouver des gens pour l’équipe de hockey. À Saint-André-de-Kamouraska, on a pris certaines mesures afin d’éviter cette situation. « Quand une vieille maison est mise en vente, on envoie vite les plus jeunes du coin pour l’acheter », explique Gervais Darisse qui vante aussi l’apport du logement social. Il s’agit en effet d’un excellent levier pour attirer les investisseurs en leur garantissant une population permanente, mais aussi d’un bouclier contre la spéculation immobilière. « Des nouveaux acheteurs, propriétaires depuis 2-3 ans, s’étonnaient que les prix ne montent pas plus vite lorsqu’est venu le temps de revendre leur maison pour en tirer profit. » Pour l’instant, un OSBL de 52 logements pour personnes âgées (65 locataires) est en service à Saint-André et un autre volet est en développement : 8 logements pour familles et personnes seules. « C’est là un excellent outil pour retenir les vieux, affirme Gervais Darisse, et éviter leur exode vers les villes comme Rivière-du-Loup. »
Actuellement, on assiste dans plusieurs régions à ce qui présente des caractéristiques de l’embourgeoisement : hausse du prix foncier, écart des revenus et du niveau d’éducation entre les anciens et les nouveaux habitants, demande (et offre) de nouveaux biens et services qui remplacent souvent les anciens (ex. cafés, épiceries spécialisées, ressources communautaires répondant aux besoins des nouvelles populations…) Les impacts sont autant culturels (ex. clivages entre néo-ruraux et ruraux) que démographiques et sociocommunautaires (ex. installation difficile des jeunes familles à cause de la pression immobilière), environnementaux (ex. tension entre projets de développement et sauvegarde du patrimoine immatériel) et économiques (ex. spéculation immobilière).
Hélène Bélanger, professeure à l’Université du Québec à Montréal, explique qu’il existe deux grandes catégories de processus entourant la gentrification. Une première est l’agrégation de décisions individuelles pour la réhabilitation de logements, c’est-à-dire que la nouvelle population personnalise physiquement son logement en fonction de ses visées propres. Cette nouvelle vague de locataires ou propriétaires influe sur l’arrivée de nouveaux commerces et services et donc, de nouveaux arrivants. La gentrification est aussi caractérisée par l’investissement immobilier qui suit une période de « désinvestissement ». Cette réhabilitation ou revitalisation d’un quartier donné s’adresse à une population plus fortunée. Dans les deux cas, comme effet collatéral, il y a remplacement et déplacement d’une population par une autre population.
« Les OSBL d’habitation sont importants pour les gens moins favorisés de notre société et ils participent à établir un équilibre dans l’offre du logement », explicite Mme Bélanger. Mais pour cela, précise-t-elle, il faut que les subventions gouvernementales suivent. Cela est un peu étonnant, mais il faut encore insister sur ce point : les OSBL d’habitation permettent d’éviter le déplacement de la population en garantissant à ses tranches les plus vulnérables, celles qui n’ont pas de liberté de mouvement, un logement décent et abordable dans leur milieu (tant en ville qu’en campagne!) »