À l’occasion du départ à la retraite de notre collègue Jacques Beaudoin, nous avons souhaité lui poser quelques questions pour lui permettre de faire un bilan de son expérience de neuf années dans l’équipe du RQOH. Voici l’essentiel de cet échange.
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> Peux-tu nous rappeler les circonstances de ton arrivée au RQOH ?
J’ai été recruté au poste de responsable de la recherche et de la formation par celui qui était alors le directeur général du RQOH, Stéphan Corriveau. Stéphan était une connaissance de longue date et nous avions eu l’occasion de reprendre contact, lui et moi, alors qu’il complétait sa maîtrise en droit à l’UQAM et rédigeait son mémoire sur la réforme des tribunaux administratifs en assurance-chômage imposée par le gouvernement Harper.
Je travaillais alors comme avocat au Mouvement Action-Chômage de Montréal et j’étais impliqué au Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi – le regroupement qui menait la lutte contre ce que le mouvement syndical et les organismes communautaires avaient qualifié de « saccage de l’assurance-chômage » par les conservateurs. Ça avait été l’occasion d’une collaboration fructueuse entre Stéphan et moi. Lorsque le poste de responsable de la recherche et de la formation s’est ouvert au RQOH, dont il venait de prendre la direction en 2014, c’est tout naturellement que Stéphan m’a suggéré de soumettre ma candidature.
> Quels ont été les faits marquants de ton intégration au Réseau ?
Ce qui m’a frappé, d’abord, c’est la diversité des enjeux et du secteur du logement social et communautaire. Ça m’a pris un bon trois mois, et encore, pour assimiler l’historique et les caractéristiques des divers programmes qui ont marqué son évolution depuis le début des années 1970, ainsi que les dynamiques qui animent ses parties prenantes : les regroupements du secteur communautaire, les partenaires institutionnels, les rapports entre les instances régionales et nationales, et ainsi de suite.
J’avais une vision et une compréhension plutôt « macro », de l’extérieur, des enjeux en habitation : l’importance du droit au logement, la place du logement social pour le réaliser, etc. Le logement m’était toujours apparu comme un enjeu fondamental – je me rappelle avoir assisté dès l’automne 1980 à ma première assemblée du FRAPRU, à Montréal, pour le lancement d’une campagne sous le thème « Des quartiers où nous pourrons rester » – mais je ne savais pas à quel point les enjeux étaient complexes.
À mon arrivée en janvier 2015, le conseil d’administration avait déjà décidé d’organiser une tournée de formation qui devait avoir lieu au printemps, en collaboration avec les fédérations régionales; sa planification fut donc l’un de mes premiers mandats. Cette tournée, que l’on a réalisée avec succès, m’a permis de faire le tour des fédérations, de rencontrer leurs équipes respectives et surtout, d’échanger avec des douzaines de personnes impliquées sur le terrain dans la gestion et l’administration des OSBL d’habitation. Ce genre d’activités, telles les assemblées générales des fédérations, les rencontres avec les organismes de base, le colloque bisannuel avec ses centaines de participantes et participants, c’est certainement ce qui m’a procuré la plus grande satisfaction durant mon parcours au RQOH.
C’est clair, pour moi, qu’on ne reconnaît pas assez à quel point le secteur du logement communautaire fait la différence au Québec. Imaginez quelle serait la situation si les 55 000 ménages qui ont trouvé un toit en logement sans but lucratif n’avaient pu ou ne pouvaient bénéficier de cette option! La crise du logement serait encore bien plus désastreuse.
Dans le cadre de mes fonctions comme directeur des affaires publiques et juridiques, je devais écouter régulièrement les débats à l’Assemblée nationale – ce dont je ne m’ennuierai pas vraiment… – et je dois dire que j’ai trouvé extrêmement dérangeants certains propos entendus dans la dernière année, entre autres de la part de la ministre Duranceau, qui évoquaient le « manque de professionnalisme » du secteur communautaire, pas aussi « performant », entendait-on, que le secteur privé. Pour moi, ça manquait de respect pour les milliers de bénévoles, dans toutes les régions du Québec, qui tiennent à bout de bras un secteur essentiel au bien-être de la population.
> Justement, comment évalues-tu l’action des gouvernements en matière d’habitation ?
À Québec, au cours des neuf dernières années, elle m’est constamment apparue inadéquate. En 2015 et 2016, le logement social a subi durement les mesures d’austérité du gouvernement libéral. Je lisais, il y a quelques jours, les propos de l’ancien premier ministre Philippe Couillard qui affirme qu’il a « ralenti la croissance des dépenses de l’État, mais ne les a pas diminuées ». Disons les choses franchement : en matière d’habitation sociale, c’est faux!
Alors que bon an mal an, le budget du gouvernement du Québec allouait la somme de 252 millions de dollars au programme AccèsLogis, autant sous les gouvernements Charest et Marois, cet investissement a été coupé de moitié, à 126 millions $, pendant deux années consécutives en 2015 et 2016. La vérité est que de toutes les missions de l’État, AccèsLogis a été le programme le plus durement touché par les mesures d’austérité, toutes proportions gardées. Et on paye encore aujourd’hui pour ces décisions, alors que le retard dans la réalisation des projets n’a pas encore été rattrapé.