7 novembre 2022
L’été dernier, l’Alliance canadienne de l’autisme publiait un rapport doublé de recommandations concernant le logement pour les personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme (ci-après « TSA ») au Canada. Intitulé « Housing through an Autism Lens », ce rapport est le produit de travail d’un groupe de recherche mis sur pied par l’Alliance, dont l’objectif est de conseiller les décideurs et experts au niveau fédéral sur les actions à prendre en matière d’habitation pour la population TSA.
Rappelant qu’1 personne sur 66 au Canada a un diagnostique TSA, le document fait plusieurs constats quant à la situation de logement de ces personnes. Premièrement, la majorité d’entre elles résident avec leur famille, qui constitue la source première de support. Deuxièmement, il y a 2 « falaises » ou points critiques dans la durée de vie d’une personne TSA en matière d’habitation : le premier est entre 18 et 30 ans et est caractérisé par un manque de logements abordables, et le deuxième est entre 50 et 55 ans, lorsque les proches aidants ne peuvent plus assumer les responsabilités qui assurent un maintien à domicile de la personne.
En considérant abordable le loyer qui n’excède pas 30% du revenu brut, le rapport note que pour une personne canadienne en situation TSA et bénéficiaire de prestations d’invalidité, le loyer abordable est de… 500$! Soit bien en-deçà de la réalité du marché.
Cet automne, une enquête journalistique du quotidien Le Devoir a jeté un peu de lumière sur la situation de logement des personnes DI-TSA au Québec, tant dans les établissements publics que privés. Un balado et une myriade d’articles ont ensuite été publiés, dont cette excellente lettre : Reculs massifs pour les personnes en situation d’handicap. Ces textes rapportent des histoires personnelles et des informations d’ordre social qui font écho au rapport de l’Alliance.
On relève qu’arrivées à l’âge adulte, les personnes DI-TSA ont des options mésadaptées de logement : il s’agit fréquemment de CHSLD, mais aussi de ressources de type familial et de ressources intermédiaires. Ces milieux de vie ne sont généralement pas appropriés pour les personnes DI-TSA. D’abord parce que les personnes DI-TSA ne sont ni en fin de vie, ni en besoin de réadaptation, mais en santé et en besoin de soutien pour bénéficier de leur autonomie en toute sécurité et inclusivité sociale/communautaire. Les besoins de soutien sont très diversifiés d’une personne à l’autre, et tant l’identification que la dispensation des services pertinents relèvent d’une expertise autre que celle déployée dans les CHSLD, RTF et RI pour les autres clientèles. Ces établissements n’ont pas d’obligation de formation pertinente pour cette population.
De plus, le financement des services aux personnes DI-TSA en situation de logement privé est déterminé sur la base d’un per diem déterminé par une « cote d’usager » renvoyant au degré d’autonomie de la personne. Cela signifie malencontreusement que lorsqu’une personne DI-TSA progresse dans son autonomie, on soutire le financement à l’organisme, qui doit alors couper dans l’environnement (matériel et humain) qui a permis cette avancée. Cela est peut-être sensé en réadaptation : lorsque la personne s’est « rétablie », le service n’est plus requis, ni son financement. Ce n’est évidemment pas le cas du soutien aux personnes DI-TSA.
Sans surprise, à cette situation critique s’ajoutent également : la pénurie de main-d’œuvre, l’insuffisance du nombre de ressources pour loger les 40 000 personnes en situation DI-TSA du Québec, et l’insuffisance chronique du financement du secteur (le per diem étant en-deçà de la réalité des coûts) qui s’aggrave et s’aggravera encore avec l’inflation.
Nous notons que plusieurs des constats soulevés dans ces articles s’appliquent également à la situation des personnes TCC (traumatisme craniocérébral) et à certains égards des personnes ayant une déficience physique lourde. Aussi, nous regrettons dans ces articles l’absence de mention de ressources privées à but non lucratif : selon les données du RQOH, il y aurait près de 70 OSBL-H desservant ces personnes au Québec! Plutôt, le portrait des ressources privées pointe une poudrée de cas de maltraitance, un contrôle inefficace des CISSS/CIUSSS et une finalité lucrative qui les rend opaques.
À tout le moins, certaines personnes sonnent l’alarme, et elle résonne dans l’espace public, même si certaines oreilles sont trop affairées. Lorsqu’il est question de changement social, il faut parfois que ça aille très mal, pour qu’on réalise comment ça pourrait aller mieux. Avec la mise sur pied d’un réseau-ressources pour OSBL d’habitation œuvrant auprès des personnes et familles DI-TP-TSA-TCC, le RQOH espère profiter de cette ouverture dans le discours public, de ce momentum, pour faire avancer les structures sociales entourant l’habitation de ces personnes.