17 décembre 2020
C’est avec stupéfaction que la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM) et le Réseau québécois des OSBL d’habitation (RQOH) ont appris la nouvelle que le gouvernement du Québec prêtera 30 M$ l’entreprise Sonder, une entreprise qui se spécialise dans la location de logements à court terme. Il est pourtant de notoriété publique, et ce depuis des années, que les dispositifs commerciaux de type Airbnb ou autres, dont le modèle d’affaires repose sur la location d’appartements résidentiels à des touristes ou gens d’affaires, sont un facteur important de la rareté de logements abordables disponibles pour les ménages à faible revenu. À Montréal seulement, c’est déjà plus de 10 000 logements qui sont offerts via Airbnb et qui sont soustraits du marché locatif, pendant que 23 000 ménages figurent sur la liste d’attente d’un logement de l’OMHM.
Le phénomène des réno-victions, la hausse généralisée des loyers (plus de 40 % en moyenne depuis 15 ans à Montréal), la gentrification de certains quartiers résidentiels sont à mettre en parallèle avec les prix faramineux observés dans de plus en plus d’appartements des grands centres, installés en partie dans des secteurs à dominante résidentielle.
Invoquer la création de 700 emplois « bien payés » dans la métropole apparaît comme de la poudre aux yeux à la lumière des nombreux antécédents d’entreprises apatrides qui ont tôt fait de presser le citron des avantages fiscaux consentis par les gouvernements avant de s’envoler vers d’autres cieux. Loin de ce miroir aux alouettes, les emplois créés par la construction et l’exploitation de logements locatifs sans but lucratif ne sont pas des emplois passagers ou migrateurs : ils viennent renforcer le tissu social dans lequel ils s’insèrent.
Qui plus est, sur le plan des impacts économiques, le Québec serait beaucoup mieux servi par un investissement massif dans la construction de nouveaux logements sociaux et communautaires. Le gouvernement lui-même, dans ses propres études, affirme que les subventions de la Société d’habitation du Québec génèrent des activités économiques de plusieurs fois supérieures à la valeur de chaque dollar investi ou prêté. Et, au lieu de contribuer en connivence avec Sonder et consorts à la dégradation des conditions de logement des Québécois·es, le gouvernement se trouverait ainsi à améliorer le sort des locataires.
Avec cette annonce, le gouvernement envoie un message équivoque quant à ses priorités en matière d’habitation. En effet, au-delà du saupoudrage de bonbons à des « start-up » en vogue, on saisit mal comment le gouvernement du Québec entend juguler la crise de logement, à quel moment il entend rendre disponibles aux développeurs de logements sociaux et communautaires les sommes qu’Ottawa vient de mettre à sa disposition et, surtout, pourquoi tarde-t-il tant à lancer le grand chantier de construction de logements abordables que des dizaines de milliers de ménages québécois attendent depuis des années.
« Aujourd’hui, je me paie la traite », a imprudemment déclaré le premier ministre François Legault en faisant l’annonce de ce soutien à l’entreprise Sonder. Les ménages à revenus faibles ou moyens ne veulent pas « se payer la traite »; ils veulent simplement exercer leur droit à un logement convenable et sécuritaire, à un prix qui n’exercera pas une pression telle sur leurs finances qu’ils doivent couper ailleurs dans leurs dépenses essentielles.
Chantal Desjardins, directrice générale de la FOHM
Chantal Desfossés, directrice générale du RQOH