Dans un rapport émis en janvier dernier, la Banque Scotia témoigne de la fragilité de l’abordabilité du logement au Canada. Elle indique que les failles dans la coordination des politiques maintiennent le déséquilibre, en dépit du ralentissement de la hausse des coûts.  

Si la bonification générale de l’offre est nécessaire au redressement, les mises en chantier ne suffiront pas à restaurer l’équilibre. Le nombre de ménages pour lesquels le prix du marché ne sera jamais abordable est important. 1,5 M d’entre eux ont des besoins impérieux en matière de logement et pas moins de 250 000 sont sans logis. 

La Banque Scotia indique qu’il faudrait doubler l’offre de logement social pour entamer une stabilisation du marché. Il représente actuellement un maigre 3,5 % du total, alors que les listes d’attente s’allongent sur plusieurs années.  

Un plaidoyer moral et économique en faveur du logement social 

Selon le rapport, « le plaidoyer moral en faveur de l’urgence d’étoffer le stock anémique de logements sociaux au Canada n’a jamais été aussi impérieux ». Cette bonification de 50 % permettrait de rattraper l’écart avec les pays comparables de l’OCDE et des pays du G7.  

Par ailleurs, les mesures économiques annoncées pour aider les ménages ne sont guère encourageantes, compensant à peine la flambée du coût de la vie.  

L’institution financière rappelle que la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime qu’il faudrait augmenter l’offre de logements abordables de 3,5 millions, afin d’atteindre l’équilibre d’ici 2030.  

La Stratégie nationale sur le logement est un vecteur essentiel, mais son financement ne suffit pas à soutenir adéquatement le stock de logements au Canada. Le Bureau du vérificateur général a aussi relevé des failles dans son exécution. 

L’accès à la propriété est devenu un rêve inaccessible pour bon nombre de Canadiens. Le coût moyen d’un logement représente désormais sept fois le revenu annuel disponible des ménages. Cela augmente évidemment la pression sur le marché locatif, si bien qu’un ménage sur trois loue aujourd’hui un logis. En 2021, le tiers des ménages locataires consacrait plus de 30 % de leurs revenus à se loger, dépassant le seuil baromètre de l’abordabilité. En outre, ce chiffre tient compte de l’aide au logement dont bénéficiait 12 % d’entre eux.  

Selon le site Rentals.ca « la moyenne nationale des loyers a crû de plus de 12 % sur un an — et frôle les 25 % sur un an dans les marchés majeurs comme Toronto et Vancouver ». À cette pression s’ajoute le fait que les frais de logement ont augmenté de 17,6 % entre les deux derniers recensements.  

Des besoins impérieux en logement 

Il n’existe pas de solution pour les ménages ayant des besoins impérieux en logement. Que ce soit au niveau de l’abordabilité, de la qualité ou de la taille du logis, 10,1 % des ménages répondaient à cette définition en 2021. On soupçonne que ce nombre a augmenté depuis, puisque les programmes d’aide financière déployés durant les premières phases de la pandémie ont garni le portefeuille des ménages du quintile des revenus les plus faibles.  

Le flux migratoire a aussi augmenté depuis la réouverture des frontières, ce qui accroît la demande en matière de logement abordable. Les nouveaux arrivants sont très fragilisés par les problèmes d’abordablité.  

La SCHL a introduit, en 2020, une mesure des difficultés de logement, qui évalue les revenus résiduels des ménages une fois le loyer acquitté. Si cette mesure est prometteuse, elle n’a pas été actualisée depuis. La flambée du coût de la vie a sans doute détérioré le portrait global de celle-ci.   

On note également qu’à l’exception de l’Alberta et l’Île du Prince-Édouard, les loyers de la frange de locataire du quintile de revenus les plus faibles dépassent le seuil d’abordabilité de 30 %, même avec un logement social. C’est également le cas de ceux du deuxième quintile le plus faible en regard des coûts du marché, et ce, dans l’ensemble du pays. 

Même le Fonds national de co-investissement, qui permet la construction ou la rénovation des logis pour maintenir leur abordabilité, ne permet pas d’atteindre les cibles, avec leur moyenne de 63 % du taux médian du marché.  

Les transferts étatiques pour alléger les ménages, notamment l’Allocation canadienne pour le logement, sont anémiques compte tenu du grand déficit à combler.  

Itinérance coûteuse et sous-estimée 

Selon la plupart des experts, les données du dernier dénombrement des personnes en situation d’itinérance sont sous-estimées, puisqu’elles ne tiennent pas compte de l’itinérance « occultée ». On souligne au passage que le principe du Logement d’abord est rentable et que pour chaque tranche de 10 $ investie en logement avec services de soutien, la société économise presque 22 $, notamment en évitant l’institutionnalisation

Relever les défis en matière d’abordabilité n’a jamais été aussi pressant et malgré les analyses et fixation des cibles, il faudra attendre longtemps avant l’atteinte des résultats.  

Des pistes de solution  

Le déverrouillage de l’offre constituerait une première étape pour répondre à la demande en matière de solution de rechange. Comme l’indique la Banque Scotia : « la demande exprimée […] est soumise à une pression de plus en plus forte, ce qui prive les ménages à revenus moindres d’un logement à cause des prix et ce qui pèse encore plus sur la demande de logements sociaux, en plus d’exacerber les difficultés de logement […]. Ainsi, le déverrouillage de l’offre globale atténuerait la pression sur l’ensemble du continuum.  

Hélas, l’accroissement des mises en chantier durant la pandémie ne suffira pas à combler l’important manque à gagner, qui représente plus du double du total des unités livrées. 

En définitive, l’implication du privé dans le logement abordable est déjà largement dominante et il faut augmenter la part du logement social pour rééquilibrer le marché. Une stratégie plus ambitieuse est nécessaire pour bonifier l’offre de logements sociaux et assurer leur pérennité.  

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