Le 23 décembre dernier, l’Accueil Bonneau annonçait être « au bord du gouffre » et devoir restreindre l’aide alimentaire quotidienne qui est offerte à plus de 400 personnes en situation d’itinérance ou en situation précaire. La raison : une situation financière critique. L’organisme cumule depuis près de trois ans les déficits, et le financement étatique ne permet pas de répondre à la demande.
Il faut dire que l’Accueil Bonneau, comme nombre d’organismes, fait face aux répercussions de l’inflation combinée à une crise du logement, ce qui, bien évidemment, se traduit en une demande accrue d’aide alimentaire. Le problème semble toutefois autre : l’organisme ne peut obtenir de financement récurrent pour assurer son service alimentaire pour des raisons administratives.
Le Programme de soutien aux organismes communautaires garantit ce type de financement exclusivement aux organismes qui offrent de l’hébergement d’urgence en tout temps. N’offrant pas ce type de service, l’Accueil Bonneau ne peut ainsi pas cocher la case qui lui donnerait accès à un financement important pour maintenir l’offre alimentaire, et ce, même si le service est reconnu par le gouvernement comme « essentiel ».
Devant l’annonce publique des défis financiers de l’organisme, rapidement, le ministre responsable des Services sociaux et le ministre de la Santé ont débloqué 50 000 $ de leurs « sommes discrétionnaires » pour s’assurer qu’aucun bris de services ne se produira, soit le coût d’un mois de service alimentaire. Quelques jours plus tard, c’est un « sursis jusqu’en mars » qui est annoncé, avec l’octroi d’une « aide d’urgence ».
Cette aide « d’urgence » offerte à l’Accueil Bonneau permettra, le temps de quelques mois, le maintien des services, ce qui, en soi, est une excellente nouvelle. Pourtant, il est difficile de se réjouir lorsqu’on comprend que le cas de l’Accueil Bonneau n’est pas un cas d’exception, mais plutôt un cas d’exemple qui illustre la dynamique problématique qui tend à s’établir entre l’État et les organismes communautaires. Des organismes « au bord du gouffre » alertent les médias sur leur situation critique. En réponse, l’État démontre sa proactivité, uniquement dans les cas correspondant à ses priorités, et débloque rapidement des sommes « d’urgence ». De toute évidence, ces sommes offertes à court terme ne constituent en rien une solution pérenne.
Si les programmes « d’urgence » pouvaient être une solution adéquate dans le contexte de la pandémie de COVID-19, nous devons rester critiques face à cette gestion par « l’urgence », qui semble devenue perpétuelle et définir le leitmotiv du versement de financement aux organismes communautaires. Dans les dernières années, ce même schéma a pu s’observer à plus d’une reprise.
Prenons l’exemple des financements « d’urgence » offerts aux banques alimentaires ou encore aux organismes qui interviennent auprès des personnes réfugiées. Ces sommes sont nécessaires, mais d’autres solutions existent, dont l’augmentation du financement à « la mission » des organismes, qui non seulement permet d’éviter les bris de services, mais offre également une stabilité aux organismes pour qu’ils puissent planifier ces services et des activités tout en limitant la précarité d’emploi de bon nombre de leurs travailleurs et travailleuses.
Mais est-ce une solution envisageable pour l’État ? Et si la précarité financière des organismes était salutaire aux dirigeants politiques ? Il faut dire qu’il est beaucoup plus facile d’orienter les services d’un organisme qui, faute d’autres solutions et « au bord du gouffre », en vient à plier devant les exigences de l’État, qui l’invite à réorienter ses services.
C’est d’ailleurs ce qui semble se produire dans le cas de l’Accueil Bonneau. Si l’organisme aspire au financement étatique récurrent, une seule voie est offerte par le ministre Carmant : l’ajout de services en fonction des besoins relevés par l’État. C’est ce qu’il indique dans une communication sur X :