6 juillet 2020
Dans le contexte particulier de l’actuelle crise sanitaire, le RQOH invite le gouvernement à étudier rapidement la possibilité de créer un fonds d’urgence pour appuyer l’acquisition, par des organismes sans but lucratif, de logements abordables qui pourraient être rendus disponibles dans le marché privé. D’autres mesures pérennes peuvent être mises en place, comme c’est le cas en Colombie-Britannique.
En effet, dans cette province, BC Housing, l’équivalent britanno-colombien de la Société d’habitation du Québec (SHQ), a acheté à la mi-juin le Howard Johnson, un hôtel de 110 chambres situé au centre-ville de Vancouver, dans le cadre d’un plan à long terme visant à construire un ensemble de logements abordables pour les habitants de cette ville.
Quelques rues plus loin, la province a également acheté l’hôtel Buchan (63 chambres) pour fournir des logements avec soutien communautaire à des femmes. Les deux ensembles seront gérés par un OSBL, l’Atira Women’s Resource Society. « L’achat de ces hôtels présente un grand potentiel à court et à long terme pour fournir des logements sûrs et sécuritaires qui vont au-delà de quatre murs et d’un lit », a déclaré Shane Simpson, ministre du Développement social et de la Réduction de la pauvreté de la Colombie-Britannique.
François Giguère, directeur de SOLIDES qui est principalement implanté à Châteauguay, connaît bien la situation en Colombie-Britannique où il se rend régulièrement. Comparant l’approche du gouvernement de cette province avec celle du Québec, il analyse : « Le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique qui n’est au pouvoir que depuis trois ans a une stratégie en habitation, a créé de nombreux programmes et a des objectifs chiffrés et ambitieux. Comparativement, au Québec, au cours des six dernières années le gouvernement provincial n’a pas réussi à réformer AccèsLogis, son seul programme de développement de logements sociaux. Actuellement il ne finance aucune nouvelle unité de logement, n’a pas d’objectif ni de vision. »
Perte nette de logements locatifs abordables
Avec la pandémie, plusieurs anticipent un ressac dans le marché immobilier, qui en amènera certains à vouloir se départir de leurs actifs. Au lendemain de la crise de 2008, nous avons assisté à une « financiarisation » du marché immobilier et une perte massive de logements abordables : de 2011 à 2016, le Canada a perdu pas moins de 322 600 logements abordables pour les ménages gagnant moins de 30 000$.
Si le Québec et le Canada veulent éviter la répétition d’une telle situation, les gouvernements doivent mettre en place une stratégie de financement d’acquisition, par des organismes communautaires, d’immeubles locatifs dont les loyers sont égaux ou inférieurs au loyer médian du marché.
Selon le chercheur et consultant Steve Pomeroy, cette approche permettrait « de sortir ces actifs du marché spéculatif, de préserver l’accessibilité financière à perpétuité et d’étendre l’échelle du secteur non marchand. En réduisant la perte de logements à loyer modéré d’une importance capitale, cette approche peut contribuer à prévenir l’itinérance ».
« Les programmes actuels de la stratégie nationale n’offrent pas la souplesse nécessaire pour favoriser de telles acquisitions, qui permettraient de préserver le parc de logements abordables et d’en assurer la pérennité en les soustrayant du marché spéculatif », a dit Jacques Beaudoin, secrétaire général du RQOH, témoignant fin-juin devant un comité de la Chambre des Communes à Ottawa. La Stratégie canadienne sur le logement doit être munie d’un programme pour permettre aux fournisseurs de logements à but non lucratif et aux municipalités d’acquérir des propriétés à des fins de logement abordable sur une base permanente.
SOLIDES a acquis plusieurs immeubles résidentiels privés au cours des trois dernières années. Le parc de logements communautaires de cet organisme sans but lucratif atteint maintenant 546 unités.
« Depuis 20 ans, dit François Giguère, il y a des organismes qui demandent au gouvernement du Québec de mettre en place un programme d’achat simple d’immeubles de logements locatifs. Jamais nous n’avons eu de réponse positive. » Un tel programme pourrait prendre différentes formes comme des subventions par unité, des garanties de prêts ou même des prêts à bas taux. « Pas de réponse du gouvernement ! ajoute-t-il, et pourtant c’est une façon simple de stabiliser des populations dans leurs quartiers, dans leurs immeubles et de les mettre à l’abri de la spéculation tout en assurant un meilleur entretien et un meilleur respect des droits des locataires. Des OSBL d’habitations de Montréal et d’autres régions ont les compétences et l’appétit pour mettre en route un tel chantier. »
Que ce soit au moyen de reprises d’immeubles locatifs existants ou de l’acquisition d’édifices non résidentiels tels que des motels ou de petits commerces, ou encore de bâtiments qui peuvent être facilement transformés en logements, plusieurs modèles d’intervention de l’État méritent d’être étudiés pour mitiger la crise du logement et apporter des mesures correctrices à même d’enlever de la pression sur les ménages à faibles revenus.