27 octobre 2020

Le RQOH et la lutte à l’itinérance

 

S’il est un « problème social » dont la prise en charge est largement le fait d’organismes communautaires, c’est bien celui de l’itinérance. Certains « grands refuges » sont plus que centenaires, comme la Mission Old Brewery et la Mission Bon Accueil à Montréal, tandis que les structures fédérant les initiatives locales sont plus récentes, mêmes si elles ont déjà un âge respectable, comme le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), créé en 1974.

Il faut pourtant attendre à la fin des années 1990 pour que le gouvernement du Canada se dote d’outils d’intervention pour tenter de remédier à la crise et accepte de considérer les problèmes des sans-abri et des mal-logés comme une urgence nationale. C’est dans ce contexte que naît, en 1999, la première Stratégie de lutte contre l’itinérance. Ce programme, sous ses différentes appellations, a contribué, de 2002 à 2014, à réaliser 1200 logements sociaux avec soutien communautaire. Bien que depuis 1997, des projets de logement s’adressant à des personnes itinérantes sont réalisés avec l’appui du programme AccèsLogis, dont le volet III vise la construction de logements pour des clientèles ayant des besoins particuliers, au Québec, il faudra attendre jusqu’en 2014 pour que naisse la Politique nationale de lutte à l’itinérance.

Au gré des années, il y a eu nombre de débats et de retournements en ce qui a trait aux critères et lignes directrices dans le financement des groupes communautaires travaillant sur cet enjeu. Durant les années des gouvernements de messieurs Harper et Charest, l’approche abusivement nommée « logement d’abord » ou « housing first », que l’on a invoquée pour généraliser le soutien individuel au paiement du loyer, a connu une certaine popularité chez les dirigeants à Ottawa comme à Québec, qui y ont trouvé un renforcement de leur préférence pour le secteur du logement privé et pour l’austérité budgétaire.

À contre-courant de cette approche comptable, les OSBL d’habitation se sont donné comme mission de garantir une offre de logements salubres, sécuritaires, accessibles et sans condition aux personnes itinérantes ou à risque d’itinérance, couplée à un modèle de soutien communautaire dont l’efficacité est avérée, et qui a notamment été reconnu dans le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social en 2007. Encore en 2016, une étude commanditée par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal démontrait les vertus du soutien communautaire en logement social pour favoriser la stabilité résidentielle des locataires : « Sur les 1 777 locataires concernés par cette enquête, 70  % sont stabilisés en logement depuis plus de trois ans et 31  % le sont depuis plus de 10 ans », avait conclu Céline Bellot, de l’École de travail social de l’Université de Montréal.

« Le logement social offre un environnement communautaire et tolérant, souvent essentiel pour des personnes portées vers l’isolement et qui doivent apprivoiser le rôle de locataire », écrivait Isabelle Leduc en 2012, alors qu’elle était présidente du RQOH. « Qui plus est, il est la meilleure façon d’assurer l’accessibilité financière à un logement de qualité. […] De plus, plusieurs études l’ont déjà démontré : cette pratique est moins coûteuse que les frais engendrés par la problématique de l’itinérance pour le réseau de la santé et le système carcéral. Il est donc primordial que le financement du développement des infrastructures et du soutien communautaire soit au rendez-vous. »

Ainsi, le RQOH, en accord avec les principaux regroupements québécois et canadiens œuvrant dans le domaine de l’itinérance, insiste pour que les gouvernements maintiennent et augmentent leur appui à la réalisation de nouveaux logements sociaux et communautaires.

Chaque année au Canada, environ 235 000 personnes se retrouvent sans logement à un moment où à un autre, c’est à dire qu’elles vont passer au moins une nuit sans avoir d’adresse, sans avoir de logement à elles, vont se retrouver dans un refuge, dormir chez des amis, dans une tente de camping, leur voiture ou un motel cheap. Mais au-delà de ce qui pourrait être perçu comme un simple « coup de malchance », l’itinérance est d’abord un processus de désaffiliation sociale lié à la difficulté d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre en raison de la faible disponibilité des logements et la difficulté d’une personne de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté.