22 mai 2025

L’Entrée, un OSBL d’habitation acheteur

Même si le modèle de l’Entrée n’est pas nouveau, sa présence en milieu rural offre un bien meilleur pronostic aux citoyens soucieux d’habiter le territoire qu’ils connaissent, désirent ou chérissent, et ce, à un prix qui leur permet une vie décente. Retour sur une histoire qui récolte ses premiers fruits et dont les futures cueillettes s’annoncent prometteuses.

> Une entrée remarquée dans le territoire rural estrien

Les balbutiements de l’Entrée datent de presque 10 ans déjà. Lors d’un chantier en habitation tenu sous l’impulsion de la MRC de Coaticook et en partenariat avec la Corporation de développement communautaire de Coaticook (CDC) et la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) de la région de Coaticook, le constat du manque criant de logements locatifs s’est imposé.

Ce problème, tellement patent, rendait le recrutement de main-d’œuvre difficile pour un grand nombre d’employeurs.

S’en est suivi la commande d’un rapport d’analyse des besoins régionaux, lequel, sorti tout juste avant la pandémie de la COVID-19, faisait déjà état d’un taux d’inoccupation de seulement 1 %.

En 2021, forts de ces conclusions et de la situation sur le terrain, les trois pôles institutionnels derrière le chantier, la CDC, la MRC et la SADC, ont choisi d’embaucher une chargée en habitation pour trouver une solution à la problématique du manque de logement.

> Le remue-méninge

Rapidement, les discussions constantes avec le milieu et entre les trois pôles soutiennent comme priorité celle de fournir davantage de logements communautaires et sociaux en milieu rural.

La chargée de projets en habitation, Valérie Bibeau, se rappelle : « Aucun organisme sans but lucratif en habitation (OSBL-H) ni aucun groupe de ressources techniques (GRT) ne pouvaient venir faire du développement aussi loin des grands centres, pour aussi peu d’unités. Les années passant et les besoins se multipliant partout, la construction neuve a rapidement été éliminée des solutions envisageables à court terme.

> L’Entrée…fait son entrée

« Rapidement, nous avons discuté de l’intérêt de calquer le modèle de SOLIDES en milieu rural, notamment avec la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Montérégie et de l’Estrie (FROHME). Martin Bécotte, directeur des projets et des partenariats à la FROHME, nous a beaucoup aidé à définir notre pensée, laquelle repose sur la théorie des petits pas, sur l’importance de se propulser avec de petites réussites », mentionne la chargée d’habitation Valérie Bibeau.

Ainsi, l’Entrée vise à retirer une dizaine d’unités du marché privé annuellement, en acquérant des immeubles situés en milieu rural afin qu’ils puissent rester abordables de manière pérenne. Tous les profils de locataires sont envisagés, le mandat principal étant d’offrir des locations réellement abordables à une population qui en éprouve de plus en plus le besoin.

Officiellement incorporé en 2024, l’organisme a été accompagné pendant plusieurs étapes par la FROHME. Lettres patentes, règlements d’immeuble, règlements généraux ; tous ces outils ont été mis en place en collaboration avec la Fédération, laquelle gère aujourd’hui en partie certains aspects administratifs de l’organisme.

Valérie Bibeau, chargée d’habitation à l'Entrée

Martin Bécotte, directeur des projets et des partenariats à la FROHME, nous a beaucoup aidé à définir notre pensée, laquelle repose sur la théorie des petits pas, sur l’importance de se propulser avec de petites réussites

> Un premier achat porteur

Au début de l’année 2025, l’Entrée a fait l’acquisition de son premier immeuble situé à Coaticook, l’Édifice Lebel, lequel sort ainsi du marché privé. Avec ses 10 unités, cette première transaction respecte l’objectif annuel du conseil d’administration et des fondateurs de l’organisme acheteur.

Soucieux d’utiliser l’équité de ses achats pour grandir son parc de logements, l’organisme a dû œuvrer d’imagination pour acheter en dehors des principaux programmes de financement. En effet, ces programmes ne permettent pas aux bénéficiaires d’utiliser la valeur nette de leur achat pour conclure d’autres transactions.

Ce sont donc un florilège de subventions et d’investissements qui ont permis cet exploit : la MRC et la SADC de Coaticook ont appuyé financièrement le projet, de concert avec la Fondation Tillotson, alors que le Centre de transformation du logement communautaire (CTLC) et la fondation Lucie et André Chagnon ont pu soutenir la mission même de l’Entrée.

> Une collaboration inusitée

Une partie des personnes locataires de l’Édifice Lebel sont handicapées ou éprouvent des défis de santé mentale.

Même si l’Entrée n’offre pas de services supplémentaires aux locataires de ses immeubles, l’implication des anciens propriétaires privés de l’Édifice Lebel, qui ont décidé d’être les gestionnaires directs de la bâtisse pour la prochaine année, constitue un facteur d’apaisement pour les locataires. En outre, ces derniers seront mis en relation avec des organismes du territoire si le besoin se fait sentir.

> Le vent dans les voiles

L’Entrée espère que, grâce à des demandes de subvention à la Stratégie nationale du logement et au Fonds Ruralité et régions, la chargée de projets en habitation verra son poste se prolonger. Ainsi, les MRC voisines, qui sont vivement intéressées par le modèle de l’Entrée, pourront peut-être obtenir de l’aide ; elles qui cognent déjà à la porte. En outre, la chargée s’attaquera également aux nombreux préjugés à déconstruire au sujet du logement social et à sensibiliser les personnes élues qui sont moins au fait des réalités du secteur.

À court terme, une direction générale sera embauchée pour assurer une croissance intelligente de l’organisme. Déjà, trois propriétaires privés ont eux-mêmes contacté l’organisme pour discuter de la vente de leur immeuble. « La visée du conseil d’administration était d’une dizaine d’unités par année. Il faudra se réajuster en répondant aux besoins oui, mais aussi en fonction des réalités d’investissement, mais l’avenir de l’Entrée est très prometteur », de conclure Valérie Bibeau.

Martine Boyer
Responsable des communications et de la vie associative de la FROHME