30 septembre 2015
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Au Québec, le parc résidentiel des organismes sans but lucratif d’habitation compte environ 48 000 logements, détenus par plus de 1 100 organismes. Les quelque 2 300 projets exploités par ces organismes sont répartis sur tout le territoire québécois, autant en milieu urbain que rural. Bien que certaines données existent, on connaît peu les caractéristiques économiques et financières des organismes sans but lucratif d’habitation et leur impact à ce chapitre. Ce projet de recherche vise à combler cette lacune.
Réalisé tout au long de l’année 2014, le projet de recherche a suivi plusieurs étapes. Au printemps, quelque 255 organismes, soit environ le quart des OSBL d’habitation québécois, ont répondu à un questionnaire exhaustif et fourni les données permettant d’évaluer leur situation financière. À l’automne, une fois les données compilées, des entrevues individuelles ont été menées auprès d’une cinquantaine de gestionnaires, pour mieux cerner leur situation et les défis auxquels ils sont confrontés. Une attention particulière a été portée aux organismes les plus immédiatement touchés par l’échéance des conventions d’exploitation. La cueillette de ces informations a permis de mettre en lumière les caractéristiques recherchées.
Tout d’abord, l’enquête a tenté de déterminer les caractéristiques économiques et financières générales du parc des OSBL québécois. Le parc immobilier des OSBL d’habitation québécois atteindra bientôt la taille de 50 000 logements, incluant surtout des logements permanents, mais aussi un certain nombre à caractère transitoire. Les données financières recueillies auprès des organismes permettent d’évaluer à 3,6 milliards de dollars l’avoir propre foncier des OSBL d’habitation (valeur foncière de 4,7 milliards $ et dette hypothécaire estimée à 1,1 milliard $). Globalement, les organismes génèrent un chiffre d’affaires atteignant plus de 850 millions de dollars. Les revenus proviennent principalement des loyers payés par les locataires, des divers types de subventions et de la vente des services non résidentiels offerts par les organismes, comme les services de repas, d’aide domestique et d’assistance personnelle. Enfin, si le taux varie en fonction des programmes, on observe que 59 % des logements sont visés par une subvention d’aide au paiement du loyer.
Dans un second temps, on a tenté de voir si les OSBL d’habitation québécois seront en mesure d’assurer leur viabilité financière à long terme. Pour ce faire, différents paramètres liés à l’exploitation des projets ont été étudiés. Il en ressort tout d’abord que les organismes limitent autant que possible les augmentations de loyer; ainsi, plus du tiers des répondants (37 %) n’avaient procédé à aucune augmentation dans l’année de référence pour laquelle les résultats ont été recueillis. Quant à ceux qui l’ont fait, l’augmentation moyenne se chiffrait à 1,8 %. Des données ont également été recueillies sur les pertes locatives. La majorité des organismes répondants, soit 55 %, ont déclaré n’avoir subi aucune perte de ce type dans l’année précédant l’enquête. Chez les organismes ayant déclaré de telles pertes, celles-ci représentaient 2,4 % des revenus. Les listes d’attente et les forts taux d’occupation semblent être la norme dans la grande majorité des projets. De manière générale, les loyers des OSBL d’habitation sont de 14 % inférieurs à ceux du marché privé, tels qu’estimés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Si l’écart est relativement léger pour les logements de petite taille (entre 3 % et 7 %), il croît dans le même sens que le nombre de chambres, pour atteindre 11 % (logements de deux chambres à coucher) et 28 % (trois chambres à coucher et plus). Globalement, on rapporte un loyer moyen de 604 $ par mois dans les OSBL d’habitation, contre 691 $ pour les appartements d’initiative privée.
Dans un troisième temps, l’enquête s’est penchée sur l’état des réserves de remplacement, destinées à faire face aux problèmes du vieillissement inéluctable des bâtiments et aux défis de conservation du parc immobilier. À défaut d’un bilan de santé de chacun des immeubles qui permette d’évaluer l’état du bâtiment et de planifier les travaux de mise à niveau requis, il est impossible de dire si les réserves de remplacement immobilières des organismes sont adéquates, notamment en prévision de l’échéance des fins de convention. Globalement, l’enquête a permis d’estimer que les réserves de remplacement immobilières des OSBL d’habitation s’élèvent en moyenne à 2 581 $ par logement, ce qui correspondrait à des réserves de 131 millions $. Près des deux tiers des organismes ayant participé à l’enquête présentaient un budget équilibré, voire de légers surplus, au moment où ils ont été sondés. Ces surplus équivalaient à 3,5 % des revenus des organismes concernés. Peu d’organismes se trouvaient en situation de déficit important, les déficits enregistrés étant par ailleurs explicables et exceptionnels.
L’enquête s’est ensuite intéressée à la capacité des OSBL de surmonter les défis de la fin des conventions d’exploitation. Selon la base de données du RQOH, on estime à 24 177 le nombre de logements issus des programmes des articles 15.1 (61), 56.1 (95) et du Programme sans but lucratif-privé qui sont à plus court terme concernés par ce phénomène. Il ressort qu’environ 43 % des conseils d’administration des organismes dans cette situation ont discuté de la question de la fin des accords, et que seulement 14 % d’entre eux disposent d’un plan d’action en prévision de cette échéance. À l’aide d’un outil conçu sous l’égide de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU), des simulations financières ont été effectuées sur 67 projets parmi ceux qui arriveront bientôt en fin de convention et qui ont participé au projet de recherche. On en conclut qu’une majorité (88 %) des projets financés dans le cadre du programme de l’article 56.1 (95) devrait franchir avec succès l’étape de la fin des conventions, bien que plusieurs devront porter une attention particulière à la planification de leurs réserves. Quant aux projets financés avec l’aide du PSBL-P, on estime que la quasi-totalité de ces derniers (93 %) ne sera pas viable et qu’ils seront incapables de payer leurs dépenses d’exploitation tout en maintenant les loyers ajustés au revenu de leurs locataires, même si leur prêt hypothécaire est alors amorti.
Enfin, l’enquête tente de mettre en lumière d’autres caractéristiques des OSBL d’habitation, en tant qu’acteurs économiques. Un peu plus des deux tiers des OSBL d’habitation emploient leur propre personnel salarié, que ce soit pour assurer la gestion de leur immeuble ou la livraison des services offerts aux locataires (préposés à l’entretien, personnel de cuisine, professionnels de la santé, etc.). Avec une moyenne de neuf employés par organisme, on estime donc à plus de 6 500 le nombre de salariés qui travaillent dans les OSBL d’habitation, pour une masse salariale globale se chiffrant autour de 175 millions de dollars. Au sein des organismes, la gestion par les bénévoles est la plus fréquente. C’est le cas pour 38 % des organismes, dont 8 % sont uniquement gérés par des bénévoles et 30 % bénéficient d’un soutien à la tenue de livres. Autre donnée qui témoigne de leur impact économique, on évalue à près de 100 millions de dollars la globalité des taxes foncières payées par les OSBL d’habitation. 7
Au total, les données recueillies révèlent l’existence d’un réseau rempli de potentiel devant néanmoins faire face au défi d’assurer sa pérennité et de poursuivre sa mission au-delà de la fin des accords d’exploitation. Celle-ci ne sera pas nécessairement catastrophique pour tous les organismes, mais un nombre non négligeable fera tout de même face à un problème de viabilité. Plus préoccupant est le fait qu’une majorité des organismes concernés ont affirmé ne pas avoir discuté de cet enjeu ni adopté de plan pour se préparer à cette échéance. Il y a lieu d’envisager la mise en place d’initiatives novatrices pour mieux soutenir les projets existants et favoriser le développement du réseau.
Les-caractéristiques-économiques-et-la-viabilité-financière-du-parc-des-OSBL-dhabitation-du-Québec