13 logements sur la rue Lois
10 logements au Tremplin
3 logements de dépannage (Logemen’occupe)
15 logements sur Saint-Étienne (en construction)
13 logements sur la rue Lois
10 logements au Tremplin
3 logements de dépannage (Logemen’occupe)
15 logements sur Saint-Étienne (en construction)
Au Québec, les familles sans logis passent souvent sous le radar. Le phénomène est marginalisé, même s’il touche un nombre grandissant de ménages. Conscient de cet enjeu, un organisme de l’Outaouais s’est donné comme mission d’accompagner et de favoriser l’autonomie des familles qui traversent des situations difficiles, en plus d’offrir des activités d’éducation et des services de soutien.
Depuis une vingtaine d’années, le nombre de personnes en situation d’itinérance connaît une forte croissance au Québec. Cette augmentation est davantage marquée chez les femmes, dont la situation socio-économique s’avère plus précaire. Or, la question des femmes, et plus particulièrement celle des mères, est presque inexistante dans les plans d’action et les politiques nationales de lutte à l’itinérance[1], ce qui a pour effet d’éclipser cette réalité.
Dès le milieu des années 1990, un groupe d’organismes de l’Outaouais œuvrait à la défense collective des droits des mal-logés. « En 1994, le phénomène de l’itinérance était déjà présent en Outaouais. À l’époque, seul le Gîte Ami de Gatineau, un refuge d’urgence, était en mesure d’accueillir temporairement les personnes sans-abri », explique François Roy, président des Œuvres Isidore Ostiguy.
Pour pallier le problème, dans la foulée du Sommet économique et social tenu sous le gouvernement de Lucien Bouchard en 1996, la Société d’habitation du Québec (SHQ) avait mis sur pied le programme PARCO, ancêtre d’AccèsLogis, à la suite d’une proposition des groupes de ressources techniques et du secteur des coopératives d’habitation.
Deux ans plus tard, des groupes communautaires de défense des droits ont créé le Regroupement des OSBL d’habitation et d’hébergement avec support communautaire en Outaouais (ROHSCO), dorénavant la FOHO, dans le but d’offrir des services collectifs. Les Œuvres Isidore Ostiguy (OIO) ont vu le jour peu de temps après, investis d’un mandat de trois ans visant à organiser des conférences, à faire du travail de sensibilisation sur la pauvreté et à réaliser des collectes de fonds.
En 1999, les groupes communautaires se sont retirés et Les Œuvres se sont transformées en OSBL d’habitation pour les familles à risque d’itinérance. Un fonds de lutte a permis l’embauche d’employés. L’équipe était alors composée de trois personnes. Initialement, la mission des OIO visait à aider et accompagner les familles sans domicile. « On assurait alors l’ouverture des dossiers et le placement en motel, en plus de leur offrir de l’aide pour leur permettre de se loger adéquatement », explique le président de l’organisme.
Lors de la création de l’organisme, les fondateurs, qui étaient en terrain inconnu, se sont tournés vers le modèle du Carrefour Jeunesse emploi, lequel a inspiré des changements. Il y avait une analogie à faire au niveau de l’accueil et de l’accompagnement.
Le comité de gouvernance des OIO a été accompagné par le GRT Loge Action, alors que la SHQ finançait 100 % des projets pour clientèles à besoins particuliers.
Une période de six mois a suffi à l’obtention du premier engagement définitif. Les premiers locataires du 95, rue Lois sont ainsi entrés en mai 2001 et le financement obtenu avait même permis d’acquérir du mobilier. Malgré les taux d’inoccupation préoccupants, le Programme de supplément au loyer (PSL) était plus facile à obtenir et permettait le placement rapide des familles.
Au début, le groupe souhaitait offrir du logement de dépannage. On voyait venir la crise du logement ; une sortie publique avait d’ailleurs été faite en ce sens.
Au 1er juillet 2001, une centaine de familles sans logis avaient fait appel à l’organisme. La plupart se sont retrouvées en motel. C’est à ce moment-là que le président de l’organisme, François Roy, a décidé de s’impliquer au sein d’une table régionale de concertation pour parler de la crise du logement.
« Un travail a été effectué pour que les tables deviennent permanentes et des comités ont permis de regrouper des organismes, la Ville de Gatineau et le CISSSO afin qu’il y ait une véritable cohésion pour solutionner les problèmes le plus rapidement possible. Même dans les années au cours desquelles le taux d’inoccupation était plus élevé, la demande ne dérougissait pas. On centralisait les efforts pour permettre aux familles de se relocaliser, en les outillant en fonction de l’expertise de l’équipe »,
se remémore le président.
Au début, faute de ressources, il n’y avait pas d’accompagnement post-placement et le temps d’occupation des motels était d’environ deux mois. Les mesures d’urgence permettaient de déployer des cols bleus pour aller récupérer les meubles des ménages évincés, qui étaient entreposés pour une période de trois mois.
Or, avec les années, et grâce à l’expertise développée, notamment en matière d’accompagnement, davantage de personnes se sont tournées vers les Œuvres. Ainsi, pendant les périodes où le taux d’inoccupation était moins faible, l’organisme a commencé à accompagner les personnes seules. Au fil du temps, le ratio de personnes seules a dépassé celui des familles.
Toutefois, en raison des effectifs restreints, l’organisme a décidé de se recentrer sur les familles sans toit ou à risque de se retrouver à la rue.
Les OIO sont intervenues dans les situations d’urgence comme les incendies, les inondations et les tornades[2]. L’organisme a également assuré une collaboration soutenue avec le Tribunal administratif du logement (TAL), notamment dans les situations d’évictions.
L’organisme joue un rôle d’expert-conseil auprès des familles et de la mairie. Il s’agit d’un mandat important pour une si petite organisation. Les OIO ont dû développer des outils administratifs, faute d’appui du milieu communautaire. En raison des effectifs limités, de l’urgence et du sous-financement, ceux-ci ont été délaissés.
« En dépit de la politique de lutte à l’itinérance, qui reconnaît la diversité du phénomène, le Collectif régional de lutte à l’itinérance en Outaouais met l’accent sur la situation des personnes seules, ce qui a pour effet de marginaliser la réalité des familles », estime François Roy.
La valeur ajoutée des Œuvres réside dans l’accompagnement en vue de la réinsertion des familles. En effet, outre celles des 53 logis, toutes peuvent obtenir des services d’accompagnement externes. Que ce soit au niveau du maintien en logement, du TAL, des impôts, de l’hébergement d’urgence, les services d’accompagnement sont offerts à tous les niveaux.
Une lettre ouverte[3] parue en 2019 dans le quotidien Le Droit fait état de la richesse des services d’accompagnement offerts. On peut notamment y lire que « l’OIO a rencontré Mme C, réfugiée du Congo, ne parlant aucune des deux langues officielles du Canada qui est arrivée à Gatineau comme sur la planète Mars. Récipiendaire d’un logement de dépannage aux Œuvres, elle a pu bénéficier d’éducation à la vie quotidienne (épicerie, utilisation de l’électroménager…) par l’intervenante OIO et de cours de francisation à l’extérieur. À ce jour, le processus du passage de réfugiée évolue vers une intégration réussie. Son large sourire en est le témoin ».
Plus récemment, le même journal a diffusé une entrevue avec Lamya, hébergée pendant plus de cinq ans au projet Le Tremplin des Œuvres : « L’organisme les Œuvres Isidore Ostiguy m’a offert un logement quand j’étais dans une passe très difficile. Jeune maman de deux enfants sans foyer et sans travail. Les intervenants ont toujours été là pour me soutenir et m’aider dans toutes mes démarches! Ils organisaient des activités pratiquement tous les mois pour faire plaisir aux petits et aussi aux grands. Avec un plan d’intervention et leur soutien, j’ai pu réaliser une stabilité dans ma vie et celle de mes enfants. Je tiens à remercier cet organisme et tous les intervenants. Sans vous je ne serai pas rendu là où je suis maintenant.»
« Il faut convaincre les autorités de la santé de changer de paradigme », lance le président des OIO. Après tout, une personne logée coûte moins cher à la société. L’organisme se bute malheureusement une résistance au changement, estime-t-il.
Les grands logis sont rares et dispendieux en Outaouais. Il faut obtenir le financement nécessaire pour répondre aux besoins des familles de la région. Le travail de réflexion doit se poursuivre dans la communauté.
Après six ans de travail acharné et un important déficit, le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et la Ville de Gatineau ont procédé à l’annonce officielle du projet Saint-Étienne, qui comprendra 15 logis destinés à des familles à risque d’itinérance.
« L’OIO ne pouvait pas faire cavalier seul pour résoudre l’enjeu des familles itinérantes », explique François Roy.
En effet, comme le faisait remarquer le directeur général des Œuvres, Marc Beauchamp, au début du mois d’avril 2023, pas moins de 156 dossiers étaient ouverts.
L’organisme, qui dessert la vaste région de l’Outaouais, doit mieux se faire connaître afin de couvrir adéquatement son territoire d’intervention. Pour que sa mission ait du succès, il lui faudra travailler de concert avec les autres instances régionales.
On désire une reconnaissance de la part du gouvernement, car le financement organisationnel est nettement insuffisant et on souhaite obtenir une enveloppe annuelle d’un million de dollars pour réaliser la mission première.
« Un des principaux défis à court terme est de positionner les OIO dans la structure de gouvernance régionale actuelle. Il faut faire valoir que l’organisme possède le leadership pour influencer positivement les décisions. Pour nous faire reconnaître, nous avons besoin des bons outils de marketing et de gestion », soulève Marc Beauchamp, qui cultive la fierté au sein de son équipe.
« Cela permettrait d’avoir une équipe administrative, une équipe d’intervention et un technicien juridique. On espère également une bonification de l’enveloppe budgétaire en soutien communautaire afin d’offrir des services post-placement », plaide le président de l’organisme. Ainsi, une fois relogée, la famille pourrait encore être soutenue.
L’OIO aimerait avoir une table régionale de concertation solide où l’ensemble des acteurs s’entendent pour respecter le droit au logement. L’objectif est de poursuivre la mission en communauté, tout en développant des projets pour accompagner les familles.
« Si on rêve, nous pourrions opérer sous le principe du droit au logement, avec une équipe de soutien communautaire et des PSL en quantité suffisante pour couvrir tout le territoire de l’Outaouais », conclut François Roy.
[1] Fournier, Vanessa, Simard, Marie-Claude, Fontaine, Annie et Jobin, Gabrielle, Être mère en contexte d’itinérance, Les Presses de l’Université du Québec, 2022, 176 pages.
[2] https://www.ledroit.com/2019/05/24/le-travail-des-oeuvres-isidore-ostiguy-6361132aeb03e6de9a28325ca49123d2/
[3] https://www.ledroit.com/2019/05/24/le-travail-des-oeuvres-isidore-ostiguy-6361132aeb03e6de9a28325ca49123d2/