Au moment d’écrire ces lignes, le Québec sort à peine d’une période où toute l’actualité a tourné autour des sinistrés des crues printanières de 2019. Dans presque toutes les régions, le climat que nous avons détraqué nous fait comprendre l’urgence de changer nos habitudes de vie et de consommation.
Face à ces circonstances malheureuses, les gouvernements ne lésinent pas sur les mesures d’urgence : l’armée est mobilisée; le gouvernement québécois offre 100 000 $ à chaque propriétaire pour rénover leur maison abîmée et jusqu’à 200 000 $ à ceux qui iront s’installer ailleurs; les villes construisent à la hâte digues et barrages alors que les centres d’hébergement d’urgence poussent comme des champignons. Mieux, les agences du revenu du Québec et du Canada se sont même découvert un cœur et offrent de reporter la date limite pour le dépôt des déclarations d’impôt et d’annuler les intérêts et les pénalités pour les sinistrés.
Tout cela est juste et bon et le RQOH est heureux de constater que nos gouvernements sont capables d’agir rapidement pour soulager la misère humaine. Après tout, ce sont quelque 6 000 propriétaires qui sont touchés.
Mais ce qui est un peu moins compréhensible à la vue des milliards $ de dépenses associées aux crues du printemps 2019, c’est en quoi ces ménages sont plus méritants que les 92 220 ménages locataires vivant en situation de surpeuplement à l’année ou que les 195 645 ménages locataires qui doivent consacrer plus de 50 % de leurs revenus au loyer. Les conséquences sur la santé physique et mentale de ces sinistrés du quotidien sont solidement documentées, pourtant elles ne semblent pas émouvoir les élus au point de les convaincre de délier les cordons de leur bourse ministérielle.
Pour ceux et celles qui vivent 365 jours par année avec des problèmes d’humidité, de moisissure ou de vermine, ni chèque de 200 000 $ , ni plan de relocalisation, ni cadeaux de l’impôt, ni congé payé, comme aux fonctionnaires provinciaux, « pour éviter les déplacements et surcharges inutiles ».
Alors que dans les principales villes du Québec le taux de vacance est au-dessous de 2% et que les prix des loyers explosent, où sont les mesures d’urgence ? Comment expliquer que tant à Ottawa qu’à Québec ont n’ait rien annoncé de significatif dans les derniers budgets pour agir de manière déterminante pour changer la situation ?
La crise climatique, comme la crise du logement, ne pourra pas être résolue par des mesures ponctuelles prises dans l’urgence. Les deux crises sont pourtant liées : l’aménagement des villes et des territoires est fait de telle sorte qu’il impose le déplacement individuel entre, d’une part, le foyer et, d’autre part, l’emploi, les services et les loisirs. Ensemble, le transport et l’habitation produisent plus de 50% des gaz à effet de serre du Québec. Il conviendrait donc de planifier plutôt l’habitat de manière à le rendre accessible au plus grand nombre en termes économiques, à réduire son empreinte carbone, la spéculation immobilière, la pression sur les infrastructures de transport et la destruction de l’environnement.
Comme société, il faudra bien un jour choisir de traiter ces problèmes de manière structurelle et structurante, mais d’ici là, les sinistrés du quotidien sont, de toute évidence, moins importants que ceux du jour.
Jessie Poulette