Itinérance et logement communautaire. Une question de dignité.

Au Québec, l’itinérance demeure un enjeu d’actualité. Selon des études récentes, rien de moins de 8% des ménages sont à risque d’itinérance, c’est une part importante de la population qui vit dans la précarité et l’incertitude.

Le portrait des personnes en situation d’itinérance est complexe et façonné de multiples facteurs. Qui sont-elles ? Comment le mouvement des OSBL contribue a une réponse à l’itinérance ? Quelles sont les approches privilégiées en matière de lutte à l’itinérance ? Ce sont certaines des questions auxquelles nous répondons dans ce dossier spécial.

Nous vous invitons à consulter nos textes et documents pour en savoir plus sur la question.

Bonne lecture !

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L’itinérance en statistiques

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Comprendre les enjeux de l’itinérance et des OSBL

Une définition de l’itinérance

Selon la définition retenue dans la Politique nationale de lutte à l’itinérance, « l’itinérance désigne un processus de désaffiliation sociale et une situation de rupture sociale qui se manifestent par la difficulté pour une personne d’avoir un domicile stable, sécuritaire, adéquat et salubre en raison de la faible disponibilité des logements ou de son incapacité à s’y maintenir et, à la fois, par la difficulté de maintenir des rapports fonctionnels, stables et sécuritaires dans la communauté. L’itinérance s’explique par la combinaison de facteurs sociaux et individuels qui s’inscrivent dans le parcours de vie des hommes et des femmes ».

C’est le reflet d’un processus d’exclusion et de marginalisation d’une partie de la société. Aujourd’hui, le phénomène tend à prendre une ampleur réelle et se diversifie, tant au niveau des personnes que des localités touchées par ce dernier. L’itinérance est un processus complexe, souvent lié à des causes structurelles et systémiques qui ont de graves conséquences et sur lesquelles l’individu a très peu de pouvoir. C’est pourquoi les OSBL d’habitation au Québec défendent une approche multi-facette en matière d’intervention, car si l’itinérance implique toujours un problème de logement, on ne peut la réduire à ce seul aspect.

L’action des OSBL d’habitation

Le Québec développe, depuis des décennies, des pratiques d’hébergement, de logement et d’intervention qui ont fait leur preuve, notamment par le biais des solutions d’hébergement proposées par les OSBL d’habitation. Les OSBL d’habitation se sont donnés comme mission de garantir une offre de logements salubres, sécuritaires et accessibles. Plusieurs organismes proposent du soutien communautaire, soit un ensemble d’actions visant l’appui social des individus et/ou des groupes, qui vont de l’accueil et de la référence à l’accompagnement auprès des services publics. Il s’agit de permettre aux individus d’exercer leur citoyenneté dans un environnement tolérant et de bénéficier d’un soutien adapté pour y parvenir. Enfin, une attention particulière est portée aux questions de socialisation et d’entraide, car les personnes en situation d’itinérance sont souvent aux prises avec des situations très complexes, qui imbriquent des problèmes de pauvreté, de dépendance aux drogues ou encore une désaffiliation.

Cette approche favorise donc une prise en charge communautaire, afin de favoriser la stabilité résidentielle des individus. Elle englobe une grande diversité d’interventions. Ces dernières se situent à la fois en amont afin d’agir sur les causes structurelles pouvant amener à des situations d’itinérance et en aval, pour aider les personnes en situation d’itinérance, qu’elle soit chronique, épisodique ou cyclique. Pour conclure, les OSBL d’habitation proposent une intervention souple, adaptée aux réalités de chaque territoire, respectueuse de l’autonomie des organismes et des individus, effectuée en partenariat avec les services sociaux et principaux intervenants.

Pour une approche généraliste

Une Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI) a été mise en place dès 2007 par le gouvernement fédéral. Ce programme vise à prévenir et à contrer l’itinérance en offrant un soutien direct et du financement à une soixantaine de collectivités désignées au Canada et aux organismes qui luttent contre l’itinérance chez les personnes autochtones. Le dernier budget de la SPLI a malheureusement été réorienté vers une approche unique appelée Logement d’abord. Celle-ci cible principalement l’itinérance chronique et épisodique avec des problématiques de santé mentale et propose le placement en logement privé avec des services associés. Bien que l’approche puisse s’avérer efficace à court terme dans certaines situations, plusieurs organismes, dont le Réseau solidarité itinérance Québec et le RQOH, ont formulé des réserves à son égard.

L’orientation de Logement d’abord ne prend pas en considération une partie de l’itinérance cachée. Cette dernière concerne les personnes qui ne vivent ni dans la rue ni dans des abris, mais qui sont tout de même itinérantes, à risque d’itinérance ou mal-logées. Cette approche ne propose pas de solutions pour prévenir l’itinérance et reste principalement centrée sur des individus ayant des problèmes de santé mentale, le plus souvent célibataires. Au Québec, les collectivités et organismes soutenus dans le cadre de la SPLI avaient pourtant mis en place une diversité de réponses, englobant à la fois l’hébergement d’urgence, l’alimentation, l’accès aux ressources, le soutien communautaire et à la réinsertion, etc. L’efficacité, la pertinence et la fluidité de ces réponses ont été largement documentées et doivent donc être maintenues.

Quelques exemples en matière de lutte à l’itinérance au sein des OSBL d’habitation

Chambreclerc est un OSBL d’habitation situé au centre-ville de Montréal, qui s’adresse à des hommes et femmes sans domicile fixe ou à risque de le devenir, créé a la fin des années 1980 par un groupe de bénévoles et d’usagers. Face aux difficultés rencontrées dans la prise en charge, l’organisme a mis en place à partir de 2012 un programme comportant 24 chambres avec soutien communautaire. Il est financé par l’Initiative de partenariats en action communautaire (IPAC). Ce projet favorise une plus grande stabilité et une autonomie résidentielles ainsi qu’un sentiment d’appartenance chez ses locataires. De plus, il offre du soutien et un certain encadrement, mais dans un contexte flexible et tolérant qui respecte la personne qu’est le locataire, ainsi qu’une stratégie de réduction des méfaits. Celle-ci vise à atténuer les répercussions négatives associées à une dépendance aux drogues, en favorisant une prise en charge individuelle et collective, basée sur des liens de confiance et non sur la répression.

Lutte à l’itinérance : un combat à poursuivre

Le RQOH appelle à :

– Poursuivre la construction de nouveaux logements sociaux grâce au maintien de programmes tels qu’AccèsLogis, dont le volet III s’adresse aux personnes ayant des besoins particuliers, tels que les personnes en situation d’itinérance. Le maintien de ce programme, qui répond à une variété de besoins, est essentiel, tout comme un financement adéquat du soutien communautaire qui l’accompagne. Le recours au marché privé ne permet pas la création et la pérennisation de nouvelles unités. Le logement social, au contraire, répond à la fois aux besoins immédiats, mais aussi à ceux des générations futures.

– Maintenir l’approche privilégiée dans la Politique nationale de lutte à l’itinérance et dans le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social et financer adéquatement les organismes qui offrent du logement aux personnes en situation de vulnérabilité. Le modèle proposé par les OSBL et le secteur du logement social dans son ensemble a fait ses preuves et son efficacité est reconnue. Il est important de ne pas abandonner ce modèle au profit d’une approche trop réductrice ou trop rigide. C’est d’ailleurs l’une des critiques formulées à l’encontre de l’approche Logement d’abord, qui ne permet pas toujours de s’adapter aux situations et besoins particuliers.

– Maintenir une SPLI généraliste et communautaire. Seule une approche diversifiée permettra d’apporter des solutions adaptées aux personnes itinérantes ou à risque de l’être au Québec. Pour ce faire, il est essentiel que des budgets conséquents soient alloués aux autres formes d’intervention. En effet, si l’orientation unique vers le Logement d’abord est maintenue, ce sont les services et l’accompagnement à plus de 50 000 personnes itinérantes qui seraient menacées.