À la veille du dépôt du budget provincial, le RQOH a soumis un mémoire au ministre des Finances, Éric Girard. Les recommandations qui s’y retrouvent ont trait aux enjeux les plus criants auxquels le réseau de l’habitation sociale et communautaire fait face. 

La province traverse une sévère crise du logement. Le prix des loyers a connu une hausse marquée et les logis disponibles sont de plus en plus rares. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le taux d’inoccupation des logis d’initiative privée est passé de 2,5 % en 2021 à 1,7 % en 2022. Ainsi, plusieurs régions se retrouvent avec des taux d’inoccupation nettement sous le seuil d’équilibre, qui se situe autour de 3 %. Cette rareté a entraîné une hausse marquée du prix des loyers et fragilise les ménages, déjà affectés par l’augmentation fulgurante du coût de la vie. 

Depuis 25 ans, AccèsLogis (ACL) était le principal outil pour construire des logements à l’abri de la spéculation immobilière. Or, au fil du temps, le programme s’est alourdi et le financement n’a pas suivi les coûts de construction. En effet, la non indexation du programme au fil des 10 dernières années a rendu le travail des groupes de ressources techniques (GRT) et des organismes communautaires plus complexe, ralentissant le rythme de livraison des projets d’habitation. L’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ) estime aujourd’hui à 9 331 le nombre d’unités résidentielles promises mais non livrées. Nous demandons au gouvernement d’allouer les sommes nécessaires afin qu’elles soient réalisées le plus rapidement possible. 

À l’automne 2021, le gouvernement annonçait le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) qui fait place au secteur privé, afin d’accroître le nombre de logements en province. Or, aux prises avec des budgets de réalisation non viables, le PHAQ se butte aux mêmes obstacles que son prédécesseur (ACL). Basée sur l’offre plutôt que sur la demande, la notion d’abordabilité qui y est proposée ne correspond pas à la réalité des ménages à faible revenu. Le programme n’inclut pas l’obligation d’inclure des unités au Programme de supplément au loyer (PSL), qui permet aux ménages de ne consacrer 25 % de leur portefeuille au loyer. Contrairement aux organismes communautaires, qui n’ont aucune finalité de profit et qui doivent s’engager sur la durée totale de la convention d’exploitation, les promoteurs privés sont tenus d’assurer l’abordabilité pour une durée de 10 ans seulement.  

La bonification de l’offre de logements ne sera pas suffisante pour stabiliser le marché et les locataires moins bien nantis continueront de souffrir de la crise. Le gouvernement se doit de proposer des solutions structurantes, notamment des logements hors marché spéculatif, qui répondent aux besoins des ménages et des communautés.    

Le premier appel de projets du PHAQ a démontré le peu d’appétit des promoteurs privés pour le programme ; en dépit des exigences d’abordabilité plutôt faibles et dans un contexte où les investisseurs s’attendent à des rendements plus de plus en plus élevés, le PHAQ n’a pas suscité leur enthousiasme. Parallèlement, les municipalités, dont la contribution financière est plus importante dans le nouveau programme, ont manifesté leur préférence pour AccèsLogis pour satisfaire aux besoins exprimés par la population. 

Comme d’autres regroupements, nous demandons la construction annuelle de 5000 logements sociaux et communautaires par année sur un horizon de 10 ans. Il s’agit de la meilleure avenue pour tenir compte de la réalité globale des personnes fragilisées. Il faut aussi veiller à la préservation des logements réellement abordables, afin de contrer la financiarisation du marché locatif.  

À l’instar de la Colombie-Britannique, le Québec pourrait permettre aux organismes communautaires de faire l’acquisition d’ensembles immobiliers privés pour en assurer la pérennité. La province gagnerait aussi à prévoir des mesures pour éviter que la flambée des taux hypothécaires ne mette à risque la survie des organismes touchés. Avec des assouplissements à la Loi sur la fiscalité municipale, les municipalités seraient en mesure d’offrir des allégements fiscaux aux OSBL d’habitation.  

Notre mémoire recommande la bonification, à raison de 35 millions par année, du soutien communautaire en logement social et communautaire, qui favorise la stabilité résidentielle des locataires et leur intégration dans la collectivité.  

Il touche également la protection et l’aide aux résidences privées pour aînés (RPA), qui ont vécu de grands bouleversements et dont les fermetures se multiplient depuis le début de la pandémie de COVID-19. 200 des 1 500 RPA sont administrées par des OSBL et plusieurs sont en grande difficulté, notamment en raison de la hausse des coûts d’exploitation. Une douzaine ont été contraintes de fermer leurs portes, au détriment des locataires, qui ont souvent dû être relocalisés. Sans la reconnaissance et le concours financier de l’État, plusieurs autres résidences sont menacées. 

Parmi les recommandations, notons l’ajustement du crédit d’impôt pour maintien à domicile afin que les repas, inclus dans les baux, puissent être considérés comme une dépense distincte dans les OSBL d’habitation pour aînés non certifiés.  

Nous réclamons aussi l’adaptation et le financement des ressources pour les personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, afin de favoriser leur autonomie et leur inclusion. Les appartements supervisés et des centres de répit nous semblent nettement plus adéquats que les CHSLD, les ressources intermédiaires et celles de type familial.  

Nous demandons finalement la cohérence et le respect de la Politique de reconnaissance de l’action communautaire. Le soutien à la mission globale doit être bonifié, afin de pallier au manque à gagner. Dans ce contexte inflationniste, les subventions versées doivent être indexées au coût de la vie afin de viabiliser les services offerts par les organismes d’action communautaire autonome. 

Vous pouvez également lire le mémoire en entier.