1 octobre 2003
Lettre ouverte de François Vermette, directeur du RQOH, parue dans le Devoir du vendredi 17 octobre 2003
Il y a quelques semaines, le Ministère de la santé et des services sociaux lançait un appel de proposition « Pour un nouveau partenariat au service des aînés » visant à financer des projets permettant à des personnes âgées en lourde perte d’autonomie,
traditionnellement orientées vers des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), de rester plus longtemps dans leur logement. Le ministère souhaite des partenariats avec des résidences privées ou des organismes sans but lucratif (OSBL) d’habitation pour personnes âgées. Les OSBL d’habitation sont particulièrement interpellées parce qu’ils oeuvrent dans un champ d’activité en périphérie de celui de la santé et auprès de la même clientèle. Et, malheureusement, cet appel de proposition ne répond pas à nos principaux besoins tout en nous entraînant sur un terrain glissant.
Si nous ne sommes pas en désaccord avec le principe de ce genre de partenariat, nous nous inquiétons des effets de ce programme sur les résidences privées et les OSBL d’habitation et leurs locataires aînés, si l’offre de services en qualité et en quantité suffisante n’est pas soutenu dans les CHSLD eux-mêmes et dans les services de maintien à domicile. On sait, en effet, que le nombre de places en CHSLD demeure déficitaire. En somme, nous ne croyons pas que ce seul programme constitue la réponse la plus appropriée aux besoins des personnes âgées en lourde perte d’autonomie, de même qu’aux besoins urgents des OSBL d’habitation (et de leurs locataires aînés).
En ce sens, le programme « Pour un nouveau partenariat au service des aînés » nous semble présenter le danger d’entraîner chez nos organismes membres un glissement vers une clientèle plus lourde que celle qu’ils ont la mission et la capacité d’encadrer. Ce glissement pourrait aussi entraîner une pression accrue sur les autres services des OSBL d’habitation et sur le personnel qui n’a pas toujours les compétences requises pour bien servir une clientèle plus lourde. C’est pourquoi nous sommes d’accord avec le conseil des aînés qui, en 2000, recommandait que « l’achat de places par des RRSSS devrait se faire uniquement dans des établissements possédant des permis de CHSLD privé non conventionné ».
En effet, les OSBL d’habitation n’ont pas pour mission de se substituer aux établissements de santé, dont les CHSLD mais de les COMPLÉTER dans le continuum des services résidentiels aux aînés. D’une façon générale les OSBL d’habitation, mais aussi les HLM publics et les résidences privées ne sont pas conçus comme des CHLSD, ne serait-ce qu’au plan des normes d’adaptation et de sécurité des bâtiments. Les OSBL d’habitation destinés aux aînés représentent environ 18 000 unités d’habitation au Québec. Une bonne proportion de ces projets d’habitation sont destinés à des personnes âgées autonomes. Une autre proportion importante de nos OSBL d’habitation a été créée dans le cadre de programmes d’habitation de la Société d’habitation du Québec et est destinée à des personnes âgées en PERTE LÉGÈRE D’AUTONOMIE.
C’est dans cette optique, croyons-nous, que les OSBL d’habitation devraient être soutenus. Il importe en effet de considérer l’important rôle préventif qu’exercent les OSBL d’habitation sur les conditions de santé et de bien-être des aînés.
Par ailleurs, le programme prévoit que les ressources embauchées seront sous la responsabilité d’un établissement de la santé. Bien que nous comprenions les impératifs derrière cette obligation, il nous semble qu’elle peut altérer l’autonomie de l’organisme et sa relation privilégiée avec ses locataires.
En terminant, nous réitérons ici ce qui est notre leitmotiv depuis plusieurs années déjà :
ce que nous souhaitons vraiment c’est un financement pour les services de support
communautaire en OSBL d’habitation pour toutes les clientèles qu’ils desservent incluant la clientèle âgée.
Les interventions de support communautaire en habitation ont trait à l’accueil et à l’intégration des locataires, à la défense de leurs droits, à la référence et l’accompagnement vers des ressources externes, à la sécurité, au maintien de la tranquillité des lieux ainsi qu’à la vie associative et communautaire des ensembles d’habitation. Ce support communautaire permet de maintenir dans leur logement des personnes vulnérables qui autrement n’y parviendraient pas tout en se distinguant du support et des interventions spécialisées relevant du secteur de la santé et des services sociaux.
Toutefois, le support communautaire en OSBL peut s’inscrire en continuité ou en complémentarité avec celui de la Santé. Le Programme que le ministère propose tend à démontrer que cet objectif mutuellement bénéfique et acceptable reste encore à atteindre.