Le nouveau gouvernement fédéral a un mandat clair. Il a fait campagne pour une société plus juste et promis d’investir pour développer les « infrastructures sociales » dont « une partie significative » en logement social et communautaire.

Non seulement monsieur Trudeau et ses troupes ont-ils été élus sur cette promesse; ils ont aussi fait le choix de l’honnêteté et expliqué à la population qu’ils devraient contracter un déficit pour réaliser les investissements requis pour respecter leurs engagements. Le RQOH salue donc à la fois l’engagement en faveur de mesures sociales essentielles et la transparence dont a fait preuve l’équipe libérale durant la campagne.

Passer de la parole aux actes

Pour le gouvernement d’octobre 2015, le véritable test est encore à venir. Promettre des milliards d’investissements en campagne est une chose, livrer la marchandise en est une autre. Depuis l’élection, le RQOH a rencontré plusieurs élus fédéraux, dont le ministre responsable de la SCHL, M. Duclos et le ministre responsable des Infrastructures, M. Sohi. Ces rencontres se sont déroulées dans une ambiance positive, les deux élus ayant fait preuve non seulement d’ouverture, mais aussi d’une connaissance respectable des enjeux et défis de notre secteur.

Les deux ministres n’ont pris aucun engagement chiffré, mais ils ont exprimé sans ambiguïté un parti pris pour une action fédérale active, significative, innovante et rapide dans le monde de l’habitation en général et du logement social en particulier. Le RQOH propose à ces élus de chiffrer leurs engagements non pas en dollars, mais en résultats concrets : 100 000 nouveaux logements communautaires pour les ménages en situation de fragilité et d’exclusion sociale d’ici cinq ans. 100 000 logements réalisés avec la contribution du gouvernement fédéral, dont 23 000 pour le Québec. N’oublions pas que, selon l’indice du logement locatif, 227 870 ménages locataires québécois consacrent plus de 50% de leur revenu au loyer. Ces personnes sont donc à haut risque d’instabilité résidentielle et même carrément d’itinérance.

Cet engagement donnerait un objectif clair permettant à la population de mesurer le succès d’une telle opération et sa réalisation aurait un véritable impact sur la situation des ménages qui accéderont à ces logements. Les bénéfices d’un tel programme s’étendraient aussi aux dizaines de milliers de personnes qui travailleront à construire, entretenir et faire fonctionner1 ces logements. L’impact économique des investissements en logement communautaire est maintenant bien démontré et il est reconnu que de tels investissements agissent comme des leviers efficaces pour stimuler l’économie et l’emploi2.

Protéger les ménages et les investissements

L’autre grande responsabilité fédérale en matière de logement social et communautaire est bien sûr liée à la fin des conventions d’exploitation associant la SCHL avec des OSBL. Il s’agit de 22 000 logements construits de 1970 à 1996 au Québec.

En effet, quelle serait l’utilité de construire 23 000 nouveaux logements si c’est pour en perdre 22 000 dans le parc existant ? La récente recherche du RQOH sur la situation financière des OSBL3 démontre clairement que le parc des OSBL issu des programmes fédéraux est généralement en bonne condition pour faire face aux défis de la fin des conventions. Il n’en reste pas moins qu’une intervention énergique du gouvernement fédéral est indispensable à trois niveaux.

D’abord et de manière ultra prioritaire, il faut que Ottawa adopte les mesures nécessaires pour protéger tous les ménages qui reçoivent de l’aide financière pour le paiement de leur loyer. La fin des conventions ne signifie pas que les locataires habitant ces logements sont capables d’assumer des hausses de loyer.

Ensuite, une bonne partie des immeubles OSBL du parc fédéral a besoin d’une sérieuse remise aux normes. Les constructions des années 1970, 1980 et 1990 ont été érigées en fonction du cadre réglementaire de l’époque et elles ne répondent plus aux standards actuels. Par exemple, la récente décision d’exiger l’installation d’un système de gicleurs dans tous les immeubles pour aînés est tout simplement impossible à relever sans une aide financière importante. Les gestionnaires de ces immeubles devront hausser les loyers ou recevoir de l’aide gouvernementale pour ces mises aux normes. Ottawa doit contribuer pour protéger les immeubles.

Finalement, l’action contre les changements climatiques étant dorénavant une priorité nationale, nous souhaitons la mise sur pied immédiate d’un programme d’envergure pour financer des mesures éco-énergétiques pour améliorer l’efficacité de nos immeubles.

Cohérence et respect

Les élections fédérales ont apporté un changement de garde fort bienvenu à Ottawa. Les politiques conservatrices affaiblissaient les groupes et partenaires du logement communautaire désireux d’aider les segments de la population pour qui le marché privé n’offre pas de solution adéquate pour leurs besoins en habitation.

« Construire 100 000 nouveaux logements communautaires, garder les logements communautaires accessibles aux démunis, amener les immeubles aux normes et réduire le gaspillage énergétique : voici un programme pratique à la mesure de l’espoir créé par la campagne électorale. »

Ces gestes auraient des impacts positifs sur la vie des gens et des communautés, relanceraient l’économie et, accessoirement, feraient gagner à ses auteurs le soutien du mouvement de l’habitation communautaire au Québec ainsi que dans l’ensemble du Canada.

Stéphan Corriveau

Directeur général

1 Lire « Le logement communautaire en OSBL, c’est plus de 6 500 employés ».

2 Se référer à l’Étude d’impact des activités de la société d’habitation du Québec.

3 Lire « Les caractéristiques économiques et la viabilité financière du parc des OSBL d’habitation du Québec ».

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 48