31 décembre 2016
Que faire quand une personne aînée refuse de quitter son logement en dépit d’une perte d’autonomie obligeant l’organisme à dépasser son mandat ? Comment choisir en tant que gestionnaire entre le droit individuel et le bien-être voire la sécurité de la communauté ? Quelle est la responsabilité de l’OSBL lorsqu’on constate que la santé d’un résident se détériore au point de causer des préjudices à lui-même ou aux autres ? Tour d’horizon d’un enjeu de taille pour les OSBL-H et leurs locataires aînés.
Pour son assemblée générale annuelle, le RQOH a invité des représentants d’OSBL d’habitation certifiés et non certifiés pour aînés à se réunir en atelier pour partager leur expérience sur ces questions qui touchent un grand nombre d’organismes.
« Au Québec, le Code civil reconnaît le droit au maintien dans son logement, précise d’entrée de jeu Jacques Beaudoin, responsable de la recherche et de la formation au RQOH. Un locataire ne peut être évincé, sauf exception, notamment si le ou la locataire ne respecte pas son obligation de maintenir le logement dans un état salubre et sécuritaire, ou encore s’il trouble la jouissance paisible des lieux de ses voisins et voisines. »
Or, ce droit au maintien dans les lieux peut être difficile à concilier avec les normes qui s’appliquent aux résidences certifiées : « La certification vous oblige à signaler toute situation où l’état de santé d’un locataire nécessite des soins ou des services qui dépassent ceux que vous pouvez offrir, explique M. Beaudoin. La logique veut que le réseau prenne alors en charge les besoins de cette personne. »
Mais le problème demeure pour les gestionnaires présents, qui font part de leurs préoccupations. « Mes locataires ont de 75 à 90 ans, raconte la responsable d’un OSBL de 70 logements pour aînés, et quand ils nécessitent clairement davantage de services et de soins que ce qu’on peut leur offrir, ils ne veulent pas partir. Une aînée a déjà oublié d’éteindre son poêle trois fois, les pompiers sont venus… Mais je ne peux tout de même pas recourir à la Régie du logement, ça aggraverait encore plus leur condition, avec beaucoup de stress ! Je me sens souvent prise entre l’arbre et l’écorce… »
« En plus, les familles ne comprennent pas toujours que la gestion de la perte d’autonomie, ce n’est pas notre mandat, indique le gestionnaire d’un organisme de 100 logements. De toute façon, les délais d’attente à la Régie du logement sont très longs, on doit prendre en charge la personne tant qu’il n’y a pas de verdict. »
Un autre responsable renchérit : « Certains résidents m’ont déjà fait savoir qu’ils ne voudraient pas déménager si leur santé se détériore. Et quand ils sont d’accord, ça peut prendre des mois avant de pouvoir les relocaliser en RI (ressource intermédiaire) ou en CHSLD. En attendant, c’est nous qui devons répondre à leurs besoins malgré notre budget déjà serré. Souvent, ça se répercute sur le prix du loyer, on n’a pas le choix. »
Il s’avère donc que les relations entre les OSBL, qu’ils soient certifiés ou non, et le réseau de la santé et des services sociaux, sont ici très importantes. Car plutôt que de recourir à une demande de résiliation de bail, ce qui peut être déchirant, un peu plus de soutien de la part du réseau serait suffisant pour compenser la perte d’autonomie d’une personne aînée.
« Dans la majorité des cas, la collaboration avec le réseau de la santé est bonne, mais elle est inégale d’une région à l’autre, résume M. Beaudoin. Dans une situation de manque de places en CHSLD ou en RI, les demandes de relocalisation des locataires d’OSBL ne sont pas toujours jugées prioritaires, parce que les aînés sont dans une situation apparemment moins précaire comparée à celle d’aînés isolés en logement individuel. » L’argument est le même lorsque des gestionnaires se voient refuser la priorisation d’une demande de soutien. De plus, le roulement de personnel au sein du réseau de la santé rend parfois difficile la collaboration.
« C’en est parfois absurde, s’exclame la responsable d’un organisme situé dans le même immeuble qu’une RI. Impossible de transférer mes locataires en perte d’autonomie dans la RI adjacente… même pour un couple, dont le conjoint a dû déménager dans une RI à plusieurs kilomètres ! »
Quelques pistes de solution
La rencontre est aussi l’occasion de partager les pistes de solution existantes. Un contact direct avec le réseau de la santé, sous la forme d’un local ou de personnel sur place, a été testé et approuvé par des gestionnaires. « Une infirmière du réseau a son propre local dans notre immeuble, explique un représentant d’OSBL pour aînés de 52 unités locatives. Ça facilite vraiment notre travail par rapport à d’autres qui n’ont pas ce contact direct. » Dans le même ordre d’idée, un organisme offrant 40 logements va débuter un projet pilote visant à ce qu’un médecin puisse faire des visites à domicile.
Une autre idée a été lancée, celle de mettre en place des comités d’intervention dans chaque ville, afin de donner un plus grand poids aux demandes de relocalisation des groupes face au réseau de la santé. « Ces comités pourraient être soutenus par des représentants des services de police ou de pompier, note une gestionnaire. Quand ils interviennent à répétition à cause de la perte d’autonomie, ils sont témoins des dangers réels que cela peut provoquer. » Autre initiative, déjà mise en place dans une région : la présence d’un guichet d’accès spécifique pour les personnes en perte d’autonomie et un accès à un numéro de téléphone dédié au signalement des cas de perte d’autonomie.
« Il y a eu une étude au Témiscamingue, partage une gestionnaire de la région, qui suggère qu’une nouvelle forme de logement pour aînés, appelée “logement évolutif”, soit développée. L’objectif est de permettre aux services de l’OSBL de suivre la personne en perte d’autonomie, plutôt que le contraire. » Elle indique toutefois que les règles encadrant les programmes actuels de financement tel qu’AccèsLogis ne permettent pas le développement de ce type d’habitation. À cet effet, M. Beaudoin lui suggère de déposer son projet auprès de la SCHL qui a récemment lancé un nouveau programme pour le développement de projets innovants.
« De nouveaux investissements sont à espérer (et peut-être même a prévoir!) en ce qui a trait au maintien à domicile, ajoute-t-il. La Direction de la certification des résidences pour aînés et celle du soutien à domicile au MSSS ont été récemment fusionnées, ce qui devrait permettre une meilleure prise en compte des besoins des OSBL d’habitation. »
Pour conclure…
Comme ce fut le cas pour le dossier sur la certification, le RQOH croit qu’il est possible de mettre sur pied un chantier de travail sur les besoins des aînés habitant en OSBL-H en regard aux services de santé. Il est donc important que les groupes continuent à alimenter le RQOH afin qu’une meilleure synergie entre le milieu de l’habitation et le réseau de la santé soit développée et que les capacités des groupes soient davantage respectées.
Faites part au RQOH de votre réalité, les mauvaises expériences comme les bonnes ne peuvent qu’aider les OSBL d’habitation pour aînés à progresser !