Dessin illustrant des personnes itinérantes dans une grande ville

4 mars 2025

Itinérance : plaidoyer pour une approche fondée sur les droits

Des organismes intéressés par l’itinérance dans la métropole ont récemment produit des mémoires sur la question. Nous vous présentons ici quelques points communs de ceux du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) et de la Ligue des droits et libertés (LDL).

L’objectif de la démarche consultative de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) était de sonder les conditions favorables de cohabitation sociale et l’intégration équilibrée des ressources pour les personnes en situation d’itinérance dans les quartiers de la métropole.

Droits humains bafoués

La Ligue des droits et libertés rappelle, d’entrée de jeu, que « le cadre de référence des droits humains que la Ville s’est elle-même engagée à mettre en œuvre dans la Charte montréalaise des droits et responsabilités offre des réponses à la crise humanitaire qui sévit de plus en plus durement à Montréal et aux dénis de droits des personnes itinérantes […] ».

Le RAPSIM indique pour sa part que, conformément à la Charte, le droit de cité ou le droit d’exister dans la ville en toute dignité et en sécurité est le droit de tous les Montréalais et Montréalaises et que la Ville de Montréal gagnerait à rappeler que ce droit s’applique également aux personnes en situation d’itinérance.

D’ailleurs, selon l’Organisation des nations Unies, l’itinérance est un cumul de déni de droits.

Constats et revendications

Les deux organismes soulignent le pourcentage significatif d’évictions, soit près du quart, à l’origine de la situation d’itinérance. Aussi, ils notent un décalage important entre les besoins et l’offre de services. Cela engendre un nombre alarmant de refus dans les lieux d’hébergement temporaires ou transitoires.

L’exercice de dénombrement d’octobre 2022 a permis d’établir la présence de 4690 personnes en situation d’itinérance visible dans la métropole. Tous s’entendent pour dire que ce chiffre est sous-évalué et que la situation s’est détériorée depuis.

Parcours uniques

Selon le RAPSIM et la LDL, il faut traiter de l’itinérance en considérant l’unicité des parcours individuels. Il importe, dans cette analyse, de ne pas occulter l’itinérance cachée.

À ce chapitre, la LDL rappelle que selon les Nations Unies, « la prise en compte des expériences des personnes en situation d’itinérance, l’ayant été dans le passé, ainsi que des organismes communautaires qui ont une connaissance fine de leurs réalités et besoins, s’inscrit comme un élément incontournable à une consultation éclairée et respectueuse des droits humains ». Les deux organismes insistent sur le fait que l’itinérance est un phénomène complexe, d’où la nécessité de s’attaquer à ses causes structurelles.

RAPSIM

Proposer des solutions limitées à la cohabitation ne permet pas d’adresser les besoins fondamentaux des communautés concernées, ce qui, en plus d’entraîner des tensions accrues à long terme, pourrait affecter négativement la santé et les différents droits des personnes en situation d’itinérance. Ce serait comme soigner les symptômes et non les réelles causes d’une maladie.

Le manque de logements et l’absence de ressources, combiné à l’exclusion des espaces publics complexifie, voire rend impossible la sécurité, la dignité et l’intimité.

L’une des recommandations principales et de garder en tête la question des droits humains. Pour ce faire, il est impératif de lutter contre le phénomène « pas dans ma cour ».

Il importe par ailleurs, selon le RAPSIM et la LDL, de contrer le profilage et la judiciarisation des sans-abri.

La LDL indique que depuis 1994, « jusqu’à 41 % de tous les constats émis pour des motifs de sécurité et d’ordre public à Montréal ont été émis aux personnes en situation d’itinérance ». Selon le RAPSIM et la LDL, il faut miser sur le logement social et lutter contre le racisme et les discriminations systémiques.

Solutions concertées

À l’instar des rapports du Bureau de la défenseure fédérale du logement, les deux mémoires recommandent un moratoire sur les démantèlements de campements. Selon les deux organismes, la Ville de Montréal doit soutenir le développement des ressources adaptées à la réalité des personnes afin de résoudre des problématiques de partage de l’espace public.

Or, les organismes communautaires vivent eux-mêmes une crise du logement. Il faut donc assurer un financement adéquat, de même qu’une meilleure reconnaissance de leur expertise et de leur autonomie. On a tendance à amplifier leur charge de travail et à les blâmer quand ça va moins bien, alors qu’ils veillent au filet social.

Il importe ainsi d’offrir du soutien aux organismes communautaires et de réfléchir à la localisation des ressources en fonction des besoins constatés sur le terrain.

Pour ce faire, un meilleur arrimage avec autres paliers gouvernementaux s’impose. En effet, une prévisibilité du financement serait de mise pour assurer la réalisation de la mission des organismes œuvrant auprès des personnes les plus vulnérables.

Espace public à démocratiser

Le RAPSIM et la LDL sont d’avis qu’il faut repenser les espaces publics pour favoriser l’inclusion des personnes itinérantes. À titre d’exemple, le RAPSIM et la LDL soulèvent l’aménagement du mobilier urbain hostile, qui est discriminatoire et qui complexifie le quotidien des personnes sans domicile fixe.

La démocratisation de l’espace public passe notamment par l’amélioration des infrastructures (eau potable, services sanitaires, casiers pour entreposer des effets personnels, poubelles de récupération de seringues, à des boîtes postales) aux abords des ressources pour personnes utilisatrices. Cela soulagerait aussi les personnes logées aux environs.

Ils défendent aussi l’aménagement d’espaces dédiés et autogérés destinés aux Premiers Peuples et le déploiement des logements de transition pour les personnes autochtones sortant de programmes de traitement ou d’incarcération.

Rétablir les droits humains

En définitive, il est impératif de prendre des mesures pour garantir la réalisation progressive du droit à un logement convenable.

Parmi les solutions formulées par le RAPSIM et la LDL dans le cadre du coup du sonde de l’OCPM, rappelons l’importance du respect des autres droits fondamentaux, de même que le déploiement des solutions d’hébergement, des installations et des services publics qui respectent le parcours, les limites et les besoins des individus.

Dans une optique d’autodétermination, les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un meilleur accès à la justice et être parties prenantes de la réflexion quant aux réponses sociales les plus adéquates pour elles.

Ligue des droits et libertés

[U]ne personne en situation d’itinérance doit pouvoir accéder facilement à des soins et services de santé, des ressources en alimentation, des services sociaux et juridiques et au réseau de transport public ; services qui faciliteront l’exercice de ses droits.