21 octobre 2021

Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 : des lacunes importantes en matière de logement social

Le 18 octobre 2021, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux Lionel Carmant a fait l’annonce du nouveau Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026. Ce plan d’action vise à mettre en pratique les grands principes énoncés dans la Politique nationale de lutte à l’itinérance, laquelle a été élaborée en 2014 par l’ensemble des acteurs du milieu.

Premier constat positif, le plan dévoilé par le Dr Carmant s’inscrit bel et bien dans l’approche globale et communautaire mise de l’avant au Québec. Une approche qui tient compte de l’ensemble des facteurs qui peuvent mener une personne à la rue, que l’on résume souvent avec l’adage : « Si l’itinérance est toujours un problème de logement, elle n’est jamais seulement un problème de logement ».

Le RQOH accueille favorablement l’ensemble des actions visant à s’attaquer à la pluralité des problèmes au moyen de la prévention, les services d’accompagnement, l’amélioration de la situation économique des personnes en situation d’itinérance ou l’ouverture aux besoins des personnes autochtones et des femmes. C’est cependant dans le domaine du logement que le Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 démontre des faiblesses.

On y parle bien « d’ajuster les programmes [de soutien au logement] pour les adapter aux besoins des personnes en situation d’itinérance », mais il n’y a aucun objectif en termes de création de nouvelles unités de logements sociaux et communautaires. D’ailleurs, on trouve une seule occurrence des mots « logement social » dans le plan d’action, et c’est dans… la bibliographie!

Chantal Desjardins, directrice de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM), s’inquiète : « Il est tout de même étonnant et significatif qu’un plan de lutte à l’itinérance ignore à ce point le logement social et communautaire, dont on sait qu’il est fondamental pour aider les personnes en situation d’itinérance à sortir de la rue et à se maintenir en logement. Ces personnes doivent obtenir un logement permanent et non juste être admises dans des refuges si elles veulent un jour avoir une stabilité résidentielle. C’est toutefois cohérent avec un gouvernement qui refuse de reconnaitre qu’il y a une crise du logement. »

Même son de cloche chez Armelle Grey Tohouegnon, la directrice générale du Regroupement des OSBL d’habitation avec soutien communautaire de l’Outaouais (ROHSCO) : « Nous déplorons que le financement prévu serve davantage à assurer un meilleur continuum de services pour la population itinérante et à risque plutôt que la construction de nouvelles ressources d’habitation. »

La principale mesure « logement » annoncée dans le Plan d’action est l’action 5 : l’ajout de 1 600 suppléments au loyer sur le marché locatif privé, c.-à-d. une aide individuelle pour aider un·e locataire à payer son loyer au propriétaire. Afin de trouver des locateurs intéressés – on connaît la défiance de plusieurs propriétaires à l’égard des personnes itinérantes et la cherté du logement en général –, on précise que « les coûts admissibles du logement pourront atteindre jusqu’à 150 % du loyer médian du marché reconnu par la SHQ pour faciliter la recherche d’appartements ».

Mme Grey Tohouegnon se désole du fait que « le plan interministériel mise sur la bonification du programme de supplément au loyer (PSL) offert au privé ». Et d’ajouter que bien que le plan « souligne à grands traits l’importance de rehausser l’offre de logements, il n’y a pas d’engagement en ce sens ». « Parmi toutes ces mesures, renchérit Mme Desjardins, il n’y a rien de concret pour le soutien communautaire en logement social, qui est une pratique nécessaire à la stabilité résidentielle des personnes à risque d’itinérance. C’est pourtant une pratique qui évite de renvoyer les gens à la rue, et qui est bien plus efficace que de subventionner du logement privé avec des PSL. »

Le ROHSCO attribue néanmoins une note positive au plan : « Nous saluons tout de même la volonté d’assurer une meilleure prévention de l’itinérance, d’améliorer les services en hébergement temporaire et transitoire et d’actualiser le programme Vers un chez-soi », d’expliquer Armelle Grey Tohouegnon.

La réaction du Regroupement d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) est globalement positive, même s’il note « un manque d’ambition au niveau des changements structurels, notamment concernant les actions en logement et en revenu ». Le RAPSIM se réjouit de trouver dans le Plan d’action « une réaffirmation de l’approche globale et communautaire, propre au Québec, et le refus de s’inscrire dans une approche unique » et salue « la mise de l’avant de la prévention, ainsi que la reconnaissance du besoin d’actions respectueuses du rythme et de la dignité des personnes, en offrant des services d’accompagnement adaptés ».

Dans ce dossier, le RQOH s’appuie sur le travail des fédérations régionales et de leurs membres sur le terrain, et relaie auprès du gouvernement du Québec leur volonté de voir une augmentation de l’appui de la Société d’habitation du Québec à la réalisation de nouveaux logements sociaux et communautaires et un meilleur financement du soutien communautaire en logement social.

Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 en version intégrale : Plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026 – S’allier devant l’itinérance (gouv.qc.ca)

La réaction du RAPSIM : https://rapsim.org/2021/10/19/plan-daction-interministeriel-2021-2026-des-principes-forts-et-des-manquements-importants/

Communiqué de presse du MSSS : S’allier devant l’itinérance – Près de 280 M$ pour la réalisation du plan d’action interministériel en itinérance 2021-2026