6 juin 2018
Une enquête de la Direction régionale de santé publique de Montréal et de la Direction de l’habitation de la Ville de Montréal et une série de textes parus dans Le Devoir ont récemment levé le voile sur la situation peu enviable de nombreux chambreurs dans la métropole.
En dépit de l’état plus que lamentable rapporté par l’enquête intitulée Les chambreurs montréalais 2017 – présence généralisée de punaises, de coquerelles, problèmes d’humidité ou d’infiltration, rongeurs, moisissures apparentes, etc. –, les auteurs reconnaissent néanmoins dans les maisons de chambres « un maillon essentiel de l’offre résidentielle, représentant la dernière solution avant la rue, et la première option pour en sortir ».
Si les maisons de chambre n’offrent pas toujours les conditions de sécurité et de salubrité dont sont en droit de s’attendre les personnes qui y vivent, c’est en premier lieu en raison du modèle de propriété et de gestion sous lequel elles opèrent. La grande majorité de celles-ci, et la totalité de celles constituant l’échantillon de l’enquête sont de propriété privée. Propriété de personnes qui, à en croire les résultats du travail journalistique du Devoir, par appât du gain, par insouciance ou les deux à la fois, laissent les logements se dégrader sans lever le petit doigt.
Non seulement le secteur privé s’avère-t-il incapable d’offrir des chambres dignes et bien entretenues, mais c’est à un coût exorbitant qu’il loue ses taudis où les habitants sont parfois la proie des pires sévices. Les locataires des maisons de chambres, des personnes en situation de vulnérabilité financière et souffrant souvent de limitations sévères à l’emploi, dépensent donc une trop grande part de leur revenu au paiement du loyer, hypothéquant « leur capacité à répondre aux autres besoins de base, notamment se nourrir convenablement », comme le précise l’enquête. « Quarante-quatre pour cent [des chambreurs] vont jusqu’à consacrer 50 % de leur revenu pour se loger ».
Une partie du parc de maisons de chambres est cependant gérée par des organismes sans but lucratif qui reçoivent généralement des subventions pour offrir des services aux locataires et pour s’assurer que le loyer est proportionnel à leur revenu. Le secteur de l’habitation communautaire reçoit en effet les faveurs des auteurs de l’enquête, pour qui, « afin d’assurer la pérennité des maisons de chambres […] il faut revoir les approches d’aide à la rénovation du parc privé existant, tout en continuant de soutenir des acquisitions par des organismes d’habitation à but non lucratif. »
Avec son caractère collectif et la solidarité que permet son mode d’organisation, l’habitation communautaire est appelée à jouer un rôle clé non seulement pour des chambres bien entretenues à un coût abordable, mais aussi offrir un milieu de vie sain, exempt de violence. Outre un logement, plusieurs de ces organismes offrent un soutien communautaire favorisant par ailleurs la participation et l’empowerment de leurs locataires, ce qui leur permet d’acquérir un plus grand pouvoir sur les décisions qui les concernent. Un tel environnement agit en amont pour prévenir les situations menant à un « retour à la rue ».
Dans sa série d’articles sur la question, Le Devoir rapportait les propos de Mme Suzanne LaFerrière, de la Direction de l’habitation de la Ville de Montréal, qui dit vouloir développer une « approche intégrée d’intervention » en lien avec le réseau de la santé et les chambreurs. Il est plus qu’opportun que les structures communautaires dans le domaine du logement à Montréal, comme la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM), prennent part à un tel partenariat. Le RQOH, qui en cela peut s’appuyer sur l’une des conclusions de l’enquête, pour qui il faut « accroître l’offre de logements sans but lucratif destinés et adaptés aux clientèles vulnérables », propose que les maisons de chambres du secteur privé soient converties en OSBL.
Une telle mesure, qui ne concerne finalement que 2500 unités, ne coûterait qu’une fraction du prix de quelques-unes des extravagances budgétaires qu’a connues Montréal ces dernières années. La socialisation du parc de maisons de chambres de Montréal aurait un impact humain considérable, entraînerait un effet bénéfique en termes de santé publique, tout en favorisant la stabilité résidentielle et la lutte à l’itinérance. Au niveau économique, d’importantes études ont démontré que le coût de l’hébergement d’un individu en prison, dans les hôpitaux ou dans le réseau des refuges était incomparablement plus élevé que le coût de leur louer un logement social avec soutien communautaire.