6 juin 2022

Pourquoi le logement communautaire ?

Dans le cadre de la conférence de presse organisée à l’Assemblée nationale le 26 avril, le RQOH a invité deux représentantes d’organismes locaux à prendre la parole : Geneviève Savard, locataire et administratrice au Domaine Scott de Saint-Sauveur et Linda Pelletier, promotrice du projet Repos du soldat.

Les profils des personnes qui vivent dans des logements administrés par des OSBL sont variés. Ces logements s’adressent à des familles au revenu faible ou moyen, des femmes en situation précaire, des personnes aînées, des personnes à risque d’itinérance, des personnes vivant avec un handicap physique ou intellectuel, etc. Lors de cette prise de parole, importante pour souligner cette diversité, Mme Savard a pu témoigner de l’importance du logement communautaire dans un processus de prise en charge et d’autonomie des locataires tandis que Mme Pelletier a rappelé l’importance d’un programme de construction de logements comme AccèsLogis pour que des projets portés par la communauté puissent voir le jour.

Empouvoirement

« Un jour, au retour d’un séjour à l’étranger, a dit Geneviève Savard, je suis revenue m’établir au Québec et par un heureux hasard, j’ai trouvé un logement dans un OBNL. » C’est une chance en effet, car pour une locataire, cela veut dire améliorer ses conditions de vie à moindre coût et avoir la certitude de pouvoir demeurer dans son logement sans crainte d’éviction pour une raison futile ou frauduleuse.

« Je connaissais peu ce type d’environnement, mais rapidement, j’ai apprécié d’y résider et j’ai compris son fonctionnement. Ça a commencé à me tenir à cœur. Le fait de vouloir avoir une mixité sociale, de créer des écosystèmes qui favorisent l’entraide, ça collait à mes valeurs. » L’ouverture sur la communauté caractéristique des habitations communautaires permet des gestes d’entraide entre les voisins et voisines, l’implication dans l’administration ou l’animation de l’organisme est un facteur d’apprentissage et d’inclusion sociale.

« Comme je tenais à mon milieu de vie, je suis devenue présidente du conseil d’administration de l’endroit où je vis, le Domaine Scott de Saint-Sauveur. Je me suis aussi impliquée dans un CA d’un autre OBNL pour personnes âgées en me disant que mon apport pourrait être utile là-bas. Dernièrement, j’ai commencé à aider un OBNL qui a besoin de revoir son processus de gestion. J’ai été suffisamment motivée pour donner du temps afin que le modèle puisse continuer d’exister. »
— Geneviève Savard

Pourquoi Geneviève Simard est-elle si motivée ?
« Parce que ça fait la différence dans la vie des gens qui y habitent. Parce que ça fait la différence aussi dans ma vie. Bref, je suis fière d’y contribuer. »

Initiatives du milieu

Une des principales craintes que soulève le nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) récemment mis en place [voir p.18], est qu’il favorise les grands promoteurs privés et décourage les initiatives du milieu, portées notamment par les organismes communautaires, les citoyens et citoyennes qui se regroupent pour développer des projets.

Madame Linda Pelletier, promotrice du projet le Repos du soldat, est justement une de ces citoyennes que rien ne prédisposait spécialement à l’engagement social, mais qui se trouve depuis des années à remuer ciel et terre pour améliorer le sort de ses concitoyens.

« Je suis une conjointe de vétéran, a-t-elle expliqué aux journalistes. Je travaille sur un projet d’un bloc d’appartements de 80 logements depuis 6 ans pour les vétérans qui sont “post-traumatiques”. J’ai eu l’idée de ce projet après avoir accompagné mon conjoint lors de crises d’angoisse suivies d’hospitalisations. »
— Linda Pelletier

Devenue proche aidante, Mme Pelletier a dû arrêter de travailler pour prendre soin de son mari. « Et je ne suis pas la seule ! C’est pourquoi il m’est venu l’idée de développer des logements subventionnés. » Malheureusement, le manque de volonté politique des gouvernements et les verrous d’un programme AccèsLogis dont on ne sait pas s’il survivra à la prochaine saison et le manque cruel de fonds ont empêché jusqu’à maintenant la réalisation du projet.

Quand Linda Pelletier parle de vétérans, elle ne parle pas uniquement de son mari qui a été déployé à l’étranger par les Forces armées du Canada, elle parle aussi de pompiers, d’ambulanciers, de policiers et autres premiers répondants, des personnes souffrant de stress post-traumatique en raison de situations dérangeantes auxquelles elles ont fait face durant leur carrière ou en cours de mission. Les gens qui ont fréquenté des personnes vivant avec ce problème savent à quel point notre société manque d’encadrement pour surveiller l’évolution des troubles de stress post-traumatique et adapter les milieux de vie en conséquence.

Dans un projet comme celui que nous proposons de développer, ici à Québec, on aimerait réserver quelques unités de logements aux familles et aux conjointes pour qu’elles profitent d’un répit quand la situation devient difficile. Nous proposons d’avoir un “plancher” de l’immeuble qui offre des services personnalisés. On parle d’un projet respectueux qui valorisera la vie sociale de ses occupants, on veut aider ces personnes et leurs conjoints à sortir de l’isolement. Parce que je peux en témoigner, les conjoints qui vivent auprès de ceux qui ont vécu des chocs post-traumatiques deviennent isolés.

On imagine mal le secteur privé – pas plus les jeunes aventuriers aux dents longues dont les médias nous présentent les « succès » que les gros joueurs du domaine immobilier – consentir des efforts particuliers ou réduire leurs marges pour faire sortir de terre un projet avec une telle visée sociale. « C’est pourquoi nous avons besoin du programme AccèsLogis pour subventionner certains types de logements sociaux, conclut-elle. Plusieurs n’ont pas les moyens, même avec une pension de vétérans, de se payer un logement convenable. Nos vétérans ont servi leur pays et méritent notre respect. On pense que c’est aussi ça l’habitation communautaire. »

Claude Rioux
Responsable des communications – RQOH